PAGES PROLETARIENNES

samedi 21 septembre 2013

Pourquoi l’extrême droite est impuissante ?



Les principaux défis posés à l’intérieur de la société moderne, dans à peu près tous les pays, reposent sur une culture bourgeoise de la négation du prolétariat international. Les défis au lendemain assuré sont le chômage de masse permanent l’insécurité sociale et civile (agressions des voyous et des policiers), et l’incapacité du capitalisme à intégrer dans les pays dominants une masse toujours croissante de migrants poussés à fuir la misère de leur pays d’origine.
Cette réalité sociale est quotidiennement occultée par les médias en général et surtout par un irénisme de la gauche bourgeoise et de ses succédanés gauchistes et anarchistes. Pour cette faction de la bourgeoisie, au pouvoir en France en ce moment, il n’y a pas de problème d’immigration ni d’allocations familiales indûment versées ni de criminalité excessive venant de l’immigration, le seul problème se résume au « racisme » et à la « montée de l’extrême droite ». Il y a une sorte d’aveuglement volontaire et de déni crétin de l’éclatement de la société en intérêts de clocher, en injustices notoires et mensonges réitérés des organismes de la justice bourgeoise et de ses corps mercenaires. Ce n’est pas un hasard si l’antiracisme ordinaire et l’antifascisme de salon exigent le « respect des institutions », de la « légalité » et de la « justice » ; c’est le cache-sexe de leur hypocrisie. Quand les uniformes « institutionnels » opèrent aux expulsions en général, les groupes gauchistes sont absents. Et si certains de leurs mandants sont présents ils font un raffut ponctuel sans lendemain, sachant eux aussi que de toute façon « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » mais le taisant dans leur confortable posture de protestataires ! En même temps que de véritables expulsions honteuses de travailleurs honnêtes, ont lieu des reconduites à la frontière des Roms qui, eux, reviennent systématiquement et font de plus en plus masse dans les métropoles comme Lille et Paris ou aux portes de nombreux villages ; et sont responsables de nombreux cambriolages, pourquoi le cacher ?
Pendant des années la presse bourgeoise nous a seriné le danger d’un afflux massif d’immigrants aux frontières de l’Europe sans plus s’en soucier d’ailleurs que la montée du chômage ou l’arrogance des divers politiciens. On y est. Et ça pousse aux frontières de l’Espagne et de la Grèce… On focalise sur les méchants néo-nazis de « Aube dorée » - qui ont en effet tué ou brutalisé salement de pauvres prolétaires immigrés – mais jamais on n’attribue la responsabilité de cet afflux, ou plutôt d’une situation excédentaire d’immigrés africains en particulier… invités par la bourgeoisie grecque à venir bâtir les installations pour les jeux olympiques de prestige… sans se soucier de leur sort une fois la festivité sportive terminée ; il se produit le même phénomène en Angleterre bourgeoise, qui se met à son tour à imaginer un barrage filtrant plus étroit.
Au lieu de considérer ce phénomène et de réfléchir à ce qu’il signifie sur l’état actuel du capitalisme et de sa crise, la gauchocratie dénonce les conséquences politiques premières de cet afflux, veut culpabiliser ceux qui s’en inquiètent en les traitant courtoisement de racistes ou de fascistes, en considérant toujours qu’ils sont des proies pour le FN ou des électeurs confirmés de ce parti minable d’extrême droite légaliste et peureuse. La pauvreté théorique et politique des discours gauchistes et anarchistes vaut bien le discours simpliste des populistes ! La complicité des médias avec les clans « antifas » des gosses de riches est patente avec la façon dont ils tentent de relancer un intérêt pour l’épisode Méric. Ce parti français de fille Le Pen, comme ses confrères dits « extrêmes » en Europe, se classe chez les observateurs les moins sectaires (voire les plus honnêtes)  dans la catégorie « populiste », que la même propagande de gauche bourgeoise présente comme « facho light ». Les leaders de ces partis populistes, soucieux de légitimité et de bienséance, comme en Scandinavie ou en France, condamnent les propos publics racistes et xénophobes de certains de leurs militants ou sympathisants, et cela ne signifie pas bien sûr que les concepts de base racistes et xénophobes ont disparu, dedans ou en dehors de ce type de parti qui compte finalement peu de monde comparés aux partis d’extrême droite des années 1930 ; et une majorité de vieux.
Contre l’hypocrite appel européen à « l’ouverture des frontières », les populistes accusent leurs confrères « européistes » de « brader » les valeurs nationales, de « fragiliser » l’identité nationale, voire même d’ « abandonner » la nation aux étrangers, c'est-à-dire à l’immigration musulmane, qui était déjà stigmatisée bien avant les attentats du 11 septembre à New York. Cette façon de tout faire reposer sur le bricolage propagandiste du FN est typique de la façon qu’ont les élites bourgeoises de prendre les gens pour ces cons. On peut constater qu’il y a des immigrés qui foutent la merde sans écouter spécialement les propos de Mme Le Pen, et sans être raciste ! L’élite bourgeoise encadre ainsi « l’opinion », pour ne pas dire qu’elle la met en boîte, afin de tuer non pas la xénophobie (qui serait naturelle en bas chez les petits sans cervelle autre que la blondasse « facho light »), mais d’empêcher toute réelle réflexion sur les limites du pouvoir bourgeois. Celui-ci joue les grands seigneurs moralistes en mentant ouvertement : la même chance pour tous, ouverture des frontières, fraternité entre les religions. Quand, en réalité les prolétaires de souche ou immigrés font face : aux perpétuelles inégalités de classe, au flicage généralisé pas seulement aux frontières, et à la principale religion policière l’islam qui a le mérite pour l’Etat bourgeois de générer tous les fantasmes mais aussi d’imposer des accoutrements sordides. C’est l’Etat bourgeois, les gauchistes et le FN qui plaquent sur le dos des gens une « peur de perdre son identité nationale » : bande de menteurs ! Ce n’est pas de perte d’identité nationale que la majorité des prolétaires ont peur mais surtout d’une peur de perte de la modernité libertaire (je ne trouve pas d’autres mots) où la vie de tous les jours ne soit pas un défilé de gens ghettoïsés dans leur tête et dans leur habillement avec des accoutrements d’arriérés en tout cas où, à la misère, ne s’ajoute pas un sentiment d’étrangeté, non à son propre pays mais à la communauté humaine !
Le déguisement folklorique musulman est un voile utile à l’Etat actuel, et même indispensable pour détruire l’identité de classe à un niveau plus nocif que le catholicisme des migrants polonais si utile à l’ordre étatique en milieu ouvrier avant guerre. Ce n’est pas un hasard si l’islam est lié au terrorisme et aux guerres incessantes. Il est une arme à double face, autorité constituée admise par l’Etat démocratique pour diviser les prolétaires, il renvoie en même temps à une guerre civile interne opaque où ce même Etat bourgeois serait le rempart contre les abus. L’islam est une Hydre de Lerne à deux têtes, l’une respectable nommée Religion et l’autre à stigmatiser comme nouvel axe du mal substitutif aux horreurs du capitalisme[1].
Ce n’est ni un scoop ni une invention des « fachos », l’immigration a toujours posé problème, en premier lieu dans la classe ouvrière, pour la concurrence qu’elle introduit et la compétition patronale des salaires à la baisse. Cela s’est aggravé avec le chômage de masse depuis une trentaine d’années et ce constat les moralistes « antiracistes » ne peuvent pas le gommer de l’histoire réelle sans affects et sans déni de la réalité.

DETACHER L’EXTREME DROITE DES PROBLEMES AUXQUELS ELLE N’A AUCUNE SOLUTION

Mais comment l’extrême droite – ou son expression hétérogène dite populiste - « résout-elle » (ou résoudrait-elle) ce qui est d’abord une question de crise du capital mondial et fabrique de la misère généralisée ? A-t-elle une solution au chômage, en limitant drastiquement l’arrivée des migrants, en les expulsant en masse si elle parvenait au pouvoir ? Hélas pour ses tenanciers, cette fraction bourgeoise n’a pas plus de solution que les autres face au marasme économique, face à des populations que se débandent partout face aux guerres impérialistes locales, face à la misère noire. Le capitalisme pisse le sang partout, déverse les hommes comme des ordures ou les laisse se noyer en mer. Le chômage lui-même n’est pas dû aux migrants qui occupent généralement plutôt les emplois de service ou du bâtiment, les sales boulots mal payés. Leur expulsion ou freinage massif ne permettrait pas de rouvrir usines ou entreprises qui ferment ou vont fermer à cause de la compétition mondiale acharnée.
Ces partis populistes essaient d’agrémenter leurs promesses électorales de bistrot par des actions caritatives ridicules ; ainsi a-t-on vu en France une année un « resto du cœur »… facho, ou ailleurs des soupes anti-hallal. En Grèce le parti « Aube dorée », diable numéro 1 en Europe pour toute l’intelligentsia gauchiste qui a besoin de défendre la démocratie bourgeoise comme hier elle défendait le stalinisme, a ouvert un bureau pôle emploi qui n’a rien à proposer aux chômeurs qui viennent à hanter les lieux. Voilà une fois que vous avez détaché ladite extrême droite de ses mirages politiques, elle pend comme les autres factions bourgeoises, dans le vide.

COMMENT LES MEDIAS GONFLENT ET DETOURNENT DES VRAIS PROBLEMES ? (la gestion impuissante d’un système à la dérive)

Le journaliste gauchiste Pierre Haski exploite la mort accidentelle d’un activiste anarchiste sur Rue 89: « Difficile de ne pas y penser. L’agression mortelle contre Clément Méric en plein cœur de Paris évoque aussitôt les images disparates venues d’ailleurs en Europe, des nervis d’Aube dorée en Grèce faisant la chasse aux migrants, à la nébuleuse néonazie de l’est de l’Allemagne, ou au délire criminel d’Anders Breivik en Norvège. A travers l’Europe, on assiste depuis quelques années, dans un climat de crise économique, sociale, et souvent identitaire, à l’inquiétante montée en puissance d’une frange d’extrême droite radicalisée, qui prospère à côté de partis populistes ou à l’ancrage d’extrême droite plus ancien, comme le Front national de la famille Le Pen. Nous racontions, il y a seulement quelques jours, ces histoires insupportables de migrants agressés en Grèce : 154 « incidents de violence raciste contre des réfugiés et des migrants » en 2012, selon un réseau de recensement de la violence raciste ».
Ce pitre imbus de son importance annonce une « Dérive vers le nazisme » et informe de son animation (sic) d’un débat dans une salle parisienne (au moment du pic de l’affaire Méric) autour du film « Guerrières » du cinéaste allemand David Wnendt, qui met en scène le quotidien de Marisa, une jeune néonazie de l’est de l’Allemagne. Le même jour, coïncidence troublante (hé hé), s’ouvrait à Munich le procès de Beate Zschäpe, 38 ans, accusée de neuf meurtres xénophobes entre 2000 et 2006, et de l’assassinat d’une policière en 2007. « Guerrières » est un film dérangeant, qui montre la dérive vers le nazisme d’un groupe de jeunes désœuvrés, marginalisés dans l’Allemagne réunifiée, et pour qui l’étranger devient le bouc émissaire idéal. Le film commence par un tabassage d’un couple vietnamien dans un train allemand ; il aurait pu s’agir d’un Afghan en Grèce ». Suit un Résumé du débat simpliste entre gauchistes : Les divers groupes « fachos » sont unis par l’islamophobie, la haine de l’immigration, le racisme, la xénophobie, un nationalisme radical etc.
La réponse extraite par le journaliste gauchiste nous fit pisser de rire : « La réponse à cette crise multiple ne peut être ni le repli national, qui ferait le lit de ces nationalismes renaissants, ni la poursuite de ces politiques de rigueur extrême, qui font des peuples les premières victimes d’une crise systémique ». Et une réponse « européenne crédible ». Toujours aussi creux les journalistes même en plein exercice de la « voix de son maître » !
Le FN a pris de l’embonpoint électoral en France face aux attaques anti-ouvrières des premiers gouvernements Mitterrand, on veut nous le faire oublier, et a connu un essor relatif avec la précarisation généralisée et la fin du bloc stalinien, pas à cause d’un « racisme » anti-immigré ! A sa manière chauvine Marchais, dans les années 80 résolvait le problème au niveau des « femmes et hommes de ce pays » en vantant une classe ouvrière « française » contre la concurrence déloyale étrangère et sans honte de considérer que les difficultés sociales étaient engendrées par l'immigration de peuplement (cf. leur défense des nationalisations aux côtés des gauchistes, ne précise jamais pourquoi l’embauche y est strictement française !). Le moralisme bourgeois qui a succédé aux années « produisons français » ne vaut pas mieux : le droit de vote aux étrangers par le parti gouvernemental « hollandais » (cf sa déclaration provocatrice « l’immigration est une chance pour la France ») veut faire croire que la mystification électorale étendue aux derniers arrivés mettra de la soupe dans l’assiette !
Il n'y a pas de montée « inquiétante » de l'extrême droite – comprenez dans la cervelle de piaf des gauchistes : du « fascisme » -  en Europe. Ce qui a pu le plus ressembler à une "vague" a été la troisième vague néo-populiste, dans les années 1980. On a pu constater une hausse conjointe de différentes cliques : FN en France, Vlaams Belang en Belgique, la Ligue du Nord en Italie ou le FPÖ en Autriche. Or, elles n’ont aucun vrai programme crédible. Les électeurs ne sont des militants ni des soldats comme l’étaient les membres du parti nazi ; et comme tous les autres partis truands démocratiques, les appareils élisent les (futurs) élus ! Leur simili programme tourne autour de l’obsession contre l’immigration, le mariage à la con des homos, la bonne famille cocue traditionnelle et les faits divers qui permettent d’oblitérer toute sérieuse réflexion politique sur la façon de gouverner de la bourgeoisie et sa façon de rendre la justice arbitrairement toujours contre les victimes (car si la vocation des assassins de base et voleurs d’occasion n’était pas encouragée qui payerait les juges et magistrats ; et n’y aurait-il pas le risque de dévoiler plus vite que les principaux criminels sont membres du sommet de l’appareil d’Etat ?

Enfin ce que médias et gauchistes évitent de signaler : cette mouvante « populiste » n’est pas fasciste. Le fascisme fût une idéologie de montée vers la guerre, sponsorisé par la bourgeoisie pour détruire le peu qu’il restait de la théorie communiste. La guerre mondiale va en effet « créer des emplois » de toute sorte et relancer l’économie. Même si les plus tarés de leurs activistes veulent ressusciter un antisémitisme puant et débile, ce ne sont que petits clans dispersés et partis platement électoralistes sans réel projet alternatif ; aucun ne se risquerait à s’aliéner la sympathie de l’opinion « nationale » en exaltant une nouvelle guerre mondiale ! Et, enfin le plus important, il n’y a même plus à combattre le danger du « communisme », raison d’être principale du nazisme, puisque les résidus restants des partis staliniens sont en dessous de tout, au niveau des sectes gauchistes aussi impuissantes à offrir une alternative autre que « parlementaire » et « légaliste » que leurs frères ennemis.
La gauche et les gauchistes sont ridicules de croire qu’ils vont pouvoir faire fructifier éternellement leur fonds de commerce en stigmatisant systématiquement le FN. Chaque fois qu’il parvient à engranger des auto-élus aux municipales le FN trempe dans les mêmes malversations que toutes les cliques des partis officiels auto-promus auto-désignés qui se la pètent sur leurs estrades de foire ou dans les studios de TV. Comme les divers clowns de la mystification dite démocratique, ils sont tous impuissants à réguler un système en faillite. Au nom des horreurs maquillées  du passé, ce sont bien eux les nouveaux charlots qui pensent régner encore mille ans en se foutant de la gueule de prolétariat mondial.









[1] Lors de sa naissance l’Hydre de Lerne, créature de la mythologie antique grecque, ne possédait qu’une tête, l'immortelle qui se dédoubla ensuite pour en former plusieurs qui si elles étaient coupées lors des combats d’Héraclès repoussaient toujours. L’immigration comme l’antifascisme ou l’antiracisme, est une Hydre moderne.

lundi 16 septembre 2013

LES RAISONS (SORDIDES) DE l’ANTIRACISME ET DU LIBERALISME (salarial)DE LA BOURGEOISIE




L’article qui suit d’une journaliste d’un journal bourgeois, qui évite les termes de classe et tout raisonnement alternatif au constat de la misère fabriquée en l’espèce par la bourgeoisie teutonne est exemplaire de la politique de recrutement de la bourgeoisie des pays dits développés en général, et de la capacité de l’idéologie capitaliste de minorer l’intense surexploitation des travailleurs migrants sous d’augustes discours antiracistes relayés par les sous-fifres gauchistes. On clame à tout va que la messe des droits de l’homme oblige à ouvrir les frontières… que chacun est « libre » d’aller travailler où il veut en Europe… en n’évoquant jamais les « conditions de Manchester » (allusion au capitalisme sauvage du 19ème…). Mais la bourgeoisie allemande exploite aussi les jeunes prolétaires d’Allemagne, et, dans le secteur des services en particulier joue à fond la concurrence entre nationalités. La santé économique du capital allemand est bien truquée, et, malgré les promotions sur leur spécialisation haut de gamme, les bourgeois allemands sont bien responsables d’une pauvreté importante (21% de pauvres contre 8% en France paraît-il, mais ces taux restent abstraits et personne ne sait d’où ils proviennent) et assis sur un baril de poudre si l’a poudre s’avère bien un jour être l’unité des prolétaires indépendamment des chansons antiracistes hypocrites et sur des bases de classe (salaires minables, loyers éhontés, etc.). PS : on peut se poser quand même la question de l’opportunité et actualité de cet article très anti-Merkel en pleine période électorale Outre Rhin  - même si l’article est révélateur de la misère dans le principal moteur capitaliste européen – un coup de pouce "socialo" élyséen (oecuménique)?
 
En Basse-Saxe, la "ceinture de graisse" du pays prospère grâce à des salaires de misère
LE MONDE | 16.09.2013 à 11h20 • Mis à jour le 16.09.2013 à 18h48 | Claire Gatinois

Les raisons qui ont poussées Stefan Petrut à quitter la Roumanie pour venir travailler en Allemagne sont simples. "L'argent". L'homme épais, à la figure bonhomme, qui ne laisse rien transparaître de trente ans de travail à la chaîne à découper les viandes dans les abattoirs, ne s'en cache pas. L'argent lui manquait tellement à Buzau, sa ville natale à 100 kilomètres de Bucarest.

Alors, en 2008, quand son ami Nicolaï, lui a parlé de ce travail d'équarrisseur en Basse-Saxe, à Essen-Oldenburg payé 1 600 euros par mois. "J'ai dit oui. J'arrive". Quelques jours plus tard, Stefan, quarante-six ans à l'époque, laisse sur place un fils déjà grand mais emmène sa femme, Luminata, couturière. Elle lâche ses travaux d'aiguilles pour se convertir à la découpe de bestiaux. De 16 heures à deux heures du matin, pauses comprises. L'affaire est trop belle. Au début, tout va bien. Si ce n'est cet appartement sommaire dans une maison de briques de Quakenbrück, à dix kilomètres de l'abattoir que Stefan et Luminata doivent partager avec deux autres couples. Une seule salle de bains. Une toilette pour tout le monde. Le tout pour 175 euros par personne et par mois payés "au patron". Celui-là même qui dirige l'abattoir.
Mais au bout de quelques mois, l'entreprise change le fonctionnement. Fini le salaire fixe, désormais Stefan et sa femme seront payés à la pièce : 1,31 centime (0,0131 euro) par cochon découpé pour lui, 0,98 centime pour elle. "Normalement, ça va, je suis un spécialiste", explique-t-il, fier. Solide et rompu à l'exercice, Stefan peut faire 700 bêtes par heure, donc, toucher un peu plus de 9 euros de l'heure. Mais Luminata ne tient pas la cadence. Pis au bout de quelques jours, les porcs n'arrivent plus. Danish Crown, un gros industriel de la viande qui achetait la pièces à l'abattoir de Stefan, veut changer de sous-traitant pour un autre, moins cher.
"Plus de cochons, plus d'argent", résume Stefan dans un français qu'il a appris à l'école. Sa femme et lui vivotent alors avec 500 euros mensuels. Puis, plus rien. L'abattoir fait faillite. Eux sont licenciés sans toucher les 5 000 euros et quelque qu'on leur doit encore.
"NATIONALITÉS INVITÉES"
En Basse-Saxe, le cas de ces Roumains n'est qu'un exemple parmi d'autres de l'exploitation de la main-d'œuvre étrangère, peu au fait de ses droits, et souvent maintenue à dessein dans l'ignorance. Depuis un an, la presse locale se fait l'écho d'histoires plus ou moins sordides recensées dans "la ceinture de graisse" de l'Allemagne, championne européenne de l'exportation de viandes.
Got Ilie, le visage mat et l'air encore espiègle de ses 24 ans en témoignent. Arrivé en Allemagne en 2010, il a passé un an payé 5 euros de l'heure, sans sécurité sociale, et avant déduction des 70 euros à régler chaque mois à son employeur pour le logement : une chambre à partager avec cinq autres Roumains.
Au fil des ans, les nationalités "invitées" évoluent mais le scénario reste le même. Un salaire de misère qui frise parfois les deux à trois euros de l'heure et des conditions de logement indécentes. "Il y a quelques semaines, j'ai été alerté par un Espagnol employé dans une découpe de volailles qui n'avait pas reçu son salaire. J'ai découvert que lui et d'autres Espagnols vivaient à soixante-dix dans 180 mètres carrés dans un restaurant désaffecté", raconte Matthias Brümmer, responsable régional du syndicat de l'alimentaire NGG.
"Des Grecs, on n'en a pas encore vus. Mais l'industrie cherche et trouve toujours ce qu'elle veut là où la misère est la plus grande, dit-il, écœuré. Ces industriels se vantent de traiter correctement les animaux, mais eux traitent leurs salariés comme des bêtes !" M. Brümmer, un ancien des abattoirs, s'est rendu compte il y onze ans, grâce à un journaliste du Rheinische Post, que ces scènes dignes d'un roman de Zola existaient dans son propre pays, ce super modèle de l'Europe.
Interrogé sur de telles pratiques, Danish Crown explique que c'est le marché du travail allemand qui implique de tels niveaux de salaires. Quant aux sous-traitants, le groupe peut difficilement les contrôler, explique Jens Hansen, le porte-parole de l'entreprise danoise, ajoutant que le groupe, basé dans un pays réputé pour la générosité de son système social, ne rechigne pas à payer correctement ses propres salariés. Une stratégie d'évitement, certes, qui n'est toutefois pas éloignée de la réalité. Pour M. Brümmer, la réglementation du marché du travail allemand a permis ces dérives et l'émergence de ce qu'il appelle un "capitalisme de Manchester".
PAS DE SALAIRE MINIMAL
Outre-Rhin, aucun salaire minimal n'est imposé dans la filière de la viande. En outre, sous le gouvernement de Gerhard Schröder (SPD) une clause a été introduite permettant à un employeur allemand de "louer" de la main d'œuvre à une entreprise étrangère, roumaine ou bulgare par exemple. Dans ce cadre, les employés sont soumis au droit du travail de leur pays d'origine, souvent moins disant.
En permettant aux industriels d'avoir recours à une main d'œuvre bon marché, la Basse-Saxe est devenue un aimant aux multinationales de la viande. Danish Crown, mais aussi le néerlandais Vion y sont représentés aux côtés des allemands Tonnies, Westfleisch, entre autres.
Résultat, dans cette région agricole, le chômage est au ras des pâquerettes (6,5 % en août selon l'agence pour l'emploi), et en dépit de l'automatisation du métier, l'industrie emploie encore 142 000 personnes, et plus de 200 000 en comptant ces travailleurs "loués", indique M. Brummer. "Aujourd'hui, si l'Allemagne arrête de produire de la viande, l'Europe fait famine !", plaisante-t-il.
Pour lui comme pour nombre d'Allemands, ce résultat n'a pourtant rien d'une réussite. "J'ai honte. Quand je voyage à l'étranger et qu'on m'interroge à ce sujet, je suis incapable de justifier cela", confie Alexander Herzog-Stein, spécialiste du marché de l'emploi à l'institut IMK, proche des syndicats.
Dans la région, aussi, on a honte. Depuis plus d'un an, à Vechta, une petite ville tranquille, le prêtre Peter Kessen mobilise les foules pour que cesse ce "dumpig social", dénoncé également par la France et la Belgique. Pour son action, le prêtre a reçu des menaces : une peau de lapin, déposée devant sa porte en novembre dernier.
C'est que le combat de ce religieux dérange. Son objectif est d'obliger l'instauration d'un salaire minimum à 8,50 euros de l'heure, pour tous. Une lutte à la frontière entre religion et politique : la mesure figure dans le programme du SPD, en lice face à la CDU d'Angela Merkel pour les élections législatives du 22 septembre."C'est notre responsabilité sociale", sourit-il. Et pour ceux qui redouteraient de voir alors la compétitivité de l'industrie s'effondrer, le prêtre a déjà fait les calculs. Avec ce niveau de salaire, le kilo de viande ne serait renchéri que de 5,7 centimes, dit-il. Reste que les entreprises pourraient déguerpir, à la recherche d'une main-d'œuvre meilleur marché. "Qu'ils s'en aillent !", lâche M. Brümmer.
Depuis quelques jours, la région a bon espoir de mettre fin à tout cela. A la suite d'une table ronde, mardi 10 septembre, les grands industriels se sont mis d'accord pour l'instauration d'un salaire minimum. Mais M. Brümmer se méfie. "Ce n'est pas la première fois qu'en période préélectorale on nous fait des promesses. Attendons le 23 septembre !".
Et puis après la viande viendra le combat pour les employés de l'hôtellerie, de la restauration et pour les garçons coiffeurs, dont les salaires, dit-on, ne dépassent pas 2 à 3 euros de l'heure...