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samedi 20 décembre 2014

REVELATIONS ULTRA-SECRETES SUR LA GUERRE MONDIALE EN COURS


Comme je le plains ce pauvre "spectator", "téléspectator", que l'on suppose incapable de réfléchir par lui-même, d'assembler et synthétiser les pièces du puzzle qu'on lui débite quotidiennement aux "infaux"!
Avant-hier on assassina près de 150 élèves d'un lycée pakistanais, quelques jours avant un "loup solitaire" avait abattu plusieurs personnes à Sydney en Australie, la bande terroriste Boko Haram avait kidnappé une centaine de jeunes filles, avant de récidiver ultérieurement en en raflant 185 autres à la barbe de l'armée nigériane1. On avait déjà oublié les milliers, y inclus femmes et enfants, massacrés à l'été en Palestine.
Donc hier, toute référence au massacre des lycéens pakistanais avait disparu pour laisser place à cette magnifique entrée dans l'histoire d'un président noir qui blanchissait le régime stalinien castriste en lui ouvrant les bras chargés de futurs contrats commerciaux dignes du Père Léon; on apprit que le sympathique Pape François, futur éventuel prix Nobel, avait joué les missi dominici. Toute la chrétienté journalistique en rayonnait et faisait claquer les claviers des rédactions fugaces.

Pourtant, récurrente la menace "islamiste" revient occuper la une des médias avec son lot d'égorgements, tous les pays sont touchés – on se croirait parfois dans les années 1930 avec le fantôme de la "5ème colonne" fasciste – par un attentat de groupe ou/et de "loup solitaire. Le déroulement des crimes djihadistes remplit les pages de google news, les news c'est toujours du sang. On dirait que c'est programmé (mais rassurez-vous je ne suis pas un adepte de la croyance au complot systématique. Prenons l'Australie:

Le 18 septembre en Australie, annonce médiatique: "Décapiter des civils", c'est ce que projetaient, entre autres, les 15 djihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui ont été arrêtés, jeudi 18 septembre, par la police australienne dans un raid sans précédent. Pas moins de 800 policiers ont participé au coup de filet antiterroriste, mené à l'aube dans des banlieues de Sydney et Brisbane, dans les Etats du Queensland et de Nouvelle-Galles du Sud (sud-est), avec l'objectif d'interpeller 25 membres présumés d'un même réseau. Cette opération, la plus grande de ce type jamais organisée en Australie, survient une semaine à peine après que Canberra a relevé son niveau d'alerte face à la menace terroriste, représentée par les combattants australiens de l'EI de retour du Moyen-Orient. Parmi les personnes arrêtées, un suspect de 22 ans, Omarjan Azari, a été placé en détention provisoire, pour avoir planifié un acte terroriste destiné "à choquer, horrifier et terrifier", selon le parquet. D'après l'accusation, il en avait reçu l'ordre de l'Australien (sic) le plus haut placé au sein de l'EI, Mohammad Baryalei, né en Afghanistan. Il s'agissait de sélectionner des gens au hasard, et de les exécuter de manière horrible, tout en filmant ces actes, selon un scénario impliquant un degré inhabituel de fanatisme", a déclaré le procureur Michael Allnutt. Selon la télévision publique ABC, les images devaient être envoyées à l'unité médias du groupe EI au Moyen-Orient, avant d'être rendues publiques. Outre la récente décapitation de trois otages occidentaux par des djihadistes de l'EI, le mode opératoire envisagé rappelle le meurtre à l'arme blanche du soldat britannique Lee Rigby, attaqué le 22 mai 2013 en plein jour, dans une rue du sud de Londres. Deux Londoniens d'origine nigériane l'avaient renversé, lardé de coups de couteau, et pratiquement décapité sous les yeux de nombreux passants. Une soixantaine d'Australiens combattent dans les rangs djihadistes en Irak et en Syrie, et une centaine fournissent, d'Australie, un soutien actif aux mouvements sunnites radicaux, selon les services de sécurité du pays.
Pour le ministre de l'Immigration, Scott Morrison, qui siège au conseil national de sécurité, l'opération de jeudi 18 septembre est la preuve de "la menace très réelle" à laquelle l'Australie est confrontée, et "justifie la réponse musclée du gouvernement". L'Australie est fortement engagée aux côtés des Américains dans la lutte contre les combattants islamistes, avec la livraison de matériel militaire, d'armes, de munitions, ainsi que d'aide humanitaire par l'aviation. Canberra va déployer 600 militaires (dont 400 personnels de l'armée de l'Air) aux Emirats arabes unis (EAU).
Le 17 décembre (soit 3 mois plus tard) concrétisation de la "menace": Le preneur d'otages a été identifié comme étant Man Haron Monis. Ce réfugié iranien s'était lui-même intronisé « cheikh ». Âgé de 50 ans, il était arrivé en 1996 en Australie grâce au statut de réfugié, vivait dans la banlieue de Sydney et était un « islamiste radical », précise le quotidien The Australian. L'homme était connu de la justice et devait répondre de multiples charges pour agression sexuelle. Il a également été condamné en 2012 pour avoir envoyé des lettres d'injures ou de menaces aux familles de huit soldats australiens tués en Afghanistan, afin de protester contre l'engagement de Canberra dans le conflit.
Des motivations floues. Pendant la prise d'otages, Man Haron Monis a fait déployer un drapeau noir portant la profession de foi de l'islam écrite en arabe. Mais, selon Reuters, l'homme n'était affilié à aucune organisation terroriste connue. La police évoque un acte isolé. Son ancien avocat, Manny Conditsis, a exclu qu'il ait pu s'agir d'un acte concerté, organisé. "C'est un individu dérangé qui a commis un acte terrifiant", a-t-il dit à la chaîne de télévision ABC. Le premier ministre australien, Tony Abbott, avait expliqué que le preneur d'otages souffrait d'instabilité mentale. "Il a cherché à parer ses actes des symboles du culte morbide de l'EI", précise-t-il.
Puis on assistera au massacre des lycéens pakistanais, programmation très louche toutefois, que la simple chronologie me permettra de décrypter, et qui vous bouleversera sans doute. Un chose est sûre, on assiste depuis plus longtemps que nos sens ne nous ont permis de nous en rendre compte à une internationalisation de la nécessité de "s'engager"; est-ce un hasard si les jeunes recrues djihadistes parodient les brigades internationales de l'Espagne de 1936?
Il est regrettable que le CCI, s'embourbant dans sa théorie de la guerre irrationnelle, ne s'efforce pas de creuser un peu plus en premier lieu sa thèse, toujours très valable, de l'impossibilité d'aller à la guerre généralisée à cause des zones du vieux capitalisme où les prolétaires n'ont pas oublié les deux grands casse-pipe du 20ème siècle. Car, par contre, ce sont partout d'infimes minorités de paumés sous-développés, même pas complètement acquis à la charlatanerie religieuse musulmane, qui "s'engagent" à aller se suicider alors que personne ne le leur demande. La bourgeoisie par contre exploite très perversement ces engagements impulsifs, à la fois en faisant mine de sermonner, mais surtout en laissant infibuler l'idée que c'est un potentiel ("ennemi intérieur"); le pitre Zemmour – qui se la joue anti-système victimaire – participe pleinement de la supercherie en lançant qu'on va vers "la guerre civile avec les arabes de chez nous"! Derrière tous ces fantasmes et imbéciles prédictions (le clochard Houellebecq s'y met aussi pour vendre son caca) il y a une lourde propaganda de déboussolement des prolétaires avec des histoires de rivalités culturelles secondaires, et qui peut mener à la soumission ou impuissance comme l'avaient été l'Affaire Dreyfus et la montée du nazisme, focalisations confusionnistes préparatoires aux deux boucheries suivantes: par la perte des références de classe et la focalisation sur une question juridique ou étatique. Nombre d'ouvrages sont sortis cette année élargissant l'assise de la propaganda lors de ces deux époques, à la veille de 1914 et pendant, les soldats allemands mangeaient nos enfants, quand de l'autre côté les soldats coloniaux français allaient venir violer toutes les allemandes!
Les bobards n'existent pas seulement en temps de guerre. L'essentiel, toujours, à chaque fois, est de susciter la terreur. A cette aune les égorgements "publics", "internétisés", ne sont qu'une amplification des anciens attentats terroristes de la fin du siècle dernier, et guère plus barbares que ce qui se faisaient dans les guerres balkaniques (les soldats turcs arrachaient d'abord les yeux de leurs prisonniers italiens), la milice pétainiste crucifiait les femmes de résistants après leur avoir brûlé les seins, les nazis exécutaient à la hache militants communistes, insurgés, soldats déserteurs et même les partisans du clan féodal qui essaya de zigouiller Hitler2, etc. Les exécutions à la machette au Rwanda, où des femmes, parlant français aussi bien que vous et moi "tuez nous plutôt avec des balles", sont-elles oubliées? Et les saloperies de l'armée US au Vietnam, sans oublier leurs prédécesseurs français en Algérie également? Et Gantanamo? Et en Tchétchénie et en ce moment en Ukraine?
C'est la guerre, barbare, pas irrationnelle. C'est une guerre mondiale rampante qui veut habituer la population prolétaire mondiale à l'horreur, en lui faisant croire qu'un jour il faudra qu'elle contribue à mettre fin à l'horreur, non pas de son point de vue de classe révolutionnaire, pour la fin des guerres de rapine et des frontières, mais parce qu'on l'aura soumise à la croyance que cet ennemi "intérieur" et pour l'heure encore "éloigné" du centre, que c'est cet ennemi qu'il faut abattre surtout s'il est incarné par une grande puissance, dans une grande aire géographique délimitée, nouvelle ère du mal!

LES CRIMES DE GUERRE SONT-ILS IRRATIONNELS?

La guerre a été considérée longtemps, pendant les trente glorieuses, comme obsolète sous-entendant qu’elle est un phénomène dépendant des hommes et donc de leur bon vouloir, des hommes de bonne volonté... Dans le même ordre d'idée les médias, par l'exhibition des crimes horribles commis contre les civils, distillent qu'elle serait devenue irrationnelle. Il est clair que la guerre est encore aujourd'hui un acte rationnellement barbare, profondément inhumain du système capitaliste, qui tire quasi-systématiquement ses racines de la compétition économique mondiale3, des vieilles querelles de préséances frontalières, d'un mélange d'exigences ethnico-bourgeoises et de partage impérialiste .
Selon une analyse qui se veut maxiste actualisé – ou plutôt dscours noyé par l'actualité -, la conquête guerrière telle qu'on la considérait par le passé (du pillage au viol des femmes) ne serait plus un outil pour accumuler de la richesse ou s'emparer d'une part du gâteau ou même réclamer son dû pour les régions ou nations mal loties depuis les grands carnages/partages impérialistes du siècle passé.
L'idée que la guerre moderne serait irrationnelle, défendue par le CCI4, est une concession à l'idéologie bourgeoise qui laisse accroire qu'une 3e guerre mondiale serait désormais impossible, obsolète; cela nous rappelle même trop la qualification du nazisme comme irrationnel par l'antifascisme bourgeois. Devenue irrationnelle la guerre serait ainsi obsolescente! Cette ânerie laisse aussi croire que les hommes seraient devenus rationnels, et pire encore que les hommes en général, en tant qu'humains décideraient ou pas des guerres5. Pour appréhender vraiment la complexité du problème, hors des simplismes de secte, il faut lire d'abord l'article passionnant et profond de Pascal Vennesson: "Renaissante ou obsolète? La guerre aujourd'hui". Revue de science politique 1998, sur le génial site Persée. Au point de vue des razzias économiques la guerre ne peut pas être irrationnelle, et dans l'ensemble – car tout n'est pas toujours explicable rationnellement dans la guerre qui est aussi folie - l'auteur explique qu'il n'y a jamais irrationalité de la guerre dans ses diverses formes. Il va à contre-courant du mensonge dominant selon lequel les démocraties ne se font jamais la guerre (multiples exemples prouvant le contraire), explique que des rationalités différentes peuvent s'opposer. Il souligne surtout ce que les dindons des médias6 sont incapables de comprendre, que dans la guerre avec la souffrance et la violence LES HABITUDES MENTALES SE TRANSFORMENT7: "Les groupes passent rapidement de la civilisation à la barbarie et celle-ci est affublée des masques les plus divers, y compris de la banalité. Les citoyens ordinaires deviennent des tortionnaires avec une déconcertante facilité. Un unique bataillon de la police allemande, regroupant des individus qui ne sont jamais devenus de véritables combattants de toute la guerre, et qui étaient issus de cités ouvrières relativement peu sensibles à l'idéologie nazie (Hambourg), s'est transformé en bras armé de l'Holocauste avec une efficacité redoutable" (cf. Arendt, Milgram, Browning). 8

On ne peut pas comprendre la barbarie belliciste si on oublie trois facteurs:
  • elle est étalée dans des zones sous-développées (montagnes d'Afghanistan, déserts du Nord de l'Afrique); et les jeunes recrues internatio-jihadistes morveux y finissent dans la peur et la merde;
  • les recrues locales terroristes proviennent de la campagne, et le seul job qu'on leur propose est de tenir un fusil et de manier le couteau;
  • même s'il y a eu développement de groupes terroristes "indépendants" et accessoirement de loups solitaires, chaque grande puissance possède ses propres filières qu'elle peut financer d'une façon ou d'une autre, comme le paiement de rançon; quand une grande puissance veut mettre le paquet, l'effet est immédiat (cf. Le calme plat dans les zones contrôlées par l'armée russe).

Comment manipule-t-on des jihadistes ? Qui le fait?

Mais voyons comment les obsédés du complot comprennent (ou déforment) la chose. Thierry Meyssan veut jouer au « lanceur d'alerte » en langue anglaise « whistleblower »9, il fait aussi sa propre intro promotionnelle:

"Alors que la France et le Royaume-Uni découvrent avec horreur que des personnes normales peuvent être subitement transformées en égorgeurs, Thierry Meyssan revient sur ce phénomène qu’il n’a cessé de dénoncer depuis 13 ans : certains jihadistes ne sont ni des takfiristes, ni des mercenaires, mais ont été conditionnés pour devenir des assassins.
"Les dirigeants européens semblent soudain pris d’effroi à la découverte du nombre de jihadiste qu’ils ont produits dans leur propre pays et à la vue des crimes qu’ils commettent. Cependant, au Royaume-Uni et en France, des voix s’élèvent pour comprendre comment des personnes appréciées par leur entourage ont pu, parfois subitement, partir en Syrie ou en Irak et s’y muer en égorgeurs. Ils parlent de « manipulations mentales », sans aller toutefois au bout de leur raisonnement : car si les jihadistes européens actuels ont pu être manipulés, alors certains autres jihadistes, au cours des 13 dernières années l’ont peut-être été également et nous devons réviser toutes nos certitudes sur ce qui a précédé. Avant de revenir sur cette question qui modifie profondément l’appréhension que les Européens ont pu avoir de la « guerre au terrorisme », je voudrais revenir sur l’hypocrisie des leaders européens qui feignent de découvrir aujourd’hui des crimes qu’ils ont longtemps consciemment soutenus et financés.

Le soutien de François Hollande aux décapitations (intertitre subtil de Meyssan)

"On ne peut comprendre l’inefficacité des dirigeants européens face à l’enrôlement de terroristes parmi leurs concitoyens sans s’interroger sur leurs responsabilités personnelles. Les décapitations ne sont pas un phénomène nouveau. Elles sont au contraire une pratique qui a débuté occasionnellement en Irak, en 2003, durant l’occupation états-unienne, et s’est répandue à l’occasion des guerres contre la Jamahiriya arabe libyenne et contre la République arabe syrienne.
Le « Printemps arabe » libyen a débuté par une manifestation à Benghazi le soir du 16 février 2011 et, en même temps, de manière coordonnée, par l’attaque des casernes Hussein Al-Jwaifi et Shahaat, et de la base aérienne Al-Abrag par des membres du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), c’est-à-dire d’Al-Qaïda en Libye. Au matin du 17 février, les jihadistes ont attaqué des casernes à Zawiya et Misruta, et des hôtels de police à Zwara, Sabratha, Ajdabiya, Derna et Zentan. Dans plusieurs cas, il est attesté que les émeutiers ont pendu des soldats et qu’ils en ont décapités".
Voilà c'était l'apport du Réseau Voltaire à la compréhension de la "guerre au terrorisme". C à d pas grand chose qu'on ne sache déjà.

Les quelques rédacteurs du CCI doivent un peu trop chercher leurs sources sur le réseau Voltaire. Ils en ont tout à fait le droit, et tout n'est pas faut concernant les retournements de casaques des bandes armées étatiques ou pré-étatiques, ce qui était déjà le cas lors des vieilles "libérations nationales" - sauf à recoper des âneries qui cautionnent toujours la théorie de l'irrationnalité de la guerre, voire pire les faux prétextes religieux (la mentalité de pogrom! La qualification à tout va de génocide) et la théorie farfelue de la chute de l'empire américain:

"Ben Laden débuta sa carrière politique comme agent de la CIA dans la guerre contre la Russie en Afghanistan. Al-Qaïda est un exemple parfait de la manière dont ces forces peuvent facilement échapper au contrôle de ceux qui tentent de les manipuler. Pourtant, l’affaiblissement progressif de l’hégémonie américaine dans le monde a conduit à faire la même erreur en Syrie, où l’on arma clandestinement des mouvances islamistes radicales pour s’opposer au régime d’Assad jusqu’à ce qu’elles menacent d’installer en Syrie, et maintenant en Irak, un régime encore plus hostile aux intérêts américains. Même Israël, avec ses services secrets performants, a répété l’erreur en encourageant le développement du Hamas à Gaza pour faire contrepoids à l’OLP.
Au stade le plus avancé de son déclin, le capitalisme est de moins en moins en mesure de contrôler les forces infernales qu’il a suscitées. Une manifestation claire de cette tendance est que l’esprit de pogrom se répand à travers la planète. En Afrique centrale, au Nigeria, au Kenya, les non­-musulmans sont massacrés par des fanatiques islamistes, provoquant en représailles de nouveaux massacres par des bandes chrétiennes. En Irak, en Afghanistan et au Pakistan, les terroristes sunnites s’attaquent aux mosquées et aux processions chiites, tandis que l’État Islamique en Irak menace les chrétiens et contraint les Yézidis à la conversion sous peine d’expulsion ou de mort. En Birman
Au niveau des relations internationales entre États, cela se traduit par la multiplication des conflits militaires irrationnels, des alliances instables, des guerres échappant au contrôle des grandes puissances, par un glissement permanent vers davantage de chaos. Dans les guerres entre Israël et la Palestine, en Irak, en Ukraine, la mentalité de pogrom est un élément central de la guerre et menace de se transformer en son ultime avatar : le génocide, l’extermination organisée par l’État de populations entières".
Le CCI nous rejoue le scénario de WW2 (la seconde mondiale guerre) avec ses nouveaux kamikazes: "L’un des plus efficaces et absurdes moyens de défense de l’État islamique contre les forces irakiennes menées par les Américains pour reprendre Tikrit a été les bombes volantes humaines, qui se jetaient elles-mêmes depuis les fenêtres et les toits sur les colonnes en progression".
Non ce n'est pas un remake de 39-45 ni encore la troisième "der des der".

UN SYSTEME PAS SI CHAOTIQUE QU'IL LE LAISSE PARAITRE

Le cas du Pakistan va nous éloigner des commentateurs ou copieurs à la petite semaine. Il suffit de placer bout à bout chronologiquement les événements dans ce pays pour découvrir de bien troublantes manipulations ou coïncidences si peu forfuites lorsqu'il s'agit d'entrainer des populations (ou en l'occruence une armée peu fiable) dans la guerre.

Vers le 3 septembre on nous décrivait la crise politique au Pakistan. Elle opposait Imran Khan, ancien joueur de cricket converti en star populiste, et son acolyte, Tahir ul-Qadri, imam islamiste établi au Canada, à l’actuel Premier ministre Nawaz Sharif. Ce dernier, vieux routier de la politique, maintes fois accusé de corruption, est soupçonné d’avoir bénéficié de fraudes massives lors des élections de mai 2013 ayant porté sa Ligue musulmane (PML-N, avec un N comme Nawaz) à la tête d’un gouvernement majoritaire.
Les deux opposants exigaient sa démission et mobilisent leurs partisans dans ce but. Samedi, des dizaines de milliers d’entre eux avaient marché sur la résidence officielle du Premier ministre, ce qui a provoqué des affrontements avec la police qui ont fait trois morts et des dizaines de blessés. Lundi, la crise a pris un tournant encore plus dramatique, lorsque les hommes de Tahir ul-Qadri et d'Imran Khan ont attaqué avec des gourdins la télévision d’Etat à Islamabad, interrompant la diffusion de la chaîne, avant d’être refoulés par l’armée
L'armée n'a jamais aimé Nawaz Sharif et le général Pervez Musharraf l’avait déjà renversé en 1999 pour prendre sa place. Aujourd’hui, elle lui reproche d’avoir trop attendu avant de déclencher, en juin, une opération militaire d’envergure contre les fiefs talibans dans le Waziristan du Nord, d'avoir lancé une tentative de rapprochement avec l’Inde rivale et d'avoir intenté un procès pour «haute trahison» à Musharraf, une première dans l’histoire du Pakistan.

Est-on sûr que l’armée manipule Imran Khan et Tahir ul-Qadri?

L’armée est la première institution du pays, la plus puissante et la seule en laquelle une grande majorité de Pakistanais placent encore leur confiance. Aujourd’hui, elle ne semble pas vouloir apparaître au grand jour, d’autant plus que Nawaz Sharif bénéficie d’une confortable majorité au Parlement – il a d’ailleurs totalement exclu de démissionner. Mais, si elle cherche à conserver sa neutralité, elle ne peut pas pour autant rester neutre. Ce que l’on voit, c’est qu’elle protège les édifices-clé du centre-ville mais n’intervient pas directement contre les manifestants. Ces derniers lui conservent d'ailleurs leur sympathie, réclamant une intervention en leur faveur, ne tarissant pas d'éloges sur les troupes et embrassant à l’occasion des soldats.
Mardi, avec un grand courage dont la classe politique pakistanaise ferait bien de s’inspirer, le grand quotidien The Dawn a jeté un pavé dans la mare en publiant un éditorial qui met en cause directement la neutralité de l’armée: «Le vernis de neutralité que la direction de l’armée a savamment construit au cours de la crise politique provoquée par Imran Khan et Tahir ul-Qadri s’est lézardé. L’armée n’est pas neutre, elle fait des choix, et il est très décevant de constater que ces choix ont peu à voir avec le renforcement de l’ordre constitutionnel, démocratique et légitime». «C’est le gouvernement qui doit donner des ordres à l’armée, et non l’inverse», ajoute l’éditorialiste, tandis que celui du Nation reproche aux militaires de «donner des conseils au gouvernement élu, ce qui devrait être simplement inacceptable».

S’agit-il d’une tentative de coup d’Etat?

Les manifestations en cours en ont l’apparence. «Ce n’est pas une protestation, un sit-in ou un rassemblement politique. C’est une rébellion. Une rébellion contre l’Etat du Pakistan», a averti le ministre de l’Intérieur Chaudhr Nisar, devant le Parlement. Aitzaz Ahsan, l’un des ténors de l’opposition au sein du Parti du peuple pakistanais (PPP – le parti de la défunte Benazir Bhutto), a renchéri, en s’adressant à Nawaz Sharif: «Comme vous l’avez dit, vous ne démissionnerez pas et personne ne vous forcera à le faire. Le Parlement tout entier est avec vous.» 
C’est vrai que les deux fauteurs de troubles n’inspirent guère confiance: l’ancien joueur de cricket apparaît comme un populiste mégalomane, prêt à s’allier avec le diable pour arriver au sommet; Tahir ul-Qadri, lui, est un juriste spécialisé dans la religion islamique, un soufi qui plaide pour une certaine modération dans son application mais n’a aucune expérience du pouvoir. Pourrait les rejiondre Siraj-ul-Haq, le chef du parti islamiste Jamaat-e-islami, qui, lui, est très intolérant.
Mais on voit mal l’armée tolérer qu’ils viennent ajouter du chaos au chaos: la situation économique et militaire n’est pas brillante. Probablement, l’armée veut-elle affaiblir le gouvernement pour pouvoir lui imposer plus facilement ses choix et lui rappeler qu’elle seule a la haute main sur certains dossiers: l’Afghanistan, la lutte clontre les talibans et le terrorisme, les relations avec l’Inde... Pas de coup d’Etat mais de très fortes pressions.
PUIS LE 28 SEPTEMBRE... un peu d'histoire passée
«La direction des taliban rencontre chaque après-midi, vers 17 heures, des officiers pakistanais au consulat du Pakistan à Kandahar», nous confiait en mars 1995 un membre d'une organisation internationale basée à Kandahar, alors «capitale» du mouvement fondamentaliste. Il est d'ailleurs significatif que leur première action a été de «nettoyer» la grande route qui réunit le Pakistan à l'Asie centrale ­une priorité pour les intérêts économiques d'Islamabad­, via l'Afghanistan où les convois pakistanais étaient sans cesse bloqués par de petits chefs de guerre, mi-pillards, mi-moudjahedine. Selon nombre de sources diplomatiques au Pakistan ­et en dépit des dénégations pakistanaises­, l'homme qui tire les ficelles des taliban est bel et bien Nasrullah Babar, le ministre de l'Intérieur pakistanais, un homme très proche de Benazzir Bhutto et membre de l'ethnie Paschtoun, comme ses protégés. «Laissés à eux-mêmes, les taliban se désagrègeraient tant ils sont totalement désorganisés. Il y a une main étrangère pour les diriger», explique le professeur Kacem Fazelly, un membre des Services secrets. C'est dans les «madrassa» (écoles coraniques) pakistanaises ­ainsi que celles du sud de l'Afghanistan­ que s'est formé le réseau des taliban. S'ils sont entraînés, armés et dirigés par les services secrets pakistanais, les «étudiants» n'en ont pas moins tiré profit de la situation d'anarchie prévalant dans un Afghanistan livré aux exactions des moudjahidine et aux luttes entre fractions islamistes".
Le 17 décembre on s'en prend à une école d'enfants de militaires...
Si la différence entre «bons» et «mauvais talibans» est une vue de l’esprit entretenue par les services secrets pakistanais, la division au sein de la galaxie des «étudiants en religion» est en revanche bien réelle. A preuve, la condamnation par les talibans afghans, eux-mêmes alliés des talibans pakistanais et auteurs de nombreux attentats sanglants contre les civils, de l’attaque de mardi contre l’école fréquentée par des enfants de militaires de Peshawar. L’opération a été justifiée par les talibans pakistanais par la présence d’enfants de militaires dans cet établissement, mais elle pourrait aussi répondre à une volonté de surenchère dans la violence au sein des différentes factions. «L’Emirat islamique d’Afghanistan [nom officiel des talibans afghans, ndlr] exprime ses condoléances à la suite de cet incident et pleure avec les familles des enfants tués. Le meurtre prémédité d’innocents, de femmes et d’enfants est contraire aux principes de l’islam»,a ainsi déclaré leur porte-parole Zabihullah Mujah.
Le 19 décembre on se demande qui manipule qui?
Que signifie cette obsession de tuer des civils? Certainement d'amplifier la terreur, mais le fait d'avoir assassiné "spécifiquement" des enfants de militaires du gouvernement, était-ce pour renforcer l'armée ou l'affaiblir, posèrent naïvement plusieurs journalistes de la télécratie française? L'ambassadeur du Pakistan leur répondit en hochant la tête (bande de rigolos!), évidemment écraser ces terroristes, et rétablir la peine de mort.
La tendance wahhabite est celle, globalement, du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP - Tehreek-e-Taliban Pakistan), qui a attaqué l’école de Peshawar, mardi. Proche d’Al-Qaeda mais ayant conservé leur allégeance, tout au moins théorique, au mollah Omar, cette coalition regroupe une trentaine d’organisations et de factions plus ou moins rivales. Si certaines semblent avoir abandonné le «jihad» contre le gouvernement pakistanais, décrété en 2007 pour le punir de son alliance avec les «infidèles» américains, d’autres, au contraire, paraissent décidés à intensifier la lutte. Echouant dans leur lutte contre l’armée pakistanaise, ils semblent décidés à attaquer de plus en plus les civils, comme le montrent les opérations menées début novembre près de la frontière indienne (55 morts) et, mardi, à Peshawar (141 morts)".
Si l'armée pakistanaise n'était pas "sûre", voire influençable par un des gangs terroristes, quel que soit le commenditaire, le massacre des enfants de militaires – Pearl Harbor pakistanais – soude l'armée entière et la population derrieère!
L'AFP peut benoitement commenter:
"Le massacre taliban de 133 écoliers à Peshawar est pour le Pakistan un "11 Septembre" qui va "changer la donne" dans son combat contre le terrorisme. C'est ce qu'a déclaré vendredi le chef de la diplomatie pakistanaise, Sartaj Aziz. L'attaque, revendiquée par les rebelles islamistes du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), a profondément choqué dans le pays comme à l'étranger et conduit le gouvernement d'Islamabad à réaffirmer sa détermination à éradiquer tous les groupes terroristes sur son sol, sans distinction. (...)
"Dans le passé, les extrémistes avaient détruit des écoles, mais jamais ils n'avaient visé et s'étaient acharnés sur des enfants de cette manière. (...) C'est inacceptable. (...) Aujourd'hui, une ligne rouge est tracée et nous ne pouvons plus tolérer ceux qui la franchissent", a-t-il assuré. Avant l'attaque, l"opinion était divisée" et les talibans avaient de "nombreux soutiens", admet-il. Mais le carnage a entraîné une réaction de rejet "sans précédent dans notre histoire" au sein tant de la société que de la classe politique, a conclu le ministre."
On a du mal à compatir avec l'Etat pakistanais !
Ce pays a joué avec le feu en aidant des terroristes et des assassins pendant des années ; qu'il en subisse maintenant les conséquences était prévisible ! L'armée pakistanaise intensifiait, vendredi 19 décembre, ses opérations contre les talibans près de la frontière afghane, affirmant avoir tué plus d'une cinquantaine d'islamistes, en réaction au massacre qui a eu lieu mardi dans une école de Peshawar. Cette attaque des rebelles, la plus meurtrière de l'histoire du pays, a été fatale à 149 personnes.
« L'ÉLIMINATION TOTALE » DES TALIBANS
Ce carnage a renouvelé la détermination des soldats en faveur de « l'élimination totale » des talibans, avait assuré l'armée à la suite de la tragédie nationale. Dans la zone tribale de Khyber, les militaires affirment avoir tué vendredi 32 rebelles islamistes dans une embuscade, puis 18 autres dans une seconde opération, un bilan qui était aussi impossible à confirmer de sources indépendantes vendredi. (...)
Vendredi, un porte-parole de la force paramilitaire des Rangers à Karachi a annoncé que ses hommes y avaient tué un commandant local taliban et trois de ses associés, portant ainsi à 54 le nombre officiel de morts dans cette contre-attaque de l'armée. Comme pour les opérations militaires, ces bilans et l'identité des victimes ne pouvaient être confirmés par d'autres sources.
LEVÉE DU MORATOIRE SUR LA PEINE DE MORT
Dans le même temps, le chef de l'armée, le général Raheel Sharif, a signé l'ordre d'exécution de six rebelles islamistes après la levée du moratoire sur la peine de mort décidée dans la foulée de l'attaque contre l'école de Peshawar, qui a suscité une vague d'indignation à l'étranger et dans le pays".
Monter indirectement ou laisser perpétrer un attentat afin de rallier les suffrages de la majorité de la population, on connait dans les vieux pays européens, depuis plus d'un siècle!


À suivre forcément...




CONSEILS DE LECTURE SUR LA LUTTE PROLETARIENNE EN EUROPE CONTRE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE:
  • Militants contre la guerre de Julien Chuzeville (cahiers Spartacus), navrant, une étude poussive sur l'opposition mollasone de la branche libertaire du syndicalisme, une ignorance de l'impact du bolchevisme, une analyse franco-française (mais les cahiers Spartacus ont toujours eu du mal à sortir du cadre national). L'auteur semble à la recherche du pacifisme intégral, même s'il reconnait que ce n'est pas une position radicale, et en tout cas quelle radicalité quand il souligne le "pacifisme radical" de la SFIO (p.36). Tout baigne dans la lutte pour la paix dont se fichent les vrais révolutionnaires qui veulent la révolution "armée". Plus minable, en note, les éternels libertaires néo-spartacus rabaissent Lénine, représentant vague d'une minorité passant par là à Zimmerwald: "Ce courant, dirigé par Lénine s'est autodésigné "gauche de Zimmerwald", classification qui ne peut rendre compte de la diversité des opinions (sic) à la Conférence". Plus loin les patriotards Kropotkine et Grave sont présentés comme durs sermonneurs des pacifistes. Enfin il conclut sur le cercle rouge des pacifistes révolutionnaires. Pacifistes oui, révolutionnaires certainement pas.
  • "L'ennemi principal est dans notre pays", textes de Lénine, Liebknecht, Monatte, Racovsky, Rosmer, Trotsky jeune (génial), bien qu'édité par le trust LO LBC, indispensable et encore tonifiant.
  • Trop jeunes pour mourir de Guillaume Davranche (ouvriers et révolutionnaires face à la guerre 1909-1914), plus de 500 pages, centré sur l'histoire en France avec certainement bien des précisions ou des angles méconnus même du principal auteur d'articles sur la guerre dans le milieu maximaliste, depuis 30 ans. Je l'ai pas encore lu, faut me laisser le temps et je vous en reparlerai.


1 La dite insurrection de Boko Haram et sa répression par les forces de l'ordre ont fait en cinq ans au Nigeria plus de 13 000 morts et quelque 1,5 million de déplacés.
2A Oradour sur Glane, ce ne sont pas les seuls nazis qui ont massacré des centaines d'enfants et de femmes, mais nos braves "malgré nous" alsaciens, que le gouvernement de 1945 refusa d'inculper vu l'émotion susciitée en Alsace, prête à faire sécession si ses impétrants (quoique assassins) étaient sanctionnés!
3La guerre n'est que la continuation de la politique, idée que reprend Lénine à un certain général bien connu, cf. L'excellent compil "L'ennemi principal est dans notre propre pays", éditions de LO, les bons caractères.
4Sur leur site en date du 10 septembre 2014.
5Le staff opaquedu CCI se permet de citer des extraits de la fameuse brochure de Junius rédigée par l'alter ego de Lénine en Allemagne, mais laquelle se retourne contre cette stupidité d'irrationnalité: “La guerre est un meurtre méthodique, organisé, gigantesque. En vue d’un meurtre systématique, chez des hommes normalement constitués, il faut cependant d’abord produire une ivresse appropriée. C’est depuis toujours la méthode habituelle des belligérants. La bestialité des pensées et des sentiments doit correspondre à la bestialité de la pratique. Elle doit la préparer et l’accompagner”.
6Le résilient Boris Cyrulnik explique les égorgements des talibans et autres djihadistes parce qu'ils sont des nazis! Le bouffon du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan, croit savoir qu'ils sont "drogués"!
7Vous pouvez lire ou relire mes articles précédents sur les mécanismes qui conduisent aux égorgements publics (facteurs de militarisation, prestige de l'uniforme, prestige de l'exemplarité pour les plus minables ou les plus pervers, menaces de mort pour l'égorgeur qui se refuse à faire le bourreau); sans compter les éléments psychologiques qui avaient sailli au moment des guerres du Liban: on envoie toujours en première ligne les assoifés de vengeance, ceux qui ont vu massacrer une mère, un frère ou une soeur.
8Si l'on prend l'exemple du "dernier otage français" libéré, c'est confondant. Le type n'était qu'un barbouze comme beaucoup de soit disant humanitaires. Mieux, il est fort probable qu'il n'est pas été échangé contre rançon ce coup-ci, mais pour mieux: les 4 malfrats et tueurs terroristes relâchés en échange, qui auraient été "retournés" ou pas en prison, sont renvoyés là-bas avec pour mission de "calmer les énergies" ou réorienter certains groupuscules. C'est ce que je suppose, n'ayant aucun barbouze dans les proches amis.
9Voir définition sur Wikipédia. Une émission documentaire d'Arte était consacrée la semaine dernière aux lanceurs d'alerte contre la torture de la CIA, avec coups de chapeau à Edgar Snowden, Julien Assange, et Chelsea/Bradley Manning...

mercredi 17 décembre 2014

LE STALINISME FRANCAIS désarmé


Julian Mischi, Le communisme désarmé. Le PCF et les classes populaires depuis les années 1970, Marseille, Éditions Agone, coll. « Contre-feux », 2014, 332 p., ISBN : 978-2-7489-0216-7.


Rares sont les ouvrages politiques à s'intéresser au devenir de la classe ouvrière désormais en notre époque de réaction et de guerre mondiale terroriste très excentrée pour l'heure dans les zones où la chair à canon cible de misérables populations otages de la folie meurtrière des grandes puissances cachées derrière leurs propres gangs terroristes dits djihadistes. L'ouvrage des éditions Agone aborde certes dans le seul cadre national l'utilisation de la classe ouvrière comme masse de manoeuvre gréviste et surtout électorale par un des plus vieux dinosaures staliniens du monde, grosse vache totalitaire muée en grenouille anarcho-libérale de la domination capitaliste.

Le titre est une hérésie : le communisme historique reste étranger au communisme de caserne stalinien! L'ouvrage ne se place ni du point de vue du glorieux passé internationaliste du PCF, ni du point de vue d'une classe naturellement internationaliste, ni du point de vue historique programmatique du mouvement ouvrier, ni du marxisme. Il n'explique surtout jamais comment de parti révolutionnaire (mais plutôt mou) des débuts, le PCF a successivement trahi les objectifs du prolétariat. Pour mieux connaître l'histoire et les raisons du "désarmement" du stalinisme version française il existe de très bons ouvrages d'historiens, l'excellent "Autocritique" d'Edgar Morin, mais surtout les brochures du CCI et du PCI. Cependant, même sous l'aspect dominant sociologique et franco-national, le livre est très intéressant. Il offre un voyage certes incomplet (rien sur le financement par Moscou jusqu'à l'ère Marchais, rien sur le sabotage des grèves pendant des décennies et la coupable collaboration avec le régime de Vichy), au coeur de l'appareil depuis les années 1970 et le début du triomphe de l'idéologie du déclin de la classe ouvrière; rejetant lui-même les termes de classe ouvrière pour y coller celui de "classes populaires", confirmant une base culturelle néo-maoïste chez l'auteur. Le livre a été lu et corrigé avant publication par un certain nombre de grenouilles "rénovatrices"1de l'appareil agonisant.

La perte d'influence du parti électoraliste de la gauche staliniste n'est jamais évaluée à l'aune de ses trahisons successives de la classe ouvrière, à commencer par son ralliement à la Défense nationale dans les années 1930 jusqu'à ses sabotages en mai 68 et ultérieurement. L'auteur, grand universitaire et membre du staf des éditions Agone, commence par adoubler le grand mensonge déconcertant des divers sociologues appointés – à la Gérard Noiriel – selon lequel la perte d'influence du principal parti menteur aurait été due à "la remise en cause des conditions de son développement", c'est à dire ce qui a été appelé soit "disparition de la classe ouvrière", soit en plus soft "les recompositions dans le monde du travail" suite à la "désindustrialisation", fermeture des grands centres miniers et de grandes entreprises automobiles. On lira souvent des redites sur la fin des quartiers ouvriers, leur éloignement et bien des considérations pertinentes sur la "diversité". Mais le voyage à l'intérieur de l'appareil mis à nu est loin d'être inintéressant. Il analyse rigoureusement l'ancrage du dinosaure dans l'idéologie récente dite "multiculturaliste" de négation des classes et sa totale confusion avec le mode de fonctionnement oligarchique et hiérarchique de tous les partis politiques bourgeois, négligeant toujours de préciser que, politiquement, malgré des postes dirigeants réservés longtemps à des hommes d'extraction ouvrière, ce parti était depuis plus de 50 années un parti bourgeois racoleur de suffrages ouvriers.
Le paragraphe qui suit sera illustré très concrètement tout au long du livre:
"L'hégémonie des militants d'origine ouvrière dans le parti reproduit au sein de l'organisation elle-même des rapports de domination ayant cours dans la société. On observe en effet une surreprésentation des ouvriers qualifiés masculins et français dans les directions militantes, au détriment des fractions inférieures de la classe ouvrière (femmes, ouvriers spécialisés, immigrés) (...) les ouvriers spécialisés (OS) des ateliers de production, où les immigrés sont nombreux, sont peu présents au sein du PCF. Les inégalités internes aux classes populaires, forgées sur la scène professionnelle et dans le système scolaire, se reproduisent au sein du parti".
Et ce qui caractérise "les classes populaires" dans leur lien avec le monde politique: "c'est bien leur exclusion, leur confinement dans les marges"2.
LA GRANDE FABRIQUE DE LA DESINDUSTRIALISATION POLITIQUE

Constatant la place prise par ce concept confus de classes moyennes, l'auteur relativise le mensonge statistique et social: en France en ce début de XXIème siècle les ouvriers représentent encore le quart de la population active: un homme actif sur trois est ouvrier! Les recompositions internes sont certes défavorables à l'action protestataire: éloignement des centres industriels de décision, éparpillement en unités locales excentrées, politiques d'emploi visant à briser le collectif ouvrier, en le divisant entre travailleurs stabilisés et travailleurs précarisés; l'auteur oublie de noter à cette liste les actions de moralisme en faveur de la "diversité", c'est à dire l'enfermement des travailleurs immigrés dans leur spécificité (nota le droit de prière en usine institué sous Jospin). Le livre a été écrit avant la formidable annonce hollandaise des merveilleux emplois d'avenir: femmes de ménage (en expansion permanente), livreurs, métiers de bouche, balayeurs municipal, etc.
L'auteur fait débuter le repli de l'affirmation de la classe ouvrière au mitan des années 1970 où s'affirmait encore derrière la plupart des luttes et grèves l'ambition de "changer de société", pour souligner une évidence, depuis les actions revendicatives sont tournées vers la sauvegarde de l'emploi, mais il est incapable de voir que ces actions "défensives" sont encore la preuve de la vivacité de la classe ouvrière. Il oublie magistralement de rappeler que tout au long des années 1970 la plupart des luttes significatives se sont déroulées contre les désidératas des bonzes PCGT. Que par conséquent la chute lente et inexorable de la maison stalinienne à la française est plus due à leur travail de sabotage de la lutte des classes qu'à ladite désindustrialisation. De même qu'il oublie tragiquement de rappeler la faillite électorale énorme en milieu ouvrier suite aux compromissions successives avec les gouvernements bourgeois du PS. D'une manière trouble il nous narre un rôle socialisant du PCF, transmettant des "valeurs de classe" (chauvines et nationalistes en réalité), transfigurant ce parti tordu en une sorte de social-démocratie allemande du XIXe lointain qui éduquait le monde ouvrier de l'enfance à l'âge adulte, du quartier à l'embrigadement militaire.
On nage alors dans le sociologisme délirant, partiellement vrai, mais confondant le pire parti de la contre-révolution stalinienne avec la classe: "Le diplôme prime désormais sur le long apprentissage "sur le tas", où les anciens formaient les jeunes. Avec le développement de l'emprise scolaire (sic), on accède au monde ouvrier par l'école et non plus par un processus de socialisation interne à la classe. Plus encore, on devient ouvrier parce qu'on a échoué à l'école. L'accès en classes technologiques ou en lycée professionnel résulte souvent d'une impossibilité à suivre un enseignement secondaire long. L'entrée dans le monde ouvrier est alors associée à une dévalorisation scolaire et intime".
La déliquescence du monstre stalinien est ainsi liée simplement à la désindustrialisation et au formidable développement d'une école inégalitaire. Or rien de tout cela n'est nouveau dans la vie et la constitution de la classe ouvrière depuis deux siècles, les processus d'infériorisation et de reproduction des inégalités sociales sont toujours passés par l'école, l'Eglise et la démocratie dite représentative. Qu'il y ait eu ou pas un parti. Nous voyons là comment l'analyse sociologique échappe à la crudité de la conscience politique et voile la réalité du mode de dictature des partis bourgeois.
L'auteur ne fait que suivre les constats éclairés de Bernstein au début du XXème siècle sur la place croissante prise par la petite bourgeoisie, lorsqu'il croit nous apprendre que la "marginalisation des couches populaires" en banlieue les soumet "à la domination culturelle des représentants de la petite bourgeoisie, qui s'emparent de l'animation de la vie locale"; et il oublie de nous décrire la teneur de cette "animation locale"... électorale par toute une ribambelle de gauchistes reconvertis écolos jusu'aux rigolos anars des ZAD.
Ce n'est pas le PCF qui est resté autiste à "l'émancipation des travailleurs par eux-mêmes", lesquels le lui ont bien rendu en désertant syndicats et cage élctorale, mais ... Raymond Barre: "... émergence d'une distinction nouvelle entre propriétaires et locataires. Tout est fait pour favoriser l'accession à la propriété, qui accélère la désagrégation des collectifs ouvriers en faisant découvrir à ses bénéficiaires la force de l'intimité, de la sphère du privé, au détriment des solidarités de classe". Notre universitaire est-il sorti un jour de son campus et de sa maison d'édition pour reconduire de telles stupidités? La force de l'intimité... dans la solitude? La sphère du privé bourré de neuroleptiques? La disparition traitionnelle de la "peur du lendemain" (cf. Babeuf) grâce au lourd crédit jusqu'à une retraite incertaine?

LE DEMANTELEMENT DE LA LUTTE REELLE A LONGWY

Avec ses lecteurs conseillers "rénovateurs" ou "refondateurs",la fin des aciéries de Longwy est présentée comme le baroud d'honneur du parti stalinien avant sa longue mue de grenouille électorale. Saga des frères staliniens de la culture mono-industrielle du bassin d'emploi (ex bastion?) longovicien, face au "plan qui casse les logiques de reproduction du groupe ouvrier". Mise en vedette de "radio coeur d'acier', média sauvage piloté par deux journaleux du sérail stalinien. Seul un court paragraphe (page 44) évoque brièvement une "hostilité à l'égard des cadres locaux du parti" et le sac de la mairie PCF de Longwy. Pas de pot, j'y étais et j'y ai été présent plusieurs fois avec d'autres militants de Révolution Internationale. L'essentiel de la lutte, certes contre la suppression de milliers d'emplois, fût mené contre le PCF et ses sbires CGT.

Radio Lorraine coeur d'acier ne fût pas une radio pour l'extension de la lutte. Cette radio pirate avait été instiguée par la CGT, pour contrer l'heureuse initiative de Radio SOS emploi lancée par Robert Giovannardi, radio de lutte née à l'initiative de la CFDT à Longwy en plein coeur du bassin sidérurgique lorrain. Après l'annonce par le gouvernement du troisième plan acier qui prévoit la suppression de 22 000 emplois dans la sidérurgie, dont 6 500 dans le bassin de Longwy, toute la région est tétanisée par cette nouvelle. Première réaction : Un immense S.O.S. lumineux est érigé au sommet du crassier qui domine Longwy et qui restera longtemps le symbole de la lutte ouvrière de la région. Dans les jours qui suivent, le 16 décembre 1978, Radio SOS-Emploi diffuse sa première émission pirate, grâce à du matériel prêté par la radio pirate alsacienne "Radio Verte Fessenheim" qui encadrera durant quelques jours les militants CFDT qui n'avaient aucune expérience de ce média. Le syndicat, minoritaire à Longwy, verse 20 000 F pour le fonctionnement de la station et contrôle totalement le contenu des émissions. Néanmoins, il n'est pas obligatoire d'avoir sa carte de la CFDT pour animer ou participer à une émission. Une dizaine de personnes constituent le nœud principal de la station. Contrairement aux autres radios pirates françaises qui sont souvent le fait d'écologistes ou d'intellectuels, SOS Emploi est animé par des ouvriers qui n'ont pas une grande pratique de la technique radio mais encore moins de la prise de parole. Deux émetteurs sont mis en service, un sur Longwy, l'autre sur Longuyon, mais la qualité de réception reste médiocre. En mai 1979, pour faire face à la concurrence de la radio de la CGT, "Radio Lorraine Cœur d'Acier", SOS Emploi met en place un émetteur de 100 watts et diffuse désormais en direct.
Extrait de notre première visite au crassier de Longwy auprès du piquet permanent:
"...Nous les questionnons sur la lutte, la façon dont elle est menée. Nous apprendrons ainsi beaucoup en comparant avec les informations fournies par la presse bourgeoise dans la région parisienne. Très vite la glace est rompue. On nous sert une bière. La discussion sera passionnée. Nous nous emballerons au fur et à mesure que nos craintes d'avoir affaire à des bureaucrates s'avèreront infondées. N'assurent-ils pas qu'ils sont tous là pour la lutte, pas au nom de tel ou tel syndicat ou parti. L'un est syndiqué à la CGT mais ne fait pas confiance à ce syndicat et il précise: "beaucoup parmi nous ont déchiré la carte parce qu'il a fallu se battre en même temps contre les flics et la CGT!". D'autres ne ont pas syndiqués, comme ce jeune chômeur. Un autre ouvrier montre sa carte du RPR, et avoir penché plutôt pour FO concédant que de toute façon tous les syndicats sont pourris. Ce membre affiché du RP¨R nous étonne et nous ravit: comment put-il être à la fois gaulliste et l'élément le plus dynamique et le plus ouvert dans la discussion. Il y a là aussi un ouvrier luxembourgeois et un ouvrier belge qui, avec l'accent, précise: sur 6500 licenciements annoncés, 700 touchent les travailleurs belges à Longwy". La plupart des présents sont syndiqués à la CFDT, mais on ne sait plus combien ils étaient, d'autres ouvriers entrant et sortant dans la roulotte. Le belge avec un large sourire, s'exclame: "Vous voyez que nous aussi nous sommes internationalistes!". Sans gêne et sans complexe, un autre déclare: "C'est nous les casseurs, les vandales qui ont pris d'assaut le commissariat de Longwy!". Comme nous objectons que la presse et le PCF ont dit que c'étaient des autonomes chevelus venus de Paris, celui du RPR corrige: "Au début j'ai cru ça moi aussi, mais quand j'ai vu les photos de l'attaque dans la presse, c'étaient mes copains de boulot les casseurs, tous bons pères de famille, et j'ai dit: "c'est très bien ce qu'ils ont fait". Puis, tous veulent parler à leur tour, se bousculent pour témoigner que c'est rien à côté de ce qu'ils seront amenés à faire pour faire bouffer les gosses: "Les fusils seront prêts au bon moment... le mot Révolution ne nous fait pas peur à nous... s'ils (le gouvernement) vont trop loin, hé bien nous les renverserons".
  • Et par rapport à la CGT et au PC?
  • Ceux-là, ils sont avec la police."

L'auteur, malgré la brièveté de sa narration de la confrontation avec le PCGT de Longwy, persiste à intertitrer "Déclin du mouvement ouvrier" à la place de "déclin du PCF", et un peu schizophrénique
confirme le rejet général de ce parti de sabotage des grèves ailleurs:
"Ce qui se passe pour la sidérurgie lorraine s'observe aussi dans d'autres secteurs et entreprises, par exemple chez Renault. Dans cette entreprise nationalisée, les communistes ne soutiennent pas les OS de Billancourt lorsqu'ils se mettent en grève en 1981. Au motif d'assurer une présence au gouvernement, les dirigeants du PCF délaissent les revendications ouvrières et provoquent un effondrement de la position de leur organisation et de la CGT parmi les ouvriers menacés par les fermetures de sites".3


LA FABRIQUE DES LUTTES PARCELLAIRES

Même en partie "désindustrialisée" – la classe ouvrière a tant connu de phases de réorientation industrielle du règne du textile à celui de la mine – cette classe reste la principale classe exploitée et ne change ni de nature ni de perspective pour un autre monde. Même si demain c'est au tour de l'industrie automobile de disparaître, cela ne changera ni sa place dans la société ni le profit qu'elle rapporte. L'ouvrage de J.Mischi devient plus pertinent lorsqu'il aborde l'invention des luttes "culturelles": "l'attention portée aux femmes et aux travailleurs immigrés". Ces luttes "culturelles" avaient été la crème du Mai 68 petit bourgeois progressiste, ou dit "radical" (à la sauce américaine): droit à l'avortement, libération des homosexuels, etc. Les crânes d'oeuf des think tank n'inventent jamais rien, ils n'ont qu'à recueillir ce qui sourd des couches moyennes ébranlées par les soubresauts du capital en crise. Mischi tape dans le mille en soulignant le rôle novateur du syndicat camion balai des gauchistes, la CFDT. Cette dernière prend plusieurs longueurs d'avance sur la pithécanthrope CGT en vue du développement des "combats socioculturels" en lien avec l'élite du PS dont personne ne prévoit la résistible ascension sur le cops du stalinisme putrescent. La CFDT n'avait pas appelé à la fameuse manifestation du 23 mars 1979 à Paris mais creusait son chemin idéologique confusionniste. Bien qu'elle ait plus ou moins couvert les expressions les plus combatives des ouvriers de Longwy, ses cadres syndicaux se reconvertissent dans l'encadrement ou comme petits patrons; l'appareil éliminera très vite ses moutons noirs d'un gauchisme évanescent.
Toujours à la traîne de la théorie de la désindustrialisation notre auteur s'il détermine que les "classes populaires" n'ont pas disparu "elles ont perdu leur force collective". Les ouvriers de Longwy ont été dispersés, dans les boulots de merde des service, concierges à Paris, etc. Il note que sur cette défaite, car c'en est une, pousse la fine fleur du PS à entamer son ascension, notamment une certaine Auréli Fillipetti, professeur de lettres, qui tire son épingle de la défaite ouvrière, elle a du mérite, elle est fille de mineur et maire PCF! Conclusion toujours schizophrénique de Julian Machin: "... comme nous l'avons vu, les transformations de l'appareil productif et du salariat depuis le deuxième tiers du XXe siècle détruisent les conditions du militantisme ouvrier". Ou du militantisme stalinien? Il ne vient pas à l'idée de ce monsieur l'universitaire, répercuteur des pires bobards sociologiques, que la fin des "bastions" staliniens, l'enclave Longwy comme l'Île Séguin auront été une condition sine qua non de la libération du stalinisme en milieu ouvrier, certes suivie de décennies de marasme politique et social, mais inévitable pour une renaissance de la lutte de classe contre un capitalisme invariable mais débarrassée des mensonges marxistes-léniniste! J'y reviendrai.

OU NOTRE AUTEUR REMET EN CAUSE SA PREMIERE INTERPRETATION

Après tout ce bla-bla archi-connu sur la causalité méchante de la désindustrialisation, il s'interroge sur la "désouvriérisation du PCF". Il ne connait pas grand chose finalement du vieux machin du Komintern en nous expliquant que ce parti permettait la promotion à haute dose d'ouvriers du rang à des postes de bonzes directeurs, députés, etc. Les partis staliniens ont toujours été drivés par des intellectuels d'arrière-cour, d'arrière saison ou de basse cour. Il découvre comme une nouveauté dans la réorientation idéologique du dinosaure une montée des enseignants: "La pression des enseignants pour occuper des positions dirigeantes est traditionnellement forte car elle s'appuie sur un sentiment de compétence et la possession d'un capital scolaire (...) En 1977, près d'un communiste sur quatre de
la fédération de Paris est enseignant alors que les ouvriers n'y forment que 13% des effectifs militants". Or, à la fin des années 1970, vu la peur face aux multiples luttes insurrectionnelles des ouvriers, le PCF refait le coup bis de la bolchévisation, il lance une opération de reprolétarisation des directions locales; cela s'accompagne d'un "repli discursif autour de la "classe ouvrière". Mais ce recentrage provoque des tensions, d'une part les vieux permanents déclassés ne veulent pas s'en laisser imposer par les "intellectuels de profession", et les documents internes révèlent que l'adhérent de base se plaint de l'importance des "pédagos" au détriment des "prolos". Aux chantiers navals de Saint Nazaire, les ouvriers refusent d'être "commandés" par les instituteurs de la cellule. Il y a à l'époque une entrée massive des enseignants au PCF, le "pédantisme" fait face à "l'ouvriérisme"! Marchais savonne la planche en dénonçant "les intellectuels assis derrière leur bureau", comme cela se fait depuis toujours à la petite soeur du stalinisme LO. Pourtant la CGT a depuis toujours institutionnalisé la séparation entre CGT "collège ouvrier" et la CGT "collège cadre". Ce n'est qu'une parenthèse où il faut se débarrasser du croquemort Marchais, l'appareil va mettre tout le monde d'accord en accentuant son projet de défense du peuple de France, des couches populaires (comme Machin) pour prôner la défense des "pauvres" et des "exclus", nouvelle façon d'amenuiser la classe ouvrière, mieux que la fameuse désindustrialisation. Les cadres-parti sortent désormais directement des écoles d'apprentissage pour être nommés à des postes de bonzes de l'appareil parasite d'une classe méprisée sans avoir jamais connu la condition ouvrière.
"La part des permanents au sein des comités fédéraux augmente et les sections d'entreprise sont désormais le plus souvent dirigées par des cadres détachés du travail ouvrier. Les responsables promus à partir de la fin des années 1970 sont ouvriéristes sans avoir été ouvriers, titulaires de diplômes professionnels sans avoir pu travailler longtemps en usine en raison d'une accession rapide au statut de permanent mais également de la multiplication des fermetures d'entreprises". Où l'on voit encore que les fermetures sont secondaires dans la vie du parti, qui, opportunément y trouve l'occasion d'embaucher des cadres qui seront les otages à vie de l'appareil... qui leur évitele chômage et la condition ouvrière: "... le militantisme se professionnalise en adoptant une rationalité propre, un discours généraliste de moins en moins relié aux réalités concrètes des milieux populaires". "Les responsables du PCF tendent à se présenter de plus en plus comme les porte-parole "des pauvres, des plus défavorisés des salariés" et non plus comme les leaders du "parti de la classe ouvrière (...) évolution misérabiliste de la rhétorique communiste (qui) est à rebours du travail militant d'affirmation de la dignité ouvrière. Elle se fait au détriment d'un discours de classe et peut se voir comme une concession à l'idéologie dominante...".

Même sans recourir à un think tank le PCF comprend qu'il doit s'aligner sur le modernisme idéologique de la "société dans sa diversité", à la suite de la CFDT et du PS. La notion de classe est définitivement bannie du discours stalinien relooké, et devient diversité interne en termes de secteurs d'emploi. Le recrutement du PCF dans les années 1990 devient petit-bourgeois, la présence enseignante redevient plus importante, les fils d'enseignants sont l'élément dominant de l'encadrement4. L'auteur note que la "fonctionnarisation" du corps militant est "un processus commun aux partis communistes d'Europe de l'Ouest". Avec la mutation du nain de jardin Robert Hu, le parti devient "le parti des gens", mieux: "L'humanisme individualiste s'inscrit en rupture avec le marxisme-léninisme". L'auteur semble regretter une "dilution idéologique du PCF" et une "décomposition doctrinale" accélérée par le démantèlement de l'Union soviétique où "ce rejet de la conception scientifique du socialisme favorise un discours éclectique, déterminé par l'actualité, sans cohérence avec une vision d'ensemble (...) D'un parti où l'on débat désormais de moins en moins autour d'un "programme" et de "principes" mais où l'on échange plutôt sur le "projet" ou la "visée".
L'auteur croit que la pourriture du PCF date de ses années lycée!

Mais nombre de ses considérations ultérieures frappent par leur justesse: "Cette professionnalisation de la gestion communiste autour d'une oligarchie locale s'inscrit dans un processus général d'accroissement de la distance sociale des élites politiques, fussent-elles de gauche".

UN PROCESSUS DE DECREDIBILIATION COMMUN AU GAUCHISME ET A L'ULTRA-GAUCHE

Le déclin de l'influence politique du PCF était patent dès le milieu des années 1970, le coup fatal lui ayant été porté par mai 68 puis par la grève de masse des ouvriers polonais en 1980. En réaction, le parti avait tenté de sauver les meubles en lançant un débat sur la "morale", dont il était hélas féru depuis les interdits sexuels du couple fusionnel Thorez/Vermesch. Ce débat avait été indissociable de repli ouvriériste de la fin des années 1970, mais en même temps symbolique de l'arriération d'un appareil de vieux impuissants comme les gérontocrates du Kremlin. L'élargissement du recrutement sans contrôle dans une dynamique électorale concurrentielle avec le PS avait ensuite ouvert la voie à une crise permanente typique du mode de vie des milieux intellectuels toujours en proie aux doutes et à la contestation. La rigidité "marxiste-léniniste" qui n'avait plus rien à voir avec le marxisme comme théorie et lieu de réflexion critique frappa d'obsolescence également tous les groupes gauchistes et ultra-gauches qui se rétractèrent comme peau de chagrin sans que leur ambition, après l'avoir tant parodié, de supplanter le PCF se réalise.

Les permanents se retrouvent nombreux au chômage, cette petite bourgeoisie culturelle flicarde chargée de cornaquer les "classes populaires" perd pied, face aux événements en Pologne, bien avant la chute du bloc russe; mais il n'y a pas que des pourris autistes mannequins d'appareil:
"Dans la région de Longwy, les militants d'une section ouvrière préparent des amendements sur les atteintes aux libertés dans les pays de l'Est mais ils sont empêchés de les présenter lors de la conférence fédérale. Ils ne protestent pas mais se mettent en retrait des activités de la fédération et le tissu militant locale s'effondre.

TRIOMPHE DU "COMMUNISME MUNICIPAL" RELOOKE

"La remise en cause de la primauté de la cellule d'entreprise est souvent le fait des militants eux-mêmes. En réaction à l'autonomisation des élus et à la désagrégation de l'appareil militant, ils expriment leur volonté de participer aux affaires locales pour empêcher qu'elles ne deviennent le domaine réservé des élus".
" La tendance à la localisation des pratiques militantes sur le lieu de résidence se traduit par une ambiance "familiale" des réunions de cellules. Dans ces années 1980 et 1990, les réunions se déroulent généralement au domicile du secrétaire et fonctionnent féquemment autour d'une même famille...".
Repli familial minable comme dérive politicienne nationaliste ont miné le vieil appareil. L'affaire de Montigny-les-Cormeilles où le maire Robert Hue (promis à un destin national) a mené et organisé une manif contre une famille de marocains (soupçonnée de dealer) – accusation infirmée par la police – contribuera encore plus à la dégringolade du PCF épisode Marchais. Le PCF va payer cher ce clientélisme municipal chauvin et étroit, et compte ainsi parmi les facteurs qui ont favorisé le repli religieux des familles de travailleurs immigrés ou pas des "couches populaires". Les jeunes préfèreront aller retrouver une identité à la mosquée plutôt que d'être méprisés par les "communistes".

Puis la libéralisation du vieux parti stalinien a ouvert la porte à toutes les "diversités", mais comme le Front de Gauche, surtout aux désidératas des couches petites bourgeoises, par la gentrification des quartiers

"Autre signe de la perte d'emprise du PCF sur ses élus, les successions aux postes électoraux s'effectuent de plus en plus en dehors des structures militantes".

"De nombreuses mairies, en même temps qu'elles sont investies par des élus plus diplômés, engagent des politiques de rénovation urbaine et des opérations d'accession à la propriété pour attirer des populations "extérieures", c'est à dire des classes moyennes et supérieures".
"Les élus vivent de plus en plus de leurs mandats, ils font de la politique leur métier".

Le PCF "reconstruit" est si décentralisé, si diversifié (qu'il a fallu le détacher de la CGT pour que celle-ci prétende un peu s'occuper des "salariés") qu'il vogue sur toutes les modes idéologiques triomphantes: il ne s'occupe plus des "travailleurs" mais des "habitants", il ethnicise les problèmes sociaux, il a recours à des spécialistes de la communication, il sollicite comme le PS et l'UMP des jeunes femmes diplômées issues de l'immigration maghrébine; tout est centré sur l'individu et plus le parti comme éventuel promoteur d'un programme révolutionnaire. Les cellules d'entreprise ont été supprimées. Le PCF avec son petit croupion Mélanchon se fond dans la cogestion de la société capitaliste en crise pour le bien des "gens".
Bon j'arrête là car je ne peux citer tout ce livre, mais il est une mine d'or – malgré mes critiques en introduction – pour mieux connaitre la veulerie et l'adaptation lamentable d'un vieux machin du stalinisme au capital en voie d'implosion.
Malgré ses défauts et répétition qui ne respectent pas la chronologie historique ce livre restera utile à une réflexion à la fois sur la nécessité d'un parti politique internationaliste mais aussi à ce que ne doit pas être le fonctionnement d'une organisation révolutionnaire qui pose la nécessité de faire tomber la bourgeoisie et d'abolir les rapports de domination et d'exploitation. A ce point de vue, ce n'est pas parce que le FN se la joue parti ouvriériste de promotion militante à la Marchais qu'il peut nous refaire le coup du parti émancipateur. A ce point de vue, le dégoût de la politique stalinienne et son rejet total est une avancée pour la conscience de classe. Et la future renaissance communiste des masses du monde. Bonne nouvelle, tout reste à réinventer. Ou presque.


1Tel le bureaucrate Roger Martelli, confrère et ami de Greg un ancien jeune du CCI tombé dans le milieu humaniste des "communisateurs", à peu près dans les mêmes délires consensuels du PCF sur les gens en quête de justice, les concitoyens électeurs responsables, la "révolution humaniste", etc.
2L'auteur n'est pas un idiot, il note: "Mais de ce déclin de la classe ouvrière comme classe, il ne faudrait pas en conclure à la fin des ouvriers et à la disparition des conflits de classe". Dans le même ordre de mépris que le clown Cohn-Bendit qui m'avait répondu à une émission de Canal + en 1985: "je ne nie pas que la classe ouvrière n'ait pas à exprimer ses revendications"... comme simple catégorie sociale, membre à part entière du système de foutage de gueule bourgeois!
3Evoquant cet épisode avec mon ami et camarade André Claisse, dit Goupil (un des animateurs de la grève Renault de 1947 qui n'avait été qu'un élément secondaire dans le départ du gouvernement des ministres staliniens (= éjecter les pantins de l'impérialisme russe), je m'entendis répondre: "le sabotage du PCF est un éternel recommencement"!
4Déjà dans les années 1970 en banlieue sud j'avais eu le témoignage de plusieurs voisins ouvriers ou employés qui avaient désertés les "cellules" face à la prédominance des discoureurs enseignants qui étouffaient toute parole ouvrière avec leur bagout interminable.