PAGES PROLETARIENNES

samedi 24 novembre 2012

Signification du Marxisme suivi d'une initiation à l'oeuvre de Marx et d'Engels




INITIATION BIBLIOGRAPHIQUE A L’ŒUVRE DE MARX ET D’ENGELS
Par H.-C. DESROCHES [1]

Il y a plus de dix ans j’entreprenais, dans la version papier de PU la réédition de l’ouvrage oublié de HC Desroches, certes ancien curé mais bof ce n’est point pire que d’être ancien gauchiste ou ancien ultra-gauche. J’écivais ceci en introduction : « Nous publirons désormais en feuilleton la plus grande partie de l’approche bibliographique passionnante de l’œuvre de H.-C. Desroches conçue comme « initiation » au marxisme (en référence aux éditions ouvrières en 1949) et qui montre la progression, puis l’évolution des deux penseurs-militants vers le communisme. On nous dit chaque jour qu’il faut tout recommencer à zéro et que le mouvement ouvrier est mort et enterré. Alors on va voir ce qui se passe quand on recommence à zéro. Et on verra en particulier que la pensée communiste est bien vivante et décoiffe ! Le lecteur-trice aura même l’impression de connaître l’intégralité de l’œuvre de Marx et Engels. Que cela ne le dispense pas de se reporter à la lecture intégrale des ouvrages mentionnés ». Venant de reparcourir ce texte, et déprimé d’avoir provoqué la scission dramatique dans l’UMP, je trouve encore ce texte merveilleux de fraîcheur et qui vous consolera de la bêtise intense de la guerre des chefs dans les partis bourgeois, que nous subissons au quotidien. Avant de le livrer à l’enfer des archives de mon second blog je vous le reproduit ici, chers lecteurs fidèles, comme cadeau de fin d’année.

MARX - Lettre à son père (10 novembre 1837) - t.IV.
Dans cette lettre, Marx, alors âgé de 19 ans, expose à son père le désarroi de son âme tourmentée. Il y décrit ses échecs de poète, la désorientation de ses études, et enfin son passage à l’hégélianisme. Il n’adhère, déclare-t-il, à cette philosophie, dont « l’âpre mélodie rocheuse » l’effraye d’abord, qu’après une dure résistance et comme à contre-cœur.

Le manifeste philosophique de l’Ecole de droit historique (1842, t.I)
Critique de Gustave Hugo (1764-1844), « ancêtre et créateur de l’école historique » (p.110). Mais c’est en réalité Frédéric-Charles de Savigny (1779-1861), le célèbre professeur de droit, qui est visé. Marx, en accusant l’Ecole d’un conservatisme immoral et stérile, veut détruire dès le début les illusions d’une révision des lois, illusions qui s’attachaient à la nomination de Savigny au ministère prussien de la Législation.
Le jugement de Marx sur l’Ecole de droit historique, appuyé par de nombreuses citations, sera résumé, en décembre 1843, dans sa « Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel ». Introduction où il dit qu’elle est « une école qui explique l’infamie d’aujourd’hui par l’infamie d’hier ; une école qui déclare que tout cri poussé par le serf sous le knout est un cri rebelle, du moment que le knout est un knout chargé d’années, héréditaire, historique » (p.86).
Un paragraphe sur le mariage fut supprimé dans l’article de Marx, par la censure prussienne. Il se trouve dans Mega I, tome 1, 1ère partie, p.255-257. Il manque dans l’édit. Costes.
A la page 115 de cette dernière édition, on a oublié de mettre entre guillemets la phrase : « La seule caractéristique juridique de l’homme, c’est sa nature animale » - qui est de Gustave Hugo, et non de Marx, comme, par suite de cette omission, on pourrait le supposer.
Page116, 20e ligne en haut, le mot prolétaire qui rend le texte inintelligible est à remplacer par propriétaire (Eigentümer dans le texte original).
Préparé entre mars et mai 1842, le ‘Manifeste’ fait partie d’une série de quatre thèmes sur lesquels Marx travaille à cette époque. Les trois autres, qui ne furent jamais publiés, se rapportent à l’art religieux, aux représentants du romantisme et aux philosophes positifs. Le ‘Manifeste’ parut le 9 août 1842 dans la Rheinische Zeitung (Gazette Rhénane), supplément n°221.

Débats sur la liberté de la presse et publication des discussions de la Diète - t.V.
Marx reproche à la Diète rhénane sa tiédeur dans la défense de sa liberté contre le gouvernement prussien. Ce dernier exerce non seulement la censure de la presse, mais celle de l’assemblée provinciale elle-même. Celle-ci ne réagit même pas contre la politique anticatholique de Berlin. Marx lui reproche par contre de défendre avec zèle les intérêts des propriétaires terriens.
Dans ces articles, de même que dans d’autres travaux appartenant à cette époque, on ressent encore les traces d’une jeunesse, passée dans le « climat libre et serein » des pays rhénans. La sévérité de la polémique ne diminue pas cette impression. « Une lueur, claire comme la lumière du soleil sur les collines du Rhin, couvertes de vignes, s’étale sur eux » (cf. Franz Mehring, Engels et Marx, dans Grünbergs Archiv für die Geschsichte des Sozialismus, etc.)
Dans la publication du texte original, faite par Mehring, des ‘Œuvres posthumes’ de Marx (1902), l’introduction, une satire sur la Gazette de l’Etat de Prusse est supprimée. Elle manque également dans la traduction Molitir. On la trouve dans Mega I, tome 1, 1ère partie, p.179-183.
Ecrit en avril 1842. Publié le mois suivant en une série de six articles non signés, dans la Gazette Rhénane, du 5 au 19 mai (suppléments des numéros 125, 128, 130, 132, 135, 139).

 A propos du communisme - t.V.
Réponse de Marx à un article de la Gazette générale d’Augsbourg, qui accusait la Gazette Rhénane de communisme. Marx se déclare incompétent en la matière, mais promet que la Gazette Rhénane soumettra ces idées à une critique approfondie (p.115). Et pendant trois mois il se consacre à l’étude du problème dans les ouvrages de Proudhon, Dezamy, Cabet, Leroux, Victor Considérant. C’est son premier contact avec le communisme.
Cela lui paraissait si capital que vingt-sept ans plus tard il en parlait encore dans sa Préface à la critique de l’économie politique (1859).
Paru dans le numéro 289 du 16 octobre 1842 de la Gazette Rhénane. Le titre « A propos du communisme » est de Mehring. L’article paru dans la Gazette Rhénane porte comme titre : ‘Le communisme et la Gazette générale d’Augsbourg’.

 Critique de la philosophie de l’Etat de Hegel, publiée par S.Landshut et J.P. Mayer - t. IV.
Marx disait en 1859, au sujet de cet ouvrage :
« Mes recherches aboutirent à ce résultat que les rapports juridiques, ainsi que les formes de l’Etat, ne peuvent être compris ni par eux-mêmes, ni par la soi-disant évolution générale de l’esprit humain, mais qu’ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions d’existence, dont Hegel, à l’exemple des Anglais et des Français du XVIIIe siècle, embrasse le tout sous le nom de « société civile », et que l’anatomie de la société civile est à chercher dans l’économie politique ».
Par ce smots, il caractérise la Critique de la philosophie de l’Etat de Hegel comme un des travaux par lesquels s’élabore le matérialisme historique.
Marx n’est pas encore arrivé au communisme. Mais il poursuit la ligne dans laquelle il s’est orienté quand il s’insurgeait, dans ses articles sur la loi sur le vol du bois, contre l’Etat défenseur des intérêts de la grosse propriété. Il démontre, contre Hegel, que l’Etat n’est qu’une fonction de la société et que la défense des intérêts particuliers représente pratiquement sa raison d’être.
La Critique de la philosophie de Hegel donne le contexte philosophique des expériences pratiques que Marx a faites par l’affaire du vol du bois et par sa défense des intérêts des petits viticulteurs du pays moselan contre l’administration prussienne qui se rangeait du côté des gros propriétaires (articles de Marx parus en janvier 1843 dans la Gazette Rhénane).(…)

Correspondance entre Marx et Ruge (1843) - t.V
Les Annales franco-allemandes, publiées par Arnold Ruge et karl Marx à Paris, Bureau des Annales 1844 (février), p.17-40, contiennent un échange de correspondance entre Marx, Ruge, Bakounine et Feuerbach de mars à septembre 1843. Tandis que Mehring et Mega I, t., ère partie, p.555-575, le reproduisent intégralement, Molitor s’est contenté de donner les lettres échangées entre Marx et Ruge.
La lettre la plus importante de cette série est celle de septembre 1843 (p.205-211). Marx y expose son programme pour les Annales franco-allemandes. Ce programme se résume dans « la réforme de la conscience » (p.210). Le communisme y tient la première place. Quand Ruge, au fond antisocialiste, publia de nouveau cette correspondance, en 1847, dans ses Œuvres complètes, il n’hésita pas à supprimer cette dernière lettre de Marx.

La question juive - t.I
La critique de Marx dans cet article dirigé contre La question juive de Bruno Bauer (1843) lui donne l’occasion d’examiner de près la notion d’émancipation politique et l’émancipation humaine en général. La première, déclare-t-il, « n’est pas le mode absolu et total de l’émancipation humaine » (p.173)
Analysant les Droits de l’homme de 1791 et de 1793 (p.190-201), il définit la conception de l’homme qu’on y trouve. Il s’agit de « l’homme égoïste, l’homme tel qu’il est, membre de la société bourgeoise (…), séparé de la communauté, replié sur lui-même, uniquement préoccupé de son intérêt personnel » (p.195). Il détruit le mirage de l’homme en soi des philosophes et ne reconnaît que l’homme déterminé historiquement.
La deuxième partie du travail de Marx étudie la question juive dans le cadre de la société moderne, le rôle du « juif réel, non pas le juif du sabbat, ainsi que Bauer le fait, mais le juif vulgaire » (p.205). Son esprit, « l’esprit pratique juif », est devenu « l’esprit pratique des peuples chrétiens. Les juifs se sont émancipés dans la mesure même où les chrétiens sont devenus juifs » (p.207). C’est pourquoi seule « une organisation sociale qui supprimerait les conditions nécessaires du trafic (et de l’argent), rendrait le juif impossible », et ainsi « dans sa dernière signification, l’émancipation juive consiste à émanciper l’humanité du judaïsme » (p.206), c’est-à-dire « du trafic et de l’argent » (ibid).
Les résultats de l’étude sur les rapports entre l’Etat et la « société civile » que l’on trouve dans la Critique de la philosophie de l’Etat de Hegel ont servi évidemment de point de départ à ce travail qui aboutit en principe au communisme : l’émancipation humaine n’est possible pour Marx qu’après la suppression de la propriété et de l’Etat.
La question juive est un des grands documents de l’humanisme marxiste.
Ecrite en septembre-octobre 1843. Publiée dans les Deutsch-Französische Jahrbücher (Annales franco-allemandes) publiées par Arnold Ruge et karl Marx, 1844 (février). Une traduction française de la Question juive, par Léon Rémy, parut dans Le Mouvement socialiste, 1903, 1er mars et 15 mars-1er avril (nos 115 et 116-7), avec une introduction de Franz Mehring.

 Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel. Introduction - t.I
Cette étude, postérieure à La question juive, bien qu’elle la précède dans les Annales, représente une phase décisive dans l’évolution de Marx. Pour la première fois le prolétariat apparaît. Résultat du « mouvement industriel », et armé de la philosophie selon laquelle « l’homme est pour l’homme l’être suprême » (p.97), le prolétariat est la force qui réalisera l’humanisme. le prolétariat, c’est la classe qui est « la dissolution de toutes les classes » (p.109). C’est dans le prolétariat que l’idée et l’action coïncident par la force même des choses, car « il ne suffit pas que la pensée recherche la réalisation, il faut encore que la réalité recherche la pensée » (p.99).
Ainsi, « la philosophie est la tête de cette émancipation (de l’homme), le prolétariat en est le cœur. La philosophie ne peut être réalisée sans la suppression du prolétariat, et le prolétariat ne peut être supprimé sans la réalisation de la philosophie » (p.107 et sq.).
Les mots suppression et supprimer ne donnent pas exactement le sens des termes allemands de Aufhebung et de Aufheben. Ceux-ci appartiennent au vocabulaire de Hegel. Ils ont un caractère spécifiquement dialectique. Intraduisibles en français par un seul substantif ou un seul verbe, ils n’expriment pas ‘faire disparaître’ tout court. Ils indiquent la disparition par l’absorption dans une unité supérieure.
Le rôle de premier plan de l’esprit dans la conception marxiste, si souvent mal compris et déformé par les interprètes et les adversaires, est ici clairement défini : ‘la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle pénètre les masses » (p.96).
Dans cet article, Marx s’adresse pour la première fois à la masse. L’unité de l’action et de la pensée est établie.
Ecrit en décembre 1843. Publié dans les Annales franco-allemandes. Traduction française par ED Fortin, dans Le Devenir social, Giard et Brière, t.I, 1895.

LES ANNALES FRANCO-ALLEMANDES
Avec le numéro double 1-2 des Annales franco-allemandes, le seul qui ait paru, la gauche hégélienne, avec laquelle Marx entre en contact en 1837 et à laquelle la « ruche d’idées » de son cerveau fournissait l’apport décisif, arriva à son terme. Les Annales sont sa dernière et plus importante manifestation. Les uns parmi ses représentants, incapables de relier effectivement la philosophie à la réalité de leur époque, et découragés par les mesures de l’Etat autocratique et l’indifférence de la plupart des contemporains, se replient chacun sur son propre « moi ». L’Unique et sa propriété (1845) de Max Stirner sera leur manifeste le plus caractéristique. Il y en a d’autres, comme Hess, Marx et Engels qui se tournent décidément vers l’action liée à une prise de conscience théorique, c’est-à-dire vers le communisme. Ainsi Marx, installé à Paris depuis fin octobre 1843, entre en contact, vers le mois d’avril de l’année suivante, avec la Ligue des Justes qui deviendra en 1847 la Ligue des communistes, et avec les sociétés ouvrières secrètes françaises. Peu après, il commence à fréquenter les réunions des ouvriers allemands de Paris qui ont lieu à la barrière du Trône, rue de Vincennes. La théorie a rejoint la pratique.
Les Annales franco-allemandes où se trouvent les trois contributions de Marx contiennent deux travaux d’Engels qui ne marquent pas moins que ceux de Marx la ligne de partage entre deux phases de l’Histoire de la pensée. L’un est intitulé Esquisse d’une critique de l’économie nationale (n°36). L’autre, La situation de la classe laborieuse en Angleterre (n°37), est une critique de Past and Present de Thomas Carlyle.

ECONOMIE POLITIQUE ET PHILOSOPHIE. RAPPORT DE L’ECONOMIE POLITIQUE AVEC L’ETAT ? LE DROIT, LA MORALE ET LA VIE BOURGEOISE (1844)
Entre novembre 1843 et février 1845, Marx copie de longs extraits d’œuvres d’économie politique françaises et anglaises, parmi lesquelles Adam Smith, David Ricardo, J.-B. Say, Sismondi et Buret. On trouve trace de ces études dans Le Capital. Depuis mars 1844, sous l’influence de l’Esquisse d’une critique de l’économie politique d’Engels, elles prennent  un caractère méthodique qui se manifeste dans les manuscrits fragmentaires de 1844. Ils ont été publiés sous le titre d’Economie politique et philosophie. Ils appartiennent à un ouvrage en deux volumes, qu’il voulait écrire sous le titre de Critique de la politique et de l’économie nationale (voir comment ce travail fut interrompu par la composition de l’Idéologie allemande). Les fragments nous placent donc devant les débuts de cet énorme effort d’analyse et d’abstraction qui aboutira au Capital. Les grandes thèses du marxisme qui s’annoncent déjà dans les ouvrages précédents se rapprochent ici des formulations définitives : l’ouvrier n’est qu’une marchandise dans l’économie capitaliste ; l’accroissement de la productivité du travail et de la richesse implique l’appauvrissement et la misère du travailleur ; la société ne représente de plus en plus que deux classes : capitalistes et prolétariat ; le capital = domination sur le travail et ses produits, l’aliénation de l’homme par l’homme par rapport à son propre produit, etc.
On constate nettement, dans l’ouvrage, l’influence de la Critique de l’économie nationale d’Engels. Ces manuscrits datent d’avril-août 1844. Le texte original de Economie politique et philosophie ne parut qu’en 1932. Deux publications en ont été faites en même temps, l’une par S.Landshut et J.P. Mayer, l’autre par Moscou, dans l’Edition historique et critique des œuvres complètes de Marx et d’Engels. Cette dernière édition reproduit quatre manuscrits, dont le quatrième n’est qu’un extrait tiré par Marx de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel (…) Ainsi d’importants textes sur le salaire, le profit du capital, la rente foncière et le travail aliéné sont encore inaccessibles au lecteur français (récemment des passages ont été traduit par Maximilien Rubel). Les manuscrits n’étaient pas destinés à être publiés dans la forme où ils ont été retrouvés. Des ratures et des corrections, des passages écrits en travers en rendent la lecture difficile. Par endroits, les manuscrits sont sérieusement endommagés.
Landshut-Mayer se sont efforcés de suivre la pagination originale, alors que l’édition de l’Institut Marx-Engels adopte un classement par matières. Une traduction partielle par N.Gutermann et Henri Lefebvre a paru dans la revue Avant-Poste 1933, n°1 et 2.

Le Roi de Prusse et la réforme sociale.

Polémique de Marx au sujet d’un article de son ancien ami Arnold Ruge, article relatif à un appel à la bienfaisance, lancé par le roi Frédéric-Guillaume IV, après la répression sanglante du soulèvement des tisserands à domicile de Silésie (juin 1844). Analyse de ce mouvement de révolte. Marx déclare que « sans révolution, le socialisme ne saura se réaliser » (p.244). Nous signalons que p.244, 5e ligne, dans la traduxtion Molitor, après les mots « tout court », la phrase suivante est absente : « Chaque révolution désagrège (löst auf) la vieille société ; dans ce sens elle est sociale. Chaque révolution renverse le vieux pouvoir ; dans ce sens elle est politique ». Ecrit entre le 28 et le 31 juillet 1844 . Paru le 7 et le 10 août dans le Vorwärts, organe allemand de Paris. Le titre donné par la traduction Molitor est en réalité celui de l’article de Ruge, contre lequel Marx polémique. L’article de Marx est intitulé : Gloses marginales critiques concernant l’article : Le roi de Prusse et la réforme sociale.

MARX (ET ENGELS) - LA SAINTE FAMILLE, OU CRITIQUE DE LA CRITIQUE (CONTRE BRUNO BAUER ET CONSORTS).
Règlement de comptes de Marx et d’Engels (ce dernier n’y contribua que pour quelques pages) avec l’idéalisme spéculatif dont le représentant le plus en vue était Bruno Bauer, leur ancien compagnon d’armes. Ils opposaient « à chacune des thèses de Bauer la thèse contraire du matérialisme historique ». L’ouvrage pourrait s’intituler Anti-Bauer, comme le fameux ouvrage d’Engels porte le nom d’Anti-Dühring.
Le sous-titre actuel, Critique de la critique critique, a été projeté d’abord comme titre même du livre. Il « soulignait le néant et le vide de la critique de Bauer, dont l’activité constituait une fin en soi ».
Au cours d’une critique de Proudhon, qui suit la défense de celui-ci par Marx contre Edgar Bauer, Marx (t.II, p.60-63) donne un développement dialectique des antinomies propriété privée-pauvreté, richesse-prolétariat, qui « constituent surtout (…) deux formes du monde de la propriété privée » (t.II, p.60), où « les premiers travaillaient au maintien, les seconds à l’anéantissement de l’antinomie » (ibid, p.61). Réfutation de l’opposition que Bauer établit entre l’esprit et la masse. Réfutation de sa critique de la Révolution française. Les raisons de la chute de Robespierre (ibid, p.216-219). Le rapport historique existant entre le Directoire et Napoléon, et la société bourgeoise (ibid, p.219-222). Exposé sur le matérialisme français du XVIIIe siècle. Analyse critique des Mystères de Paris d’Eugène Sue, à la suite d’un article louangeur d’un certain Szeliga qui voyait dans le prince de Gérosltein le « premier serviteur de l’Etat, de l’humanité », et « l’homme de la critique absolue ». Ecrit entre la fin août et le début septembre 1844, paru en 1845 (fin février) à Francfort-sur-Main, à l’Institut littéraire J.Rütten. Le livre fut conçu lors de la visite d’Engels à Marx, à Paris, entre le 28 août et le 6 septembre de la même année - visite qui marqua le début de leur amitié. La Sainte famille est le premier document signé en commun par Marx et Engels. Les chapitres écrits par Engels furent composés pendant ce séjour parisien. (…) L’importance que le marxisme attribue aux rapports existant entre lui, d’une part, et le XVIIIe siècle français et la Grande Révolution, de l’autre, se signale par le fait qu’en 1885 la Neue Zeit, III (1884-1885), p.385-395, réimprima précisément le chapitre sur le matérialisme français du XVIIIe siècle ainsi que des extraits du chapitre sur Robespierre, le Directoire et Napoléon, avec l’autorisation d’Engels. A cette époque, le livre épuisé, épuisé depuis longtemps, était introuvable en librairie et totalement inconnu de la plupart des militants socialistes.

THESES SUR FEUERBACH.
Nous avons déjà mentionné ces onze thèses (p.274) à l’occasion du livre d’Engels sur Feuerbach (n°11) où elles sont reproduites, p.45-47. Leur importance est mise en lumière par les paroles d’Engels à la fin de la préface de 1888 de ce dernier ouvrage : « J’ai retrouvé(…) dans un vieux cahier de Marx les onze thèses sur Feuerbach (…) Ce sont de simples notes jetées rapidement sur le papier pour un travail ultérieur, nullement destinées à l’impression, mais d’une valeur inappréciable, comme étant le premier document où est déposé le germe génial de la nouvelle conception du monde ».
En effet, dans ces thèses « qui marquaient la fin de sa période hégélienne, Marx établissait définitivement sa doctrine du matérialisme historique en considérant l’Histoire comme le processus de l’adaptation de l’homme à son milieu, réalisée par la production économique, par le travail, qui constitue la synthèse de la nature et de l’homme ».
Par ces thèses la réponse du marxisme à la question de l’existence objective du monde est formulée. Le concept hégélien de l’aliénation, pris dans la forme modifiée que Feuerbach en parlant de l’aliénation religieuse lui a donnée, est soumis à une critique fondamentale. L’unité de l’action et de la pensée, formellement établie, se réalise dans la tâche que Marx assigne à l’homme : transformer le monde au lieu de se contenter de son interprétation.
Les onze thèses sur Feuerbach, écrites vers mars 1845, se trouvent dans le plus vieux des carnets de notes que l’on a conservés de Marx. Publiées pour la première fois en 1888 par Engels, annexées à son Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande (n°11).

1845-1846
MARX (ENGELS) - Idéologie allemande.
Importance de l’Idéologie allemande.
L’ouvrage est le résultat d’un travail commun de Marx et d’Engels. Les deux classiques eux-mêmes ont fixé la place de l’Idéologie allemande dans l’ensemble de leurs œuvres. Marx écrit dans la préface, si riche en renseignements, qui précède sa Contribution à la critique de l’économie politique (n°30) de 1859 : ‘Quand, au printemps de 1845, il (c’est-à-dire Engels) vint, lui aussi, se domicilier à Bruxelles, nous résolûmes de travailler en commun à dégager le contraste de notre manière de voir avec l’idéologie de la philosophie allemande, en fait de nous mettre en règle avec notre conscience philosophique d’autrefois. Ce dessein fut réalisé sous la forme d’une critique de la philosophie post-hégélienne ». C’est cette critique qui fut intitulée Idéologie allemande.
C’est ainsi qu’entre septembre 1845 et mai 1846, Marx et Engels firent le tri de ce qui était force vivante et poids mort dans l’héritage transmis par la philosophie hégélienne. L’idéologie allemande signifie une étape importante dans l’élaboration du matérialisme dialectique. Engels marqua ce fait en insérant, plus de quarante ans après l’élaboration de l’ouvrage, le passage précité de la préface de Marx à la Contribution, dans l’avant-propos de son Feuerbach de 1888.(…)

La première partie de l’Idéologie allemande : I.Ludwig Feuerbach.
La section : I Feuerbach (t.VI, p.145-é(è) fournit en particulier un matériel précieux pour la connaissance des éléments fondamentaux de la méthode marxiste. Tous les grands thèmes du matérialisme historique s’y trouvent. C’est l’exposé le plus volumineux et le plus complet de leur conception de l’histoire et de la société, que les deux classiques ont laissé, à côté de Ludwig Feuerbach d’Engels (n°11), et cela en dépit de sa forme tout à fait fragmentaire. Engels dit même plus tard à ce propos, en caractérisant en même temps les faiblesses de l’ouvrage :
« (…) J’ai recherché et regardé encore une fois le vieux manuscrit de 1845-1846. Le chapitre sur Feuerbach n’est pas terminé. La partie rédigée consiste en un exposé de la conception matérialiste de l’histoire, qui montre seulement à quel point nos connaissances de l’histoire économique étaient alors encore incomplètes. La critique de la doctrine même de Feuerbach y faisant défaut (…) ».
Le fait que le chapitre n’est ni terminé, ni, dans sa partie élaborée, rédigé définitivement rend la lecture assez ardue. Cependant, elle est indispensable pour arriver à une connaissance approfondie de la pensée marxiste.
La traduction Molitor de cette partie de l’Idéologie est faite sur le texte allemand tel qu’il a été publié par Landshut et J.P. Mayer (1932). Or, ceux-ci lui ont donné une tout autre disposition que l’Institut Marx-Engels dans son Edition historique et critique des Œuvres complètes. Ils s’en sont tenus à la suite des feuilles du manuscrit tel qu’il a été conservé, tandis que l’Institut de Moscou a groupé les fragments, souvent très brefs, sous plusieurs thèmes principaux. CE procédé rend l’ouvrage bien plus intelligible. Il n’est pas arbitraire. Il se base sur les nombreuses notes marginales, etc., que Marx a insérées dans le manuscrit. (…)

La critique de Bruno Bauer, de Max Stirner et du « Vrai socialisme »

Les autres parties de l’ouvrage qui constituent les tomes VII, VIII et IX des Œuvres philosophiques de Marx, éd. Costes, ne sont pas toujours faciles pour le lecteur qui ne connaît pas la philosophie post-hégélienne dans ses représentants Bruno Bauer et surtout Stirner. Marx et Engels exercent une polémique impitoyable et souvent d’une ironie mordante contre ces doctrines qui naquirent de la décomposition de la philosophie hégélienne. En même temps, ils fixent leur propre position philosophique.
Certains passages sont d’une portée plus générale. Nous ne signalons que l’exposé de l’histoire de la bourgeoisie allemande comparée à celle des bourgeoisies française et anglaise (t.VII, p.182-188), excellent exemple de l’application de la méthode historique du marxisme.
La traduction des chapitres sur le Vrai socialisme (t.IX, p.121-255) est d’un intérêt particulier pour le public français. Marx y démolit le socialisme sentimental des « philosophes, semi-philosophes et beaux esprits allemands », socialisme dans lequel « on émascula complètement la littérature socialiste et communiste française » en défendant « non pas de vrais besoins », mais « le besoin du vrai ». Il dévoile la manière dont Karl Grün, « le type classique de cette Ecole », et qui s’appelait le maître en philosophie allemande de Proudhon, plagie et déforme Saint-Simon, Fourier et Cabet.
Ces chapitres de l’Idéologie qu’on a qualifiés d’Anti-Grün se rangent parmi les grandes polémiques par lesquelles Marx et Engels tracent la ligne de démarcation qui sépare le socialisme scientifique des systèmes utopiques ou simplement réformistes. Le chapitre intitulé Le docteur Kuhlmann est composé probablement par Moïse Hess et rédigé par Marx.

Elaboration et publication.

Marx et Engels composèrent l’Idéologie allemande entre septembre 1845 et mai 1846.
Le fragment I Feuerbach fut « écrit à Bruxelles, entre septembre 1845 et la mi-octobre 1846 ». Elle était destinée à sortir avant les deux volumes projetés de la Critique de la politique et de l’économie nationale, dont les manuscrits Economie politique et philosophie de 1844 sont l’ébauche fragmentaire. De même que, plus de trente ans après, Engels abandonnera ses études préférées, les sciences naturelles, pour composer son Anti-Dühring contre un danger imminent menaçant les positions doctrinales de la social-démocratie, Marx laissa de côté, en 1845-1846, ses travaux sur l’économie politique pour se consacrer d’abord, avec Engels, à cette critique de la philosophie post-hégélienne et du Vrai socialisme qui, à leur avis, jetaient le trouble dans les esprits en Allemagne à cette époque.(…) Mais, quelque brûlante que fût l’actualité des problèmes traités à cette époque-là, l’ensemble de l’Idéologie ne parut pas du vivant de Marx et d’Engels. Bien que le manuscrit fût déjà chez l’éditeur, il ne fut pas imprimé pour des raisons sur lesquelles ils n’avaient aucune influence, les financiers de l’impression, deux Westphaliens, partisans du vrai socialisme, l’un commerçant et l’autre propriétaire de forge, s’étant retirés subitement.
« Vous ne croirez jamais, lit-on dans une lettre de Marx, datée du 28 décembre 1846 et adressée au publiciste russe Paul Annenkov, quelles difficultés une telle publication rencontre en Allemagne, d’une part de la police, d’autre part de toutes les tendances que j’attaque. Et quant à notre propre parti, il est non seulement pauvre, mais une grande fraction du parti communiste allemand m’en veut parce que je m’oppose à ses utopies et à ses déclarations ». Dès lors, Marx et Engels se désintéressèrent de l’ouvrage. ‘Le manuscrit, deux forts volumes in-octavo, écrit Marx dans la préface précitée, était depuis longtemps entre les mains de l’éditeur en Westphalie, quand on nous avertit qu’un changement de circonstances mettait obstacle à l’impression. Nous abandonâmes d’autant plus volontiers le manuscrit à la critique rongeuse des souris que nous avions atteint notre but principal, voir clair en nous-mêmes ».
Un seul chapitre de l’Idéologie vit le jour à l’époque même, peut-être celui qui touchait, pour Marx et Engels, le plus directement au mouvement communiste en Allemagne. C’est la critique du livre de Grün sur le mouvement socialiste en France et en Belgique. Il parut dans la revue mensuelle Das Westphälische Dampfboot (Le bateau à vapeur westphalien), Paderborn 1847. En 1896, Peter v.Struve redécouvrit cette partie de l’Idéologie dans la revue qui était tombée dans un oubli total. Il en publia des extraits dans la seconde partie de son article que nous avons cité plus haut. En 1899, Ed. Bernstein publia ce chapitre de l’Idéologie d’après le manuscrit même avec indications des variantes du texte publié par le Westphälische Dampfboot en 1847. (…)
Les circonstances qui ont empêché la publication à l’époque même ne sont pas restées sans conséquences dans l’histoire du marxisme. Un exposé de l’ensemble du matérialisme historique, même fragmentaire, comme le chapitre sur Feuerbach, et provenant de Marx et d’Engels mêmes, a terriblement manqué pendant plus de trois quart de siècle. Marx et Engels, une fois arrivés « à voir clair en eux-mêmes », l’ont laissé dans les tiroirs parce que leur œuvre entière sera la démonstration de la conception dialectique appliquée à l’histoire et à la société. Ils ont eu tort. « Si l’on songe aux controverses sans fin que suscita l’interprétation du matérialisme historique, on déplore que l’Idéologie allemande n’ait pas trouvé d’éditeur en 1846 » (B.Nicolaïevsky et O.Maenchen-Helfen, Biographie de Marx p.91). Les nombreuses lacunes de l’Idéologie sont dues à l’état très défectueux du manuscrit qui, en effet, a subi amplement « la critique rongeuse des souris ».

Un seul chapitre de l’Idéologie vit le jour à l’époque même, peut-être celui qui touchait, pour Marx et Engels, le plus directement au mouvement communiste en Allemagne. C’est la critique du livre de Grün sur le mouvement socialiste en France et en Belgique. Il parut dans la revue mensuelle Das Westphälische Dampfboot (Le bateau à vapeur westphalien), Paderborn 1847. En 1896, Peter v.Struve redécouvrit cette partie de l’Idéologie dans la revue qui était tombée dans un oubli total. Il en publia des extraits dans la seconde partie de son article que nous avons cité plus haut. En 1899, Ed. Bernstein publia ce chapitre de l’Idéologie d’après le manuscrit même avec indications des variantes du texte publié par le Westphälische Dampfboot en 1847. (…)
Les circonstances qui ont empêché la publication à l’époque même ne sont pas restées sans conséquences dans l’histoire du marxisme. Un exposé de l’ensemble du matérialisme historique, même fragmentaire, comme le chapitre sur Feuerbach, et provenant de Marx et d’Engels mêmes, a terriblement manqué pendant plus de trois quart de siècle. Marx et Engels, une fois arrivés « à voir clair en eux-mêmes », l’ont laissé dans les tiroirs parce que leur œuvre entière sera la démonstration de la conception dialectique appliquée à l’histoire et à la société. Ils ont eu tort. « Si l’on songe aux controverses sans fin que suscita l’interprétation du matérialisme historique, on déplore que l’Idéologie allemande n’ait pas trouvé d’éditeur en 1846 » (B.Nicolaïevsky et O.Maenchen-Helfen, Biographie de Marx p.91). Les nombreuses lacunes de l’Idéologie sont dues à l’état très défectueux du manuscrit qui, en effet, a subi amplement « la critique rongeuse des souris ».

LA CRITIQUE MORALISANTE OU LA MORALE CRITIQUE - t.III, p .127-166.

Polémique contre le démocrate Karl Heinzen qui, à plusieurs reprises, et finalement dans un article violent de la Nouvelle Gazette de Bruxelles, avait attaqué le communisme ainsi que Marx et Engels.
La révolution bourgeoise, condition de la révolution ouvrière. Contre l’humanisme de la phraséologie réactionnaire.
Passages sur l’origine du communisme moderne, la propriété et les classes, la décentralisation en tant qu’arme de la réaction (…) Ecrit environ entre le 25 octobre et la seconde moitié du mois de novembre 1847. Publié dans la Neue Rheinische Zeitung (Nouvelle Gazette Rhénane), n°86, 87, 90, 92 et 94, entre le 28 octobre et le 25 novembre 1847.

MISERE DE LA PHILOSOPHIE, REPONSE A LA PHILOSOPHIE DE LA MISERE DE M.PROUDHON. Préface de Fr. Engels.
L’édition comprend trois annexes de Marx : Proudhon jugé par Marx. John Gray et sa théorie des hbons de travail. Discours sur la question du libre-échange. Ed sociales, 1946. Une note de l’éditeur fournit de nombreux renseignements sur l’opposition entre Marx et Proudhon, entre le marxisme et les conceptions proudhoniennes. (…) La Misère de la philosophie fut écrite et publiée en français. Critique du Système des contradictions économiques ou philosophie de la misère de P.-J. Proudhon (1846). Le livre de Marx, appelé souvent et avec raison Anti-Proudhon, par analogie à l’Anti-Dühring d’Engels, marqua la rupture entre Marx et Proudhon.
Aux environs de juillet 1844, au cours de son séjour à Paris, Marx entra en relations personnelles avec Proudhon. Jusqu’à son expulsion par le ministère de l’Intérieur français, il eut de nombreuses discussions avec ce dernier, « souvent prolongées toute la nuit » où il « l’injectait d’hégélianisme - à son grand préjudice, puisque ne sachant pas l’allemand il ne pouvait pas étudier la chose à fond » (Marx en 1865, dans un article à l’occasion de la mort de Proudhon, p.139).
Dans la Miseère de la philosophie, Marx oppose à la pensée de Proudhon la logique du socialisme scientifique nourrie des résultats des travaux des économistes classiques qu’il continue et qu’il dépasse. C’est la conception matérialiste de l’histoire contre la critique sociale moralisante.
C’est le premier ouvrage publié d’économie politique de Marx où il expose en grand la théorie de la valeur. De même que dans le texte primitif de Travail salarié et capital (n°6), la terminologie n’est pas encore parfaite. ‘La langue, dit Engels, en 1884, dans sa préface à la seconde édition de la traduction allemande de la Misère (1885), ne coïncide pas toujours avec celle du Capital. Il y est encore parlé du travail comme marchandise, d’achat et de vente de travail, au lieu de force de travail » (p.26) Un nombre considérable de passages traitent spécialement du matérialisme historique.
Ecrit (en français) entre fin décembre 1846 et le 15 juin 1847. Paru début juillet 1847 à Paris et à Bruxelles. (…) La première traduction complète, en allemand, par Ed. Bernstein et K.Kautsky, parut en 1885, avec une préface d’Engels de 1884, dans laquelle celui-ci appliqua les conclusions de la Misère de la philosophie à la critique du socialisme d’Etat de l’économiste prussien Rodbertus-Jagestzow.

KARL MARX DEVANT LES JURES DE COLOGNE (9 février 1849)

Le 8 février 1849, K.Marx et deux de ses co-rédacteurs à la Nouvelle Gazette Rhénane comparurent devant la cour d’assises de Cologne comme accusés de provocation à la rébellion, pour avoir invité le peuple à refuser les impôts, conformément à la décision de l’Assemblée nationale prussienne, et à appuyer cette mesure par la résistance armée. Ainsi on devait parer aux menaces de coup d’Etat contre-révolutionnaire préparé par la Couronne.
La partie capitale du compte rendu des débats qui forme la première partie du présent volume des Œuvres complètes de Marx, est représentée par le plaidoyer de ce dernier, prononcé devant la cour. Marx y fait aux jurés un cours de matérialisme historique, sur l’exemple de la Prusse de 1848-1849, cours qui est un des documents classiques du marxisme appliqué. Il analyse juridiquement la notion de légalité et ensuite la situe en fonction de l’époque historique des événements, qui oppose « deux sociétés », la vieille société féodale, basée sur l’agriculture, société asservie et groupée autour de la Couronne, et la nouvelle société bourgeoise basée sur l’industrie. Expression de la lutte des classes et de la dialectique de l’histoire, le thème des « deux sociétés » qui se réfère ici à la révolution bourgeoise, réapparaîtra, après la révolution prolétarienne russe de 1917, dans des formules telles que les « deux mondes », les « deux bilans », les « deux systèmes », opposant l’URSS à la société capitaliste.
Le prolétariat, avec ses buts à lui, ne joue aucun rôle dans ce discours de Marx. En Prusse, Etat retardataire d’un demi-siècle en comparaison de la France et de l’Angleterre, son heure n’est pas encore venue. « En face de la vieille société féodale, dit Engels, dans sa préface de 1885 qui précède le rapport, la bourgeoisie et le prolétariat forment à eux deux la société nouvelle et doivent faire cause commune ».
Le discours de Marx est un abrégé de l’histoire des problèmes de la bourgeoisie en lutte, conçu au point de vue marxiste, selon lequel, il est vrai, la classe ouvrière ne tardera pas à se dresser en classe indépendante, derrière la bourgeoisie.
Paru dans la Nouvelle Gazette Rhénane de février 1849>. 1885, réédition avec préface d’Engels (Ed.Costes).

LES REVELATIONS SUR LE PROCES DES COMMUNISTES -

Historique du procès des communistes de Cologne de 1852 et des événements qui le précédèrent. Mise en accusation des procédés iniques dont se servait le gouvernement prussien pour réussir à tout prix, à faire condamner les inculpés, et du jury qui préférait condamner des innocents que discréditer le gouvernement.
Le fameux procès des communistes de Cologne, qui dura du 4 octobre jusqu’au 12 novembre 1852, marque la fin de la première organisation ouvrière internationale qui, d’abord association secrète sous le nom de Ligue des Justes, s’était transformée en 1847 en organisation publique, avait pris le nom de Ligues des communistes, et reçut une telle notoriété par son programme, Le manifeste du parti communiste, de Marx et d’Engels.
En septembre 1850, une scission se produit au sein de la Ligue. Une fraction se sépare de Marx. Ses membres croient pouvoir déclencher une nouvelle révolution sur le continent. Marx et Engels leur reprochent de méconnaître les conditions réelles de la situation.. Car une véritable révolution, dit Engels, « n’est possible que dans les périodes où il y a conflit entre ces deux facteurs, les forces productives modernes et les formes de production bourgeoises » (p.95 sq.). Mais, dit-il plus loin, « la réserve que nous préconisions n’était pas du goût de ces gens ; il fallait essayer de déclencher des révolutions, nous nous y refusâmes de la façon la plus absolue » (P.97). marx et Engels voient clairement que la période révolutionnaire commencée en 1848 est close, et que le prolétariat se trouve dès lors en face d’une longue période de formation et d’organisation. Le « gauchisme » de la fraction dissidente leur paraît une aberration néfaste. En effet, le procès de Cologne est au fond l’histoire de « cet enfantillage de conspirations et de révolutions, également compromettant pour eux (c’est-à-dire la fraction « gauchiste » ) et pour la cause qu’ils servent » (p.226)
Dans l’Epilogue de 1875 qui termine l’ouvrage, Marx n’hésite pas d’autre part à rendre hommage aux réelles qualités de ces anciens adversaires (p.226 sq.).
Pour la connaissance intime des faits et gestes du premier mouvement ouvrier international, de ses gloires et de ses misères, les Révélations sont une source de premier ordre. En même temps, elles contiennent de nombreux passages qui fournissent des précisions sur la stratégie et sur la tactique.
Peu avant leur parution, l’éditeur du livre, Jacques Schabelitz, écrit à Marx (le 11 décembre 1852) : « Je suis convaincu que la brochure fera une sensation énorme, car c’est un chef-d’œuvre. Nous étions quatre personnes, dont deux hommes très compétents et capables de juger, à la première lecture, et nous avons été unanimes dans notre appréciation élogieuse. » Et il ajoute ironiquement : « Certes, c’est un « monument » à la gloire du gouvernement prussien ».
En annexe sont communiquées les Adresses du conseil central de la Ligue des communistes de mars et de juin 1850, circulaires dont Marx et Engels sont les auteurs (p.231-261). Un appendice apporte des extraits des Mémoires du mouchard prussien Guillaume Hirasch (p.207-224) ainsi que de l’Epilogue de Marx (p.225-230) déjà mentionné plus haut et qui fut écrit pour la nouvelle édition des Révélations de 1875.
Pour une seconde réédition, celle de 1885, Engels écrivait sa Contribution à l’histoire de la Ligue des communistes que, traditionnellement, on ajoute aux éditions du Manifeste du parti communiste. Il est recommandé de l’étudier avant de lire les Révélations. Elle conduit jusqu’au seuil du procès même. Dans l’éd. Costes des Révélations, elle est reproduite sous le titre : Quelques mots sur l’histoire de la Ligue des communistes (p.67-100).
Le 25 octobre 1852, Marx écrivit à Engels sur son projet de composer une circulaire lithographiée d’une ou deux feuilles, sur le procès. Le titre en serait : Au public pour l’éclairer. Mais sous la plume ele prit tout de suite le volume d’une brochure. Le 2 décembre, le manuscrit était prêt pour l’impression.
En janvier 1853, les Révélations sortirent des presses, à Bâle, chez J.Schabelitz éd. Le 9 mars, Marx fut informé par l’éditeur de la saisie de 2000 exemplaires des Révélations, confisqués près de la frontière d’où ils auraient dû être transportés vers l’intérieur de l’Allemagne. (…)

MARX - LES LUTTES DE CLASSES EN France (1848-1850) SUIVIES DE : LES JOURNEES DE JUIN 1848 PAR FRIEDRICH ENGELS - Editions sociales, 1946, in-8°, 126 p.

Id. Dans Marx, LES LUTTES DE CLASSES EN France, 1848-1850. LE 18 BRUMAIRE DE LOUIS BONAPARTE. Editions sociales, 1948. Avec avertissement de E.Bottigelli.

Dans son introduction, écrite pour la réédition (1895) de ces quatre articles de Marx, Engels les caractérise avec beaucoup de nuances. Cette série représente, dit-il, « le premier essai de Marx d’expliquer un fragment d’histoire contemporaine au moyen de son mode de conception matérialiste, en partant de la situation économique donnée ». Tandis que « dans le Manifeste communiste, la théorie était appliquée à grands traits à toute l’histoire », il s’agissait ici « au cours d’un développement aussi critique que typique pour l’Europe tout entière, et qui dura plusieurs années, de démontrer l’enchaînement causal interne, c’est-à-dire, dans l’esprit de l’auteur, de réduire les événements politiques aux effets des causes, en dernière analyse, économiques » (p.7).
Comme Engeles le signale dans son Introduction, Marx formule pour la première fois (entre janvier et mars 1850), dans le deuxième chapitre de ses Luttes de classes en France, la revendication prolétarienne de « l’appropriation des moyens de production » par les travailleurs.
Les luttes de classe en France de Marx, son 18 Brumaire de Louis Bonaparte et Révolution et Contre-révolution en Allemagne d’Engels, forment pour ainsi dire un tout auquel s’ajoutent, scènes finales du drame, Karl Marx devant les jurés de Cologne et les Révélations sur le procès des communistes. La campagne constitutionnelle et La guerre des paysans d’Engels font aussi partie des examens analytiques et critiques qui permettent à Marx et Engels de comprendre le sens des événements de 1848 à 1852.
En appendice on trouve sous le titre : Les journées de juin 1848, quatre articles d’Engels, écrits à cette époque et sous le coup des événements.

MARX - LES LUTTES DE CLASSES EN France (1848-1850) SUIVIES DE : LES JOURNEES DE JUIN 1848 PAR FRIEDRICH ENGELS - Editions sociales, 1946, in-8°, 126 p.

Id. Dans Marx, LES LUTTES DE CLASSES EN France, 1848-1850. LE 18 BRUMAIRE DE LOUIS BONAPARTE. Editions sociales, 1948. Avec avertissement de E.Bottigelli.

Dans son introduction, écrite pour la réédition (1895) de ces quatre articles de Marx, Engels les caractérise avec beaucoup de nuances. Cette série représente, dit-il, « le premier essai de Marx d’expliquer un fragment d’histoire contemporaine au moyen de son mode de conception matérialiste, en partant de la situation économique donnée ». Tandis que « dans le Manifeste communiste, la théorie était appliquée à grands traits à toute l’histoire », il s’agissait ici « au cours d’un développement aussi critique que typique pour l’Europe tout entière, et qui dura plusieurs années, de démontrer l’enchaînement causal interne, c’est-à-dire, dans l’esprit de l’auteur, de réduire les événements politiques aux effets des causes, en dernière analyse, économiques » (p.7).
Comme Engels le signale dans son Introduction, Marx formule pour la première fois (entre janvier et mars 1850), dans le deuxième chapitre de ses Luttes de classes en France, la revendication prolétarienne de « l’appropriation des moyens de production » par les travailleurs.
Les luttes de classe en France de Marx, son 18 Brumaire de Louis Bonaparte et Révolution et Contre-révolution en Allemagne d’Engels, forment pour ainsi dire un tout auquel s’ajoutent, scènes finales du drame, Karl Marx devant les jurés de Cologne et les Révélations sur le procès des communistes. La campagne constitutionnelle et La guerre des paysans d’Engels font aussi partie des examens analytiques et critiques qui permettent à Marx et Engels de comprendre le sens des événements de 1848 à 1852.
En appendice on trouve sous le titre : Les journées de juin 1848, quatre articles d’Engels, écrits à cette époque et sous le coup des événements.

L’INTRODUCTION D’ENGELS DE 1895 AUX « LUTTES DE CLASSES EN France »

Cette introduction contribue à l’intelligence de la conception matérialiste de l’Histoire (…) Engels donne ensuite un aperçu de la stratégie et de la tactique de la lutte de classes et du mouvement révolutionnaire. Il y signale les changements profonds qu’elles ont subis depuis 1789 et 1848.
Dans les premières publications du texte de l’Introduction, dans le Vorwärts et dans la Neue Zeit, plusieurs passages furent supprimés que les chefs social-démocrates de l’époque trouvaient en contradiction avec leur conception, fortement réformiste de la lutte ouvrière.
Engels se plaignit amèrement de ces déformations (v. p.7, note 1, les extraits de la lettre d’Engels à Kautsky, et de celle à Paul Lafargue, datées l’une du 1er, l’autre du 3 avril 1895).
Le texte expurgé de l’Introduction devait jouer un grand rôle dans l’histoire du socialisme. Car c’est précisément sur lui que se basa Ed. Bernstein dans sa déclaration d’orctobre 1898 au Congrès de la social-démocratie à Stuttgart, et dans ses Prémisses du socialisme de 1899, manifestations qui marquent le début de ce qu’on appelait la révision du marxisme, et l’apparition dans les partis socialistes du monde de deux courants théoriques et tactiques opposés : révisionisme et marxisme orthodoxe.
Pour se rendre compte de l’importance de la déformation du texte, il faut se rappeler que Bernstein appela le document falsifié le « testament politique » d’Engels, qui aurait ainsi introduit lui-même le révisionisme.
C’est seulement après la révolution d’octobre 1917, en Russie, que le texte intégral de l’Introduction, publié d’après le manuscrit d’Engels vit le jour.
Dans l’édition de 1946, les passages supprimés dans les premières publications sont mis entre crochets, d’après p.8 (note de la rédaction). En réalité, ils ne sont pas tous suffisamment marqués. D’une part, on a mis entre crochets les traductions de textes latins, et de l’autre, plusieurs fois les passages incriminés sont placés entre parenthèses et non entre crochets. (…)

LE STYLE DE MARX ET D’ENGELS

Le rapprochement entre Révolution et contre-révolution en Allemagne (n°41) d’Engels et Les luttes de classes en France (n°27) de Marx s’impose de lui-même. Chacun des deux ouvrages parle des événements de la révolution de 1848. Chacun est imprégné de la conception matérialiste-dialectique de l’Histoire. la manière cependant de conduire la pensée et son expression littéraire sont tellement différentes qu’il semble étonnant qu’on ait laissé passer Révolution et contre-révolution sous le nom de Marx. Le fait s’explique seulement par le silence d’Engels lui-même.
Engels expose la situation des classes, le problème des nationalités et les événements de 1848-1849 comme d’un promontoire élevé d’où l’œil embrasse l’ensemble des mouvements antagonistes. Ils s’étalent devant le lecteur comme un vaste panorama. Chez Marx au contraire, la pensée se fraie son chemin laborieusement à travers des phrases où thèses et antithèses s’opposent en des formules saisissantes. On aboutit à de vastes panoramas, mais après avoir traversé des terrains accidentés parsemés d’éboulis. C’est le dynamisme dialectique érigé en manière d’écrire.
Chez Engels, le drame de l’histoire évolue pour ainsi dire dans l’horizontale, ce qui donne à l’exposé des faits et des événements, quelque fougueux qu’il soit, une sérénité rarement en défaut. Marx est tout autre. On trouve dans son style un mouvement ascendant, avec quelque chose de sombre et de gothique. Cette « âpre mélodie rocheuse », qui a effrayé l’adolescent chez Hegel mais qui est sa mélodie à lui, se poursuit dans toute son œuvre et jusque dans les derniers chapitres du Capital.
Engels nous place devant le résultat de ses recherches. Marx, au contraire, nous contraint à participer à l’élaboration de sa pensée.

MARX - LE 18 BRUMAIRE DE LOUIS-BONAPARTE - Editions sociales, 1946.

L’édition contient en annexe une chronologie des principaux événements qui se sont passés en France entre 1789 et l’avènement du second Empire (p.101-108) ainsi que des notes historiques classées alphabétiquement (p.109-133).
Le 18 Brumaire représente « peut-être le plus brillant des opuscules de Marx » (Franz Mehring). C’est un exemple classique de l’application du matérialisme historique à une situation politique donnée. Au début (chapitre I, premières lignes du deuxième alinéa), Marx brosse une fresque grandiose de l’histoire de la France depuis la grande révolution. Il décrit la situation et le rôle politique du paysan parcellaire français depuis 1789.
Marx composa Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte entre la seconde moitié de décembre 1851 et le 25 mars 1852. Le travail fut donc terminé huit mois avant la proclamation du Second Empire, que Marx prédit à la fin du livre.
Marx écrivit ces sept chapitres pour l’hebdomadaire allemand new-yorkais, La Révolution, fondé par son ami Joseph Weydemeyer. Mais cette publication ne parvint pas à dépasser le second numéro, par manque de fonds. L’édition du 18 Brumaire ne fut possible que grâce à la générosité d’un ouvrier tailleur, qui mit à la disposition de Weydemeyer ses économies : 40 dollars.
Le 18 Brumaire parut ainsi au mois de mai 1852, dans le numéro 1 de Die Revolution, Zeitschrift in zwanglosen Heften (La Révolution, revue paraissant à des époques indéterminées), à New York.
Une édition française parut en 1891 : Le dix-huit Brumaire, etc. Lille, imprimerie ouvrière G.Delory, 1891 (…) En 1900, une nouvelle traduction française parut dans le recueil : Karl Marx, La lutte de classes en France, Le XVIII Brumaire de Louis Bonaparte.

MARX - CONTRIBUTION A LA CRITIQUE DE L’ECONOMIE POLITIQUE - Traduit sur la deuxième édition allemande de Karl Kautsky par Laura Laffargue (Bibliothèque socialiste internationale XI).

LA CONTRIBUTION, PRECURSEUR DU CAPITAL

La Contribution est une préparation directe au Capital dont le livre I ne parut, il est vrai, que huit ans après ; le sous-titre du Capital sera : Critique de l’économie politique. Le premier chapitre du Capital n’offrira qu’un résumé de la Contribution (voir la préface de Marx à la première édition du Capital I, ed. Costes, tome I).
Le 13 octobre 1866, quand le premier livre du Capital approchait de son terme, Marx écrivait à son ami Kugelmann : « J’ai jugé nécessaire de recommencer ab ovo dans le premier livre, c’est-à-dire de résumer dans un chapitre sur la marchandise et l’argent mon premier écrit paru chez Duncker (c’est-à-dire La Contribution). J’estime cela nécessaire, non seulement pour être plus complet, mais parce que même de bonnes têtes ne comprenaient pas tout à fait exactement. Il devait donc y avoir quelque chose de défectueux dans le premier exposé, particulièrement dans l’analyse de la marchandise ».
En effet, les deux chapitres de la Contribution donnent une première analyse de la marchandise d’une part et de la monnaie et de la circulation simple, de l’autre. Ainsi ils correspondent dans l’ensemble - mais résumés et précisés
 - à la première partie du Capital I qui traite de la marchandise et de l’argent. Ils étaient projetés comme subdivisions d’une « première section » intitulée Le Capital en général, mais qui n’a jamais eu de suite, si ce n’est par Le capital, celui-ci composé d’après un plan général, tout à fait différent.

LA PREFACE A LA CONTRIBUTION

La Contribution est précédée d’une préface de Marx (p.1-11) extrêmement précieuse. D’abord parce qu’elle fournit des renseignements sur l’histoire de l’élaboration du marxisme. Nous nous y sommes référés à plusieurs reprises dans cet exposé bibliographique.
Ensuite, parce qu’elle contient le fameux passage sur les rapports entre l’infrastructure et la superstructure de la société, entre la conscience et l’existence, entre les forces productives et les révolutions sociales. C’est le résumé le plus complet du matérialisme historique. La préface est datée de janvier 1859.

Elaboration et publication .

Déjà en 1844, Marx projeta une Critique de l’économie politique. Les manuscrits Economie politique et philosophie faisaient partie de sa préparation. Depuis la fin septembre 1850, donc peu de jours après la scission de la Ligue des communistes et la démission de Marx et d’Engels de l’Association des ouvriers allemands et du Comité des réfugiés de Londres, Marx reprit les travaux préparatoires, en partie au British Museum. Il les continua pendant toute l’année 1851, en remplissant quatorze cahiers d’extraits de la littérature économique. 1852 signifiait une interruption presque totale. Marx était pris, entre autres écrits, par son 18 Brumaire de Louis Bonaparte (décembre 1851-mars 1852), par les Révélations sur le sprocès des communistes de Cologne et par ses articles pour la New York Tribune.
Par surcroît, il était aux prises avec de terribles difficultés matérielles, comme cela lui arriva si souvent ; le 27 février, il écrivait à Engels : « Depuis une semaine j’en suis arrivé à ce stade agréable : mes vêtements étant au mont-de-piété, je ne puis plus sortir, et comme on ne me fait plus crédit, je suis obligé de me passer de viande. »
En janvier 1853, Marx reprit les travaux, pour les interrompre à nouveau plusieurs fois. Ce n’est qu’à partir de janvier 1857 qu’il put reprendre un travail régulier, poursuivi en 1858, dans des circonstances souvent pénibles (Travaux de journalisme qui absorbaient une grande partie de ses forces, pénurie d’argent, maladie du foie, etc.)
Vers la fin de l’année 1857 et au début de l’année suivante, en face de la crise économique de l’automne 1857, dont il suivait fiévreusement le développement , Marx laissa de côté des travaux rémunérateurs pour se consacrer davantage à la Contribution qui lui paraissait une exigence de l’heure. « Je passe des nuits, écrivait-il à Engels, à travailler comme un fou au résumé de mes études économiques ; je voudrais au moins en avoir fini, avant le déluge, avec les éléments fondamentaux ». Dix jours après, il écrivait : « Je travaille énormément, le plus souvent jusqu’à heures du matin. Mon travail est en effet double : 1. Mise au point de mes éléments de l’économie politique (…) 2. La crise actuelle ».
Fin mai, début juin 1858, Marx commença l’élaboration du texte même de sa Critique de l’économie politique. Le 21 janvier 1859, il écrivait à Engels : ‘le malheureux manuscrit est terminé ». Un mois après, le 23 février, il envoya la fameuse préface, datée de janvier 1859, à l’éditeur Franz Duncker à Berlin.
Au mois de juin de la même année, le livre, précurseur direct du capital, sortait des presses à mille exemplaires, sous le titre : Contribution à la critique de l’économie politique, Premier fascicule. De ses deux chapitres : 1. La marchandise ; 2. L’argent ou la circulation simple, la première ébauche de 1857-1858 n’avait compris que le second.
Peu après la parution du livre, Engels écrivit un compte rendu de la Contribution, projeté en trois articles dont deux seulement furent composés. Ils parurent dans l’hebdomadaire allemand londonien Das Volk (Le Peuple), numéros du 6 et du 20 août 1859. Ils sont reproduits dans Marx-Engels, Etudes philosophiques (n°50), p. 73-84.


LE PLAN DE LA « CONTRIBUTION » ET CELUI DU « CAPITAL »

La Contribution, comme nous l’avons indiqué déjà, ne représente que la première partie d’un grand ouvrage. Mais le plan général de ce dernier n’était pas celui sur lequel Marx rédigea plus tard Le Capital.
Le 22 février 1858, Marx communiqua à Lassalle le plan d’ensemble de l’ouvrage qu’il préparait. Il devait comprendre six volumes : 1. Du Capital ; 2. De la propriété foncière ; 3. Du travail salarié ; 4. De l’Etat ; 5. Du commerce international ; 6. Le marché mondial. C’est cet ensemble dont la Contribution est un premier fascicule. Mais dans la suite, ce plan qui figure aussi en tête de la préface à la Contribution sera complètement abandonné - fait d’importance capitale pour l’intelligence de la méthode de Marx et du marxisme, vis-à-vis d’un grand complexe économique et social. Les catégories empririques seront remplacées par les grands phénomènes de mouvement de mode de production capitaliste.
« L’œuvre tout entière (c’est-à-dire Le capital), écrit-il le 13 octobre 1866, à son ami Kugelmann, se divise en effet comme suit : Livre I - Processus de production du capital, Livre II - Processus de circulation du capital. Livre III - Formes de l’ensemble du processus. Livre IV - Contribution à l’histoire de la théorie. »
Ce nouveau plan est à la base de l’architecture du Capital. Les raisons profondes de ce remaniement sont indiquées par Marx dans sa préface de 1872 à la deuxième édition du Livre I du Capital ; « de toute évidence, dit-il, la méthode d’exposition doit se différencier formellement de la méthode de recherche. La recherche doit s’approprier la matière en détail, en analyser les diverses formes de développement et en découvrir la liaison intime ».
C’est ce travail préparatoire et indispensable qui correspond à la disposition indiquée dans la lettre à Lassalle, et au début de la préface de la Contribution.
« Ce n’est qu’après l’accomplissement de ce travail, continue Marx, que l’on peut donner au mouvement réel l’exposition correspondante. Quand on y réussit et que la vie de la matière se reflète dans l’idée, on peut se figurer avoir affaire à une construction a priori. »
Cette remarque de Marx liquide l’objection répandue d’apriorisme non scientifique du Capital. Mais Marx lui-même a fourni un exposé plus détaillé de ces questions de méthode, sous forme d’une

INTRODUCTION (A UNE CRITIQUE DE L’ECONOMIE POLITIQUE).

Depuis la deuxième édition allemande (1907) de la Contribution, on ajoute à cet ouvrage un fragment trouvé dans les papiers laissés par l’auteur : (…)
Malgré son caractère fragmentaire, cette Introduction a presque la même importance que la Préface à la Contribution. Elle donne de pénétrantes analyses et des définitions rigoureuses des catégories fondamentales de l’économie politique. Elle y applique la dialectique hégélienne telle qu’elle a été tranformée par Marx. La troisième partie de l’Introduction (p.332-348) dans son ensemble offre ainsi un grand traité de la méthode de l’économie politique. Elle amplifie la brève observation de Marx dans la préface de 1872 au Capital que nous venons de citer. Au cours de cet exposé, on rencontre (p.34-342) une brillante esquisse du développement historique des catégories simples de valeur d’échange, d’argent et de travail qui, d’après Marx, ne peuvent être comprises, dans leur généralité abstraite, qu’au stade capitaliste de la production.
(…) Le texte manuscrit du fragment se trouve dans un cahier de Marx portant la date du 23 août 1857. IL porte le titre d’Introduction. Les mots ‘à une critique de l’économie politique’ sont ajoutés par Karl Kautsky, qui publia pour la première fois le fragment, dans la Neue Zeit.

HERR VOGT -

Réfutation des calomnies lancées contre Marx par le libéral de gauche Karl Vogt, que Marx accuse d’être un agent de Napoléon III.
Vogt (1817-1895), zoologue, appartint comme député à l’Aseemblée nationale de Francfort, de 1848-1849. Il fut un des trois membres de la Régence de l’Empire à Stuttgart. Après l’échec de la révolution, il se réfugia en Suisse où, depuis 1852, il fut professeur à l’université de Genève.
Les accusations de Marx trouvèrent une preuve éclatante onze ans plus tard, après la chute de l’Empire. « La publication officielle des noms de ceux qui ont reçu directement des subsides de la cassette de Louis Bonaparte révèle que Vogt a touché 40.000 francs en août 1859 », pouvait écrire Marx à son ami Kugelmann, dans une lettre datée du 12 avril 1871.
Dans l’Avertissement précédent le deuxième tome de la Correspondance Marx-Engels publiée par August Bebel et Edward Bernstein (Leipzig, 1913), on lit à propos de Herr Vogt : l’ouvrage,
« contient une masse de documents extrêmement curieux et d’échappées critiques pouvant servir à l’histoire de l’Europe dans la première moitié du XIXe siècle, en général, et à l’histoire de l’émigration de 1848 en particulier. Le livre est, en outre, dans différentes parties, un chef d’œuvre de polémique sarcastique, presque hors de pair pour l’esprit piquant dénotant une lecture étendue. Un certain nombre de gens, dont le jugement ne pouvait, après tout, être indifférent à Marx, furent convaincus aussi bien de la nature calomniatrice des accusations de Vogt que du rôle mercenaire bonapartiste joué par Vogt. »

POUR FACILITER LA LECTURE DE « HERR VOGT »

Le pamphlet de Marx contre Vogt où la grande et la petite histoire s’entremêlent n’est pas toujours facile à comprendre aujourd’hui. Il faut étudier au préalable les Révélations sur le procès des communistes de Cologne de 1852 dont certains personnages et certains faits reviennent ici et sont supposés connus du lecteur ; noter ensuite les points de repère suivants :
1° Le 14 mai 1859, le journal allemand londonien Das Volk (Le Peuple) auquel Marx était lié publia, à l’insu de celui-ci, un article qui accusait Vogt d’entretenir des rapports avec la propagande bonapartiste ;
2° Le 2 juin, Vogt déclara, dans le Handelskourier (Courrier commercial) de Bienne (Suisse), en réponse à cet article qu’il attribuait à Marx, que Marx serait le chef d’une bande de voyous qui faisaient de l’agitation pour extorquer de l’argent, sous menaces, etc. (la « Schwefelbande », la « bande soufrée », les « sulfonari ») ;
3° Le 18 juin, un article anonyme contre Vogt, reproduction d’une feuille volante, dont un journaliste démocrate, Blind, était l’auteur, parut dans le Volk. Le 22 juin, il fut reproduit dans la Gazette générale d’Augsbourg. Vogt répondit par un procès contre ce quotidien.
4° Blind déclara ne pas être l’auteur de la feuille volante, publiée dans le Volk et la Gazette générale d’Augsbourg ;
5° Vogt publia une brochure : Mon procès contre la Gazette d’Augsbourg, Genève, 1859 (en allemand), qui contenait de violentes attaques contre Marx.
Après l’Avant-propos de Marx et les chapitres I et II de Herr Vogt (t.I, p1-45), le chapitre XII (un procès) qui se trouve dans le tome III, p.1-70, lire les chapitres III-X.
Une notice sur la vie et les travaux scientifiques et autres de Karl Vogt se trouve en tête de l’ouvrage de Marx. Elle est composée par le traducteur Molitor et basée sur la biographie de Vogt qui fut écrite par son fils William. Cette notice est totalement insuffisante pour situer le pamphlet de Marx.
Depuis le mois dé février 1860, Marx réunit la documentation pour sa brochure contre Vogt. Le pamphlet, terminé en septembre-octobre, parut la même année à Londres.

ADRESSE INAUGURALE DE L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS (trad. Par Charles Longuet, précédée d’une lettre de Marx à Fr.Engels et suivie du préambule et des statuts de l’Association.)

Comme le Manifeste du Parti communiste, ce document s’adresse au prolétariat international. Mais tandis que le Manifeste définissait la place de la bourgeoisie, du prolétariat et des communistes dans l’ensemble du processus historique, l’Adresse se contente de tracer en quelques lignes caractéristiques, appuyées par des chiffres, la situation du prolétariat contemporain.
Elle est « une espèce de revue des vicissitudes des classes ouvrières depuis 1845 », suivie d’un exposé des deux postes que les travailleurs peuvent inscrire à leur actif à l’époque : la limitation légale des heures de travail en Angleterre par le bill des dix heures, et le mouvement coopératif. Marx ne manque pas de remarquer que ce dernier à lui seul ne suffit pas pour résoudre le problème social. Pour cela il faut « la conquête du pouvoir politique ».
L’Adresse se termine, comme le Manifeste du Parti communiste : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ».
Le Préambule qui, avec les Statuts, est annexé à l’Adresse inaugurale, commence par la célèbre formule : « L’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Ainsi Marx insiste une fois de plus sur la distinction sévère qui, pour le marxisme, sépare le mouvement ouvrier moderne de l’utopisme ancien et de ses héritiers.
La Ière Internationale réunissait dans son sein des éléments hétérogènes : des proudhoniens mutualistes français, des partisans d’Auguste Blanqui, de Fourier, de Cabet, des trade-unionistes anglais, des allemands adhérant au socialisme d’Etat de Lassalle, des Mazzinistes italiens, etc. Mazzini d’ailleurs empêcha la traduction italienne de l’Adresse.
Pour être une formule d’unité, acceptable pour tous ces groupements ouvriers, à tendances diverses et, en général, vagues et contradictoires, l’Adresse part, nous l’avons vu, des faits réels et immédiats et en tire des conclusions qui s’imposent à tous.
On l’a appelée  « un vrai modèle de finesse d’art diplomatique » (cf. Werner Sombart), « un des morceaux classiques du socialisme » (Ed.Dolléans), et Edward Spencer Beesly, professeur d’histoire à l’Université de Londres et un des fondateurs de la Ière Internationale disait « qu’elle était probablement l’exposé le plus puissant et le plus frappant de la cause ouvrière contre la bourgeoisie qu’on ait jamais condensé dans une douzaine de petites pages » (cf. Franz Mehring, Geschichte…).
L’Adresse fut écrite entre le 21 et le 27 octobre 1864, en anglais, et intitulée Address and Provisional Rules of the Working Men’s International Association, London, 1864.
Elle fut traduite en français pour la première fois par Charles Longuet en 1866 (Bruxelles).

LA GUERRE CIVILE EN France, 1871 (La Commune de Paris). Avec introduction d’Engels et lettres de Marx et d’Engels sur la Commune de Paris.


« Je le déclare sans ambages, dit Vogt en prenant le plus sérieusement du monde une attitude de bouffon, je le déclare sans ambages : Quiconque se laisse, de façon quelconque, entraîner à des menées politiques avec Marx et consorts tombe tôt ou tard aux mains de la police ; ces menées sont, dès l’origine, dénoncées à la police secrète, connues, et celle-ci les faits éclore dès que le moment opportun lui semble venu (on dirait que ces menées sont des œufs et que la police est la poule chargée de les faire éclore). Les instigateurs, Marx et Cie, sont naturellement à Londres, impossibles à atteindre (pendant que la police couve les oeufs). Je ne suis pas en peine pour fournir des preuves de ce que j’avance. » (Hauptbuch, p.166-167)
(…)« La dernière « preuve » que Vogt, « jamais embarrassé », donne de mon « entente cordiale » avec la police secrète en général et de « mes relations avec le parti de la Kreuzzeitung en particulier », c’est que ma femme est la sœur de l’ancien ministre prussien M.von Westphalen. Comment parer la lâche feinte du gros et gras Falstaff ? Peut-être le clown pardonnera-t-il à ma femme sa consanguinité avec un ministre prussien, quand il saura qu’elle a, parmi ses parents par agnation, un homme qui eut la tête tranchée sur la place du marché d’Edimbourg pour avoir pris part, comme rebelle aux luttes contre JacquesII. ».
Karl Marx, Herr Vogt.

La Guerre civile en France 1871 se compose de deux Manifestes et d’une Adresse du Conseil général de L’Association Internationale des Travailleurs, connue sous le nom de Ière Internationale, sur les événements entre le début de la guerre franco-allemande de 1870-1871 et la chute de la Commune de Paris. Comme tous les documents du Conseil général, ils sont rédigés par Marx (« c’est un rédacteur admirable », dit Edouard Dolléans).
Analyse d’une situation sociale et politique donnée au moment historique même. Les éléments de tactique et de perspective révolutionnaire qu’elle contient servirent de base à Lénine pour sa conception de la révolution, formulée à la veille d’octobre 1917 dans son Etat et la révolution.
Le Premier Manifeste porte la date du 23 juillet 1870. Il examine la situation créée par la guerre en France et en Allemagne ; d’autre part il définit la position assignée aux ouvriers. « Quels que puissent être les incidents de la guerre (…) le glas de mort du second Empire a déjà sonné à Paris. » Et Marx continue en reprenant une idée de son 18 Brumaire de 1851-1852 : « il finira comme il a commencé, par une parodie » ; l’empire restauré, dit-il dans la phrase suivante, n’était qu’ « une farce féroce » (ibid).
Quant aux Allemands, il s’agit d’ « une guerre de défense, mais qui a mis l’Allemagne dans la nécessité de se défendre ? Qui a permis à Louis Bonaparte de lui faire la guerre ? La Prusse ! C’est Bismarck qui a conspiré avec ce même Louis Bonaparte dans le but d’écraser l’opposition chez soi, et d’annexer l’Allemagne à la dynastie des Hohenzollerns » (ibid).
Les ouvriers allemands ont un devoir historique : « Si la classe ouvrière allemande permet à la guerre actuelle de perdre son caractère strictement défensif et de dégénérer dans une guerre contre le peuple français, victoire ou défaite, ce sera toujours un désastre ».
Le Second Manifeste est daté du 9 septembre, huit jours après Sedan. La guerre de défense, déclara Marx, était terminée par cet événements et par la proclamation de la République à Paris. Mais déjà on mobilisa « la classe moyenne libérale d’Allemagne, avec ses professeurs, ses capitalistes, ses conseillers municipaux et ses gens de plume » (p.28) pour réclamer « le démembrement militaire de la République française » (ibid) et pour fournir ainsi au roi Guillaume le prétexte désiré de renier son manifeste du 11 août à la nation française, manifeste par lequel il avait prétendu vouloir se borner à une guerre strictement défensive. A ces agissements, la classe ouvrière allemande devait opposer, dans son propre intérêt, l’exigence d’ « une paix honorable pour la France », et la « reconnaissance de la République française » (p.31)
La partie militaire du second Manifeste est rédigée sur des indications qu’Engels avait fournies à Marx. Elle démontre que, pour sa sécurité, l’Allemagne n’a aucunement besoin de s’annexer l’Alsace et la Lorraine (p.28-30). Marx semble avoir le pressentiment de la première guerre mondiale quand il dit que la politique de co,quête de Bismarck finira par « jeter la France dans les bras de la Russie » (p.31).

L’Adresse, le troisième document contenu dans ‘La guerre civile en France’, ne fut terminée qu’à la fin du mois de mai, dans des circonstances pénibles. Marx était très malade et souvent incapable de travailler. Quand il lut, le 30 mai 1871, l’Adresse devant le Conseil général de l’Internationale, neuf jours s’étaient écoulés depuis l’entrée des troupes de Versailles dans Paris (21 mai). L’Adresse se divise en quatre chapitres. Les deux premiers traitent des événements qui se déroulèrent autour de la capitulation de Paris, le 28 janvier 1871, et de ceux qui se passèrent dans le Paris de la Commune : exécution des généraux Lecomte et Clément Thomas, massacre de la place Vendôme, etc. Le quatrième traite surtout des mesures prises contre Paris qui finirent par la semaine sanglante.
Marx attaque avec une violence inouïe les hommes du gouvernement national, et surtout Thiers et Jules Favre. Il leur reproche d’avoir livré Paris aux Prussiens parce que la ville :
« ne pouvait se défendre sans armer sa classe ouvrière (…) Mais Paris armé, c’était la révolution armée. Une victoire de Paris sur l’agresseur prussien aurait été une victoire de l’ouvrier français sur le capitaliste français et ses parasites d’Etat. dans ce conflit entre le devoir national et l’intérêt de classe, le gouvernement de la Défense nationale n’hésita pas un instant à se changer en gouvernement de la Défection nationale »(p.35).

Mais c’est le troisième chapitre (p.49-62) qui est la pièce principale de l’Adresse. Au début, la phrase citée expressément dans la préface de 1872 du Manifeste du Parti communiste : « la classe ouvrière ne peut pas simplement mettre la main sur une machine d’Etat toute faite et la manier à ses fins propres », résume l’expérience politique de la Commune, exposée dans ce chapitre, et les conclusions qui en découlent. Hostiles à tout utopisme, Marx et Engels n’avaient donné jusqu’alors aucune indication précise sur les formes de l’organisation du prolétariat en classe dominante réclamée dans le Manifeste. Elles ne pouvaient résulter que de l’expérience pratique, et celle de la Commune en avait fourni les premiers éléments. Marx les découvrit dans la Constitution communale avec ses fonctionnaires pas davantage payés que des ouvriers et toujours révocables , ses conseillers municipaux, choisis par le suffrage universel. Elle « aurait restitué au corps social toutes les forces jusqu’alors absorbées par le parasite d’Etat » (p.54). elle est « la forme enfin trouvée sous laquelle on pouvait réaliser l’émancipation économique du travail ». Marx ajoute que « sans cette dernière condition (c’est-à-dire, en dernière analyse, l’expropriation des grands moyens de production), la Constitution communale eût été une impossibilité et un leurre » (p.55)
Lénine analysa et commenta dans un chapitre entier de ‘L’Etat et la révolution’, cette partie de « La guerre civile". C’est la première ébauche des soviets qui lui apparaît.
Marx ne veut pas que l’on confonde la nouvelle commune avec les communes médiévales, ni que l’on commette l’erreur de la prendre pour « une tentative de rompre en une fédération de petits Etats (…) cette unité des grandes nations qui (…) est maintenant devenu un puissant coefficient de production sociale » (p.54). Il est à noter que, p.50 sq., on trouve un passage remarquable sur l’accroissement du « caractère purement répressif du pouvoir d’Etat », illustré par des exemples historiques allant de 1830 au Second Empire.
La préface d’Engels de 1891 « donne, avec un relief remarquable, un résumé des leçons de la Commune », « enrichies de toute l’expérience de la période de vingt années » (cf.Lénine) qui sépare Engels de l’événement.
La guerre civile en France est le troisième des grands manifestes que Marx et Engels ont laissés. Le Manifeste du parti communiste de 1847-1848 avait clos la première époque aux tendances plus ou moins utopistes du mouvement ouvrier et marqué l’apparition du prolétariat comme classe ayant ses butes à lui. L’Adresse inaugurale de 1864 était un appel au rassemblement des nombreux groupes à orientations diverses qui s’étaient formés depuis dans le but d’émanciper les travailleurs. ‘La guerre civile’ naquit au moment d’une lutte à mort. Mais, malgré la violence du langage, elle - et surtout d’Adresse de mai 1871 - est dominée par un raisonnement froid et lucide qui voit dans les événements les faits essentiels précurseurs de l’organisation future.
Par son sujet même, ‘La guerre civile’ se rattache directement au ’18 Brumaire’ de 1851-1852. L’un marque le début, l’autre l’effondrement du second Empire dont la Commune fut « l’antithèse directe » (p.51) . Et quand Marx écrit que, « pour marquer hautement la nouvelle ère de l’histoire (…) la Commune jeta bas ce colossal symbole de la gloire martiale, la colonne Vendôme » (p.59), on se souvient aussitôt de la phrase particulièrement habituelle du style de Marx, et qui termine le ’18 Brumaire’ : « Mais le jour où le manteau impérial tombera enfin sur les épaules de Louis Bonaparte, la statue d’airain de Napoléon s’écroulera du haut de la colonne Vendôme ».
Il est à noter que ni Marx ni Engels, ni le Conseil général de l’Internationale n’ont eu aucune part dans la préparation et la constitution de la Commune. Mais celle-ci proclamée, Marx et Engels se rangèrent de son côté sans réserve.

CONTRE L’ANARCHISME

Cette petite brochure réunit deux articles de Marx et deux d’Engels, datant de 1873-1874. Comme la ‘Question du logement’ d’Engels, ils font partie de la lutte qui, ouvertement depuis 1869, divisait la Ière Internationale et qui avait amené sa scission en 1872.
L’anarchisme dont, à cette époque, le russe Michel Bakounine était le représentant le plus en vue, correspondait à un stade du mouvement révolutionnaire dans des pays industriellement peu développés. Il prêchait l’abstentionisme en matière politique, une autonomie extrêmement poussée des individus et des petits groupes et exigeait de la révolution l’abolition pure et simple, directe et sans stade intermédiaire, de l’Etat. Ainsi les anarchistes se déclaraient « anti-autoritaires ».
Dans les articles du présent recueil, Marx et Engels réagissent violemment contre ces tendances qui, selon eux, affaiblissent dangereusement le mouvement ouvrier en l’engageant dans la voie de l’utopie. Elles le désagrègent en d’innombrables petits groupes agissant chacun sans cohésion, en face d’un ennemi qui leur oppose la puissance concentrée du capital et un appareil d’Etat centralisé et admirablement organisé.
Dans son article : ‘Les bakounistes au travail’, Engels examine l’action anarchiste à partir de l’exemple des insurrections cantonales d’Espagne, en 1873, dans lesquelles l’Alliance (de la Démocratie sicialiste), organisation conspiratrice de Bakounine, avait joué un rôle décisif. Il en arrive à une condamnation formelle de la « dispersion démesurée et insensée des moyens de lutte révolutionnaires » (p.35)
Dans son article ‘De l’autorité’, il conclut dialectiquement qu’il est « absurde de parler du principe d’autorité comme d’un principe absolument mauvais et du principe d’autonomie comme d’un principe absolument bon »n (p.39 sq). Il constate qu’« une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit » (p.40)
Dans un compte rendu manuscrit sur le livre de Bakounine (L’Etat et l’anarchie), Marx prend l’anarchisme à ses propres contradictions. La présente brochure donne des extraits de ce résumé. Dans « L’Etat et la révolution », Lénine se réfère à « L’indifférence en matière politique » de Marx, premier article du présent recueil, et à « De l’autorité » d’Engels.
L’Indifférence en matière politique, de Marx, écrite en janvier 1873, et De l’autorité d’Engels furent publiés, en italien, dans l’Almanacco Republicano per l’anno 1874, édité par Enrico Bignami, Lodi, 1873. Les manuscrits sont perdus. Le texte publié par l’Institut Marx-Engels-Lénine a mis au point la version « pas toujours très claire » de l’Almanacco italien.
Engels, « Les bakounistes au travail » parut dans le Volksstaat (Etat populaire) social-démocrate de 1873. Dans la précédente édition il est précédé d’une remarque préliminaire de 1894. Le résumé du livre de bakounine date d’environ janvier 1874.

LETTRE SUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DE LA RUSSIE.

Dans Le Mouvement socialiste, 1902, 24 mai. L’original est en français.
Réponse de Marx à un article du populiste russe Mikhaïlovski. Marx n’admet pas qu’on métamorphose la genèse du capitalisme en Europe occidentale, décrite dans Le Capital (tome IV, p.205-275, chap 24 sur l’Accumulation primitive), « en une théorie historico-philosophique de la marche générale, fatalement imposée à tous les peuples quelles que soient les circonstances historiques où ils se trouvent placés », pour arriver au socialisme (p.971)
La réponse date de 1877, au mois de novembre environ. Elle ne fut pas expédiée par Marx. Elle parut dans Nicolas-on, Histoire du développement économique de la Russie, Giard et Brière, 1902 (p.506-509).

ŒUVRES D’ENGELS

CRITIQUE DE L’ECONOMIE NATIONALE - Dans Le Mouvement socialiste, Paris, 1905, 1er-15 août et 1er-15 septembre (IIe série).

Analyse du capitalisme comme mode de production antagonique. Plusieurs des grandes thèses du marxisme sont ébauchées déjà dans ce travail de jeunesse d’Engels. Il pose par exemple le problème de l’utilité et de la valeur. Il constate la division de ce qui sera chez Marx la plus-value, en rente, profit et intérêt. La notion hégélienne de « réparation » lui apparaît partout dans le capitalisme comme opposition entre l’humain et l’économique. Les remarques sur le monopole préludent au passage de Marx dans Misère de la philosophie, et dans sa critique de la théorie de la population de Malthus, Engels arrive déjà à la conclusion que la surpopulation, en régime capitaliste, n’est que relative.
Engels soutient que le communisme, abolition de la propriété privée et de la concurrence, est seul capable de libérer les hommes de l’esclavage que le capital répand partout. Mais les forces qui amèneront cette solution naissent au sein de la société capitaliste même. Fourier, Owen, Sismondi, Proudhon et les économistes anglais ont inspiré ce travail. Il s’y ajoute ce qu’Engels a vu de la misère ouvrière dans l’industrie de Barmen où il a passé son enfance et son adolescence ; à Brême, et à Manchester où il travailla de la fin 1842 à l’été 1844 dans la filature de coton dont son père était l’un des propriétaires.
Tandis que Marx est amené par toute son évolution, depuis sa jeunesse dans la maison de l’avocat Marx son père, et ses études de droit, à appliquer la méthode hégélienne d’abord à la critique de l’Etat et du droit, Engels, par sa vie dans un milieu d’industriels autour desquels grouille une masse de miséreux, est prédisposé à s’attaquer au côté économique du problème social et à introduire la méthode dialectique héritée de Hegel dans l’économie politique.
L’article d’Engels mérite, malgré les imperfections inévitables de la première ébauche d’une grande pensée, le jugement de Marx l’appelant une « géniale esquisse ». A Marx il ouvrit les portes vers un nouveau champ de travail, où il élaborera la plus grande œuvre de sa vie, Le Capital. Car c’est en février 1844 que parurent les Annales franco-allemandes, contenant le travail d’Engels, et en mars, Marx commença à étudier méthodiquement l’économie politique. En août, une première série de manuscrits fragmentaires représente le début de l’énorme effort dont résultera, vingt-trois ans après, le premier livre du Capital. D’ailleurs c’est de la publication de l’article d’Engels que date le début de la correspondance entre les deux hommes, selon le témoignage de Marx.
Ce travail d’Engels parut en février 1844 dans les Annales franco-allemandes sous le titre Esquisse de l’économie nationale. En 1890-1891, la Neue Zeit réédita le texte original allemand.

LA SITUATION DES CLASSES LABORIEUSES EN ANGLETERRE - Trad. Par Bracke (A-M. Desrousseaux) et P.-J. Berthaud 2 vol. in-16.

L’original allemand est intitulé : La situation de la classe laborieuse en Angleterre. Vaste enquête sur la misère en Angleterre de la classe ouvrière, à l’époque du premier essor du capitalisme industriel. C’est par l’observation directe de la vie des masses laborieuses que le jeune Engels arriva au matérialisme historique. Il remarque dans sa préface du 15 mars 1845 que « la situation de la classe ouvrière est la base réelle et le point de départ de tous les mouvements sociaux contemporains ». Par ces mots , il se rendait compte en même temps du rôle du prolétariat dans l’ensemble de la société capitaliste. De nombreux passages du livre expriment cette conception de la vie sociale. Ils démontrent qu’Engels la découvrit indépendamment de Marx. La Situation de la classe laborieuse en Angleterre est un des premiers documents du matérialisme historique.
Le livre est le résultat immédiat des deux années de séjour à Manchester (1842-1844) où Engels travaillait dans la filature de coton Ermen et Engels dont son père était copropriétaire.
Ainsi l’ouvrage d’Engels, nes des observations d’un homme de la pratique, fait sortir, pour la première fois, le socialisme allemand des spéculations désincarnées des littérateurs.
Cette œuvre de jeunesse d’Engels montre encore certaines traces de la tradition des grands utopistes et de la philosophie classique allemande. Dans la préface à la deuxième édition originale, de 1892, Engels fait toutes les réserves nécessaires à ce sujet. Cette préface est de taille. Elle situe le livre dans l’histoire, en le complétant par un tableau brossé à grands traits des changements survenus pendant les quelques quarante-cinq ans écoulés depuis sa parution. Karl Marx exprima à maintes reprises la haute estime dans laquelle il tenait le livre de son ami. Il écrivait par exemple, dans une lettre du 9 avril 1863 :
« Au reste, les affirmations principales de ton livre ont été confirmées jusque dans les détails par la suite des événements depuis 1844. J’ai en effet comparé de nouveau ton ouvrage avec mes notes de la période qui a suivi. Seuls les petits comparses allemands, qui mesurent l’histoire universelle à l’aune et d’après les nouvelles intéressantes chaque fois données par les journaux, peuvent s’imaginer que dans des évolutions de cette envergure, vingt années soient plus qu’un jour, bien qu’il vienne ensuite des jours où se résument des années.
« A relire ton livre, j’ai eu le regret de constater que je vieillis. Avec quelle fraîcheur, quelle passion, quelle prescience ardie, quel mépris des scrupules savnats ou scientifiques tu traites encore la question ! Et l’illusion même que demain ou apr-sdemain le résultat s’avérera dans sa vérité historique, donne à l’ensemble une chaleur, une vie et un allant, auprès de quoi la peinture ultérieure du gris sur gris produit un contraste diablement désagréable. » (correspondance, T.VII p.218)

Dans une note au chapitre VIII du Livre I du Capital, Marx parle de La Situation. Il y est dit que, dans cet ouvrage, « Engels a vraiment pénétré l’esprit du mode de production capitaliste » (T.2 p.91). A propos du livre du narodnik Flerovsky, La Situation de la classe laborieuse en Russie, il écrivait à Engels, le 10 février 1870 : « cet ouvrage est en tout cas le livre le plus important qui ait paru depuis ton écrit sur La Situation des classes (sic) laborieuses » (T.3, p.275) (…)

LA QUESTION POLONAISE DEVANT L’ASSEMBLEE DE FRANCFORT (préface de Jean Longuet, Félix Alcan, 1929)

Articles écrits entre le 7 août et le 6 septembre 1848 dans lesquels Engels défend la Pologne contre ses oppresseurs. Le rétablissement d’un Etat polonais viable est un devoir de la révolution allemande.
Ces articles furent attribués à Marx par erreur. Dans l’exemplaire personnel d’Engels du livre de Georg Adler, L’histoire du premier mouvement ouvrier politique et social en Allemagne, Breslau, 1885, où un passage est tiré de cette série d’articles est cité sous le nom de Marx, Engels a noté en marge : « c’est-à-dire d’Engels ». Ces articles furent publiés dans la Neue Rheinische Zeitung numéros 70 à 96, entre le 9 août et le 7 septembre 1848.

LA CAMPAGNE CONSTITUTIONNELLE EN Allemagne.

Dans La campagne constitutionnelle, Engels décrit l’histoire du soulèvement en Bade et au Palatinat en juin-juillet 1849. Il ne se réfère qu’à ses observations directes. Il avait pris part à l’insurrection comme adjoint du chef militaire.
Recherche des éléments économiques et sociaux qui ont déterminé les événements en dernière instance. Critique de la petite bourgeoisie incapable de décision nette, de l’absence de centralisation du mouvement et de l’indifférence de la population rurale. Engels reproche aux chefs d’avoir omis de gagner les paysans en abolissant les obligations féodales.
On a dit avec raison de cet écrit qu’il est « par son style brillant, par l’observation aiguë et par la hauteur et la grandeur de ses vues, un chef-d’œuvre de prose descriptive allemande » (cf. Gustav Mayer, Engels, Eine Biographie). Ecrit par Engels pour la Nouvelle Gazette Rhénane, revue politique et économique, publiée à Londres sous la direction de Marx, et imprimée à Hambourg, ce périodique succéda à la Nouvelle Gazette Rhénane, quotidien de Cologne, qui avait dû cesser de paraître parce que le gouvernement prussien avait expulsé Marx, son rédacteur en chef.

LA GUERRE DES PAYSANS EN Allemagne.

Etude des facteurs économiques et de l’opposition des classes, qui formaient le fond du soulèvement paysan, à l’époque de la Réforme et du capitalisme primitif. Rôle des paysans dans la révolution sociale.
L’ouvrage appartient aux travaux entreprise par Marx et Engels, après l’échec de la révolution de 1848, pour l’étude des lignes de force qui déterminent les mouvements révolutionnaires en général.
Ecrit en été 1850, publié dans la Nouvelle Gazette Rhénane, revue économique et politique, numéro double, 5-6 novembre 1850.
En 1870, le Volksstaat (L’Etat populaire) de Leipzig, (qui précéda l’oragen de la social-démocratie allemande, le Vorwärts), publia de nouveau La Guerre des paysans. La même année, elle fut rééditée en volume, avec une préface d’Engels, qui contient un passage important sur le petit paysan et l’ouvrier agricole, alliés au prolétariat (…)
Le 31 décembre 1884, Engels écrivit à son ami Sorge à New York : « Je remanie à fond ma Guerre des paysans. Elle est en passe de devenir la clef de voûte de toute l’histoire de l’Allemagne. C’est un gros travail. Mais tous les travaux préliminaires sont terminés ». Cette promesse qui prouve l’importance attribuée par Engels aux paysans dans l’évolution historique ne fut pas tenue. La publication des manuscrits du capital II et III absorba ses forces et son temps, pendant à peu près dix ans.

MARX-ENGELS

REVOLUTION ET CONTRE-REVOLUTION EN Allemagne.

Contrairement à ce qui est indiqué dans le titre, c’est Engels qui en est l’auteur.

CRITIQUE DE L’ECONOMIE NATIONALE - Dans Le Mouvement socialiste, Paris, 1905, 1er-15 août et 1er-15 septembre (IIe série).

Analyse du capitalisme comme mode de production antagonique. Plusieurs des grandes thèses du marxisme sont ébauchées déjà dans ce travail de jeunesse d’Engels. Il pose par exemple le problème de l’utilité et de la valeur. Il constate la division de ce qui sera chez Marx la plus-value, en rente, profit et intérêt. La notion hégélienne de « réparation » lui apparaît partout dans le capitalisme comme opposition entre l’humain et l’économique. Les remarques sur le monopole préludent au passage de Marx dans Misère de la philosophie, et dans sa critique de la théorie de la population de Malthus, Engels arrive déjà à la conclusion que la surpopulation, en régime capitaliste, n’est que relative.
Engels soutient que le communisme, abolition de la propriété privée et de la concurrence, est seul capable de libérer les hommes de l’esclavage que le capital répand partout. Mais les forces qui amèneront cette solution naissent au sein de la société capitaliste même. Fourier, Owen, Sismondi, Proudhon et les économistes anglais ont inspiré ce travail. Il s’y ajoute ce qu’Engels a vu de la misère ouvrière dans l’industrie de Barmen où il a passé son enfance et son adolescence ; à Brême, et à Manchester où il travailla de la fin 1842 à l’été 1844 dans la filature de coton dont son père était l’un des propriétaires.
Tandis que Marx est amené par toute son évolution, depuis sa jeunesse dans la maison de l’avocat Marx son père, et ses études de droit, à appliquer la méthode hégélienne d’abord à la critique de l’Etat et du droit, Engels, par sa vie dans un milieu d’industriels autour desquels grouille une masse de miséreux, est prédisposé à s’attaquer au côté économique du problème social et à introduire la méthode dialectique héritée de Hegel dans l’économie politique.
L’article d’Engels mérite, malgré les imperfections inévitables de la première ébauche d’une grande pensée, le jugement de Marx l’appelant une « géniale esquisse ». A Marx il ouvrit les portes vers un nouveau champ de travail, où il élaborera la plus grande œuvre de sa vie, Le Capital. Car c’est en février 1844 que parurent les Annales franco-allemandes, contenant le travail d’Engels, et en mars, Marx commença à étudier méthodiquement l’économie politique. En août, une première série de manuscrits fragmentaires représente le début de l’énorme effort dont résultera, vingt-trois ans après, le premier livre du Capital. D’ailleurs c’est de la publication de l’article d’Engels que date le début de la correspondance entre les deux hommes, selon le témoignage de Marx.
Ce travail d’Engels parut en février 1844 dans les Annales franco-allemandes sous le titre Esquisse de l’économie nationale. En 1890-1891, la Neue Zeit réédita le texte original allemand.

LA SITUATION DES CLASSES LABORIEUSES EN ANGLETERRE - Trad. Par Bracke (A-M. Desrousseaux) et P.-J. Berthaud 2 vol. in-16.

L’original allemand est intitulé : La situation de la classe laborieuse en Angleterre. Vaste enquête sur la misère en Angleterre de la classe ouvrière, à l’époque du premier essor du capitalisme industriel. C’est par l’observation directe de la vie des masses laborieuses que le jeune Engels arriva au matérialisme historique. Il remarque dans sa préface du 15 mars 1845 que « la situation de la classe ouvrière est la base réelle et le point de départ de tous les mouvements sociaux contemporains ». Par ces mots , il se rendait compte en même temps du rôle du prolétariat dans l’ensemble de la société capitaliste. De nombreux passages du livre expriment cette conception de la vie sociale. Ils démontrent qu’Engels la découvrit indépendamment de Marx. La Situation de la classe laborieuse en Angleterre est un des premiers documents du matérialisme historique.
Le livre est le résultat immédiat des deux années de séjour à Manchester (1842-1844) où Engels travaillait dans la filature de coton Ermen et Engels dont son père était copropriétaire.
Ainsi l’ouvrage d’Engels, des observations d’un homme de la pratique, fait sortir, pour la première fois, le socialisme allemand des spéculations désincarnées des littérateurs.
Cette œuvre de jeunesse d’Engels montre encore certaines traces de la tradition des grands utopistes et de la philosophie classique allemande. Dans la préface à la deuxième édition originale, de 1892, Engels fait toutes les réserves nécessaires à ce sujet. Cette préface est de taille. Elle situe le livre dans l’histoire, en le complétant par un tableau brossé à grands traits des changements survenus pendant les quelques quarante-cinq ans écoulés depuis sa parution. Karl Marx exprima à maintes reprises la haute estime dans laquelle il tenait le livre de son ami. Il écrivait par exemple, dans une lettre du 9 avril 1863 :
« Au reste, les affirmations principales de ton livre ont été confirmées jusque dans les détails par la suite des événements depuis 1844. J’ai en effet comparé de nouveau ton ouvrage avec mes notes de la période qui a suivi. Seuls les petits comparses allemands, qui mesurent l’histoire universelle à l’aune et d’après les nouvelles intéressantes chaque fois données par les journaux, peuvent s’imaginer que dans des évolutions de cette envergure, vingt années soient plus qu’un jour, bien qu’il vienne ensuite des jours où se résument des années.
« A relire ton livre, j’ai eu le regret de constater que je vieillis. Avec quelle fraîcheur, quelle passion, quelle prescience ardie, quel mépris des scrupules savnats ou scientifiques tu traites encore la question ! Et l’illusion même que demain ou apr-sdemain le résultat s’avérera dans sa vérité historique, donne à l’ensemble une chaleur, une vie et un allant, auprès de quoi la peinture ultérieure du gris sur gris produit un contraste diablement désagréable. » (correspondance, T.VII p.218)

Dans une note au chapitre VIII du Livre I du Capital, Marx parle de La Situation. Il y est dit que, dans cet ouvrage, « Engels a vraiment pénétré l’esprit du mode de production capitaliste » (T.2 p.91). A propos du livre du narodnik Flerovsky, La Situation de la classe laborieuse en Russie, il écrivait à Engels, le 10 février 1870 : « cet ouvrage est en tout cas le livre le plus important qui ait paru depuis ton écrit sur La Situation des classes (sic) laborieuses » (T.3, p.275) (…)

LA QUESTION POLONAISE DEVANT L’ASSEMBLEE DE FRANCFORT (préface de Jean Longuet, Félix Alcan, 1929)

Articles écrits entre le 7 août et le 6 septembre 1848 dans lesquels Engels défend la Pologne contre ses oppresseurs. Le rétablissement d’un Etat polonais viable est un devoir de la révolution allemande.
Ces articles furent attribués à Marx par erreur. Dans l’exemplaire personnel d’Engels du livre de Georg Adler, L’histoire du premier mouvement ouvrier politique et social en Allemagne, Breslau, 1885, où un passage est tiré de cette série d’articles est cité sous le nom de Marx, Engels a noté en marge : « c’est-à-dire d’Engels ». Ces articles furent publiés dans la Neue Rheinische Zeitung numéros 70 à 96, entre le 9 août et le 7 septembre 1848.

LA CAMPAGNE CONSTITUTIONNELLE EN Allemagne.

Dans La campagne constitutionnelle, Engels décrit l’histoire du soulèvement en Bade et au Palatinat en juin-juillet 1849. Il ne se réfère qu’à ses observations directes. Il avait pris part à l’insurrection comme adjoint du chef militaire.
Recherche des éléments économiques et sociaux qui ont déterminé les événements en dernière instance. Critique de la petite bourgeoisie incapable de décision nette, de l’absence de centralisation du mouvement et de l’indifférence de la population rurale. Engels reproche aux chefs d’avoir omis de gagner les paysans en abolissant les obligations féodales.
On a dit avec raison de cet écrit qu’il est « par son style brillant, par l’observation aiguë et par la hauteur et la grandeur de ses vues, un chef-d’œuvre de prose descriptive allemande » (cf. Gustav Mayer, Engels, Eine Biographie). Ecrit par Engels pour la Nouvelle Gazette Rhénane, revue politique et économique, publiée à Londres sous la direction de Marx, et imprimée à Hambourg, ce périodique succéda à la Nouvelle Gazette Rhénane, quotidien de Cologne, qui avait dû cesser de paraître parce que le gouvernement prussien avait expulsé Marx, son rédacteur en chef.

LA GUERRE DES PAYSANS EN Allemagne.

Etude des facteurs économiques et de l’opposition des classes, qui formaient le fond du soulèvement paysan, à l’époque de la Réforme et du capitalisme primitif. Rôle des paysans dans la révolution sociale.
L’ouvrage appartient aux travaux entrepris par Marx et Engels, après l’échec de la révolution de 1848, pour l’étude des lignes de force qui déterminent les mouvements révolutionnaires en général.
Ecrit en été 1850, publié dans la Nouvelle Gazette Rhénane, revue économique et politique, numéro double, 5-6 novembre 1850.
En 1870, le Volksstaat (L’Etat populaire) de Leipzig, (qui précéda l’orage de la social-démocratie allemande, le Vorwärts), publia de nouveau La Guerre des paysans. La même année, elle fut rééditée en volume, avec une préface d’Engels, qui contient un passage important sur le petit paysan et l’ouvrier agricole, alliés au prolétariat (…)
Le 31 décembre 1884, Engels écrivit à son ami Sorge à New York : « Je remanie à fond ma Guerre des paysans. Elle est en passe de devenir la clef de voûte de toute l’histoire de l’Allemagne. C’est un gros travail. Mais tous les travaux préliminaires sont terminés ». Cette promesse qui prouve l’importance attribuée par Engels aux paysans dans l’évolution historique ne fut pas tenue. La publication des manuscrits du capital II et III absorba ses forces et son temps, pendant à peu près dix ans.

ENGELS

Notes sur la guerre de 1870-1871. Trad. De l’anglais par Bracke (A.-M. Desrousseaux) - Costes, 1947.

Les 60 articles sur la guerre franco-allemande de 1871-71 écrits par Engels, en anglais, pour la Pall Mall Gazette de Londres, montrent à quel point Engels était au courant des questions militaires.
Dès son jeune âge, il s’était intéressé à celles-ci. Dans sa ‘Campagne constitutionnelle en Allemagne’, écrite en été 1850, il s’efforça d’analyser et de critiquer les mouvements de l’armée insurrectionnelle de Bade, à laquelle il avait appartenu. Dans ‘Révolution et contre-révolution en Allemagne’, il étudia, entre autres, les problèmes militaires de l’époque révolutionnaire de 1848-1849.
On lit dans une lettre à Marx, datée du 3 avril (1851) qu’il « lui plairait assez d’écrire sur la campagne de Hongrie ou de préférence, si possible, sur toutes les campagnes de 1848-1850 ». Dans sa préface aux « Notes sur la guerre de 1871-71 », M.Bracke (A.M. Desrousseaux) communique la lettre du 19 juin 1851 où Engels demande à Joseph Weydemeyer, ancien officier d’artillerie, des conseils pour l’étude systématique des sciences militaires.
L’énorme série des articles qui sont publiés sous le nom de Marx et qui parurent dans le New York Tribune, la Nouvelle Gazette de l’Oder, etc., contient de nombreux exposés des questions militaires de l’époque (guerre de Crimée, etc.) qui sont pour la plupart de la main d’Engels.
En 1859, Engels publia son ouvrage ‘Le Pô et le Rhin’ où il prouva par des arguments militaires, que l’Allemagne n’avait pas besoin des terres italiennes pour sa défense. Le livre parut sous l’anonymat. Il éveilla un intérêt exceptionnel dans les états-majors, il fut discuté à la cour du Prince Frédéric-Charles de Prusse et on supposa dans ces milieux qu’un général en était l’auteur.
En 1860, dans un nouvel ouvrage : ‘La Savoie, Nice et le Rhin’, Engels étudia la position du bonaparatisme au point de vue militaire. Fin 1870, Engels élabora un plan de campagne pour débloquer Paris. Il fut détruit par Bebel et Bernstein après la mort d’Engels. Ils craignaient des complications pour la social-démocratie allemande, s’il devenait public.
L’Anti-Dühring touche aussi le problème militaire. Il offre des indications sur les rapports entre la technique de guerre et l’infrastructure de la société, dans un aperçu condensé de l’histoire de la technique de la guerre, depuis l’avènement des armes à feu (ce texte est reproduit également dans ‘Le rôle de la violence dans l’histoire’).
Quand Engels écrivit ses ‘Notes sur la guerre de 1870-71’, les connaissances acquises en matière de science militaire pendant de longues années d’études méthodiques lui permettaient d’anticiper souvent sur les événements. C’est pourquoi il insista pour que chacun de ces articles fût imprimé sans délai, le jour même où il l’avait terminé.
La traduction de M.Bracke (A.M.Desrousseaux) se distingue par la clarté et l’élégance du langage. Sa préface offre des renseignements intéressants sur les études et les travaux militaires d’Engels. Une lettre de Frédéric Adler, datée du 1er août 1946 et adressée au traducteur, M.Bracke, est reproduite. Elle contient toutes les indications utiles sur l’histoire de la publication des articles d’Engels.(…)

LA QUESTION DU LOGEMENT. Tard. Par Léon Limon, Bureau d’Editions, 1936.

Comme plus tard l’AntiDühring, et auparavant La Sainte Famille (l’« Anti-Bauer ») et la Misère de la philosophie (l’« Anti-Proudhon »), La question du logement expose, au cours d’une polémique, les positions du marxisme. Celle-ci se dresse cette fois contre des tendances proudhoniennes qui s’étaient manifestées dans des articles de l’organe central de la social-démocratie.
Analyse du loyer. Exposé du socialisme scientifique en partant de la théorie de la valeur, opposé à l’anarchisme et au philanthropisme bourgeois. Impossibilité d’une solution définitive du problème du logement dans la société actuelle.
La question du logement appartient à l’époque où la lutte entre Marx et Engels, d’une part, et les anarchistes et Bakounine, d’autre part, était à son comble. L’écrit fait partie de cette discussion passionnée par laquelle l’histoire de la Ière Internationale fut virtuellement close. Les articles qui sont réunis sous le titre de Question du logement parurent dans le Volkstaat (L’Etat populaire) de Leipzig, en juin-juillet et décembre 1872, et en février 1873. Wilhelm Liebknecht les avait demandés à Engels. Ils sont des répliques à une série d’articles publiés dans le même journal par le proudhonien Arthur Mühlberger, ainsi qu’au livre : Les conditions d’habitation des classes laborieuses et leur réforme, Vienne, 1869, du réformiste bourgeois, Emile Sax. En 1887, une nouvelle édition parut en volume, avec une préface d’Engels.

DIALECTIQUE DE LA NATURE.  Trad. Par Denise Naville.

Dans La Revue Internationale, n°1, Paris, décembre 1945. Exposé de l’évolution de la conception de la nature dès la seconde moitié du XVe siècle jusqu’au matérialisme dialectique, confirmé par les découvertes des sciences naturelles du XIXe siècle. L’histoire de l’homme n’est qu’une partie de l’histoire de la nature.
Ces fragments sont le résultat des études dans le domaine des sciences naturelles auxquelles Engels se consacra dans les années 70 et au début de la décade suivante. Dépassés forcément dans de nombreuses questions de détail par les découvertes scientifiques postérieures, ils fournirent, à moins qu’ils ne représentent que de simples extraits de livres consultés par Engels, un exemple de l’application de la méthode marxiste à l’histoire de la nature, qui pour sa part confirme la dialectique.
L’introduction fut écrite en 1878. Elle appartient à un dossier de manuscrits qui datent de 1880 et 1882.
Le texte original fut publié pour la première fois dans le Marx-Engels-Archiv, tome II (Francfort-sur-Mein, 1927) par D.Riazanov. Une deuxième édition parut huit ans après, en 1935, dans le volume spécial, publié pour le 40e anniversaire de la mort de l’auteur, de l’Edition historique et critique des œuvres complètes de Marx et d’Engels.

L’ORIGINE DE LA FAMILLE, DE LA PROPRIETE PRIVEE ET DE L’ETAT. Trad . par Bracke.

L’ouvrage résume les conclusions que Marx et Engels ont tirées du livre de Lewis H.Morgan, ‘La société primitive’ (Londres, 1877). Sa valeur ne réside pas dans les détails qui, entre temps, ont été en partie dépassés par les nouveaux résultats des recherches préhistoriques et ethnographiques. Elle est dans la théorie générale, abondamment commentée ici, des rapports du développement des forces productives avec les formes de la vie sociale en général, et avec l’Etat en particulier.
‘L’origine de la famille’ est un des grands textes de la conception dialectique-matérialiste de l’histoire. Pages VIII-X (préface de la première édition), on en trouve un résumé qui est non moins important que celui qu’en donne Marx dans sa préface de 1859 à la « Contribution à la critique de l’économie politique ». Ce dernier ouvrage définit le matérialisme historique surtout en ce qui concerne : 1° le rapport entre la conscience et l’existence sociale, et 2° le rapport entre les classes antagonistes. Engels le définit en se référant au développement historique de la société de classes et de l’Etat, sortis tous deux des sociétés fondées sur le sang, par suite de l’accroissement de la productivité du travail, amenant la propriété privée. Propriété privée et Etat ne sont pas éternels ; ils appartiennent à des modes de production déterminés et disparaîtront avec ceux-ci. Ce passage résume l’essentiel du livre d’Engels, à compléter par L’Anti-Dühring, t.III, p.46 sq., où Engels donne la définition devenue classique du dépérissement de l’Etat. P. 223-229 de L’origine de la famille donnent la définition la plus serrée de l’Etat et de son rôle dans la société qui existe dans les œuvre sde Marx et d’Engels. Elle a servi de base à Lénine pour son action révolutionnaire. Dans son livre, L’Etat et la révolution, p.13-éè, le chapitre 1er est consacré à son interprétation.
Paru en 1884 (Stuttgart, J.H.W. Dietz). En 1891, l’ouvrage en est à sa quatrième édition, faite après « une sérieuse révision du texte entier » (p.XII, préface) par Engels et complétée « d’une série d’additions permettant, j’espère, de tenir le compte qu’il faut de l’état actuel de la science » (ibid).
Une première édition de l’ouvrage en français parut en 1893 : L’origine de la Famille, de la propriété privée et de l’Etat. Traduction par Henri Ravé. Georges Carré, éditeur, 1893.
La même année paraît : « Barbarie et civilisation », Extrait de l’ «  Evolution de la propriété, de l’Etat et de la famille », par Frédéric Engels.

Socialisme des juristes Trad. Par Léon Rémy, dans Le mouvement socialiste, 1904, 15 janvier (n°134).
Ce travail fut terminé par Karl Kautsky, Engels malade n’ayant pu l’achever. Critique du socialisme de l’autrichien Anton Menger. Ce socialisme se résumait dans la revendication de trois « droits fondamentaux » : le droit au produit intégral du travail, le droit à l’existence, le droit au travail. Texte original publié dans la Neue Zeit (1887), p.49-62 (anonyme). Kautsky signale sa collaboration accidentelle.

LA QUESTION AGRAIRE ET LE SOCIALISME. Critique du programme agraire du « Parti Ouvrier Français ». Dans Le mouvement socialiste, revue bi-mensuelle internationale, n°43 et 44, du 1er et du 15 octobre 1900.
La question agraire se range dans la série d’ouvrages sur la stratégie et la tactique qu’ont laissée Marx et Engels. Elle fait suite aux analyses critiques des programmes du parti de 1875 et de 1891. C’est le programme agraire adopté en 1894 par le Congrès du parti ouvrier français, qui fait ici l’objet de l’examen d’Engels. Il lui fournit l’occasion d’exposer les grandes lignes des idées directrices sur la position du marxisme vis-à-vis des paysans, idées qui découlent logiquement des conditions économiques et de la stratification des classes dans les campagnes. Celle-ci reçoit son caractère spécial par l’existence, entre le prolétariat des ouvriers agricoles et les grands et moyens propriétaires fonciers, de la classe intermédiaire des petits paysans. Exposés sans défense au fisc, au créancier, à la concurrence de la grosse propriété, ils vivent dans des conditions souvent plus pénibles que celles de l’ouvrier. Sans être prolétaires, ils sont toujours menacés de tomber dans le prolétariat. Ces faits doivent déterminer la stratégie et la tactique marxistes dans les campagnes. Elles se résument en propagande pour la création d’exploitations coopératives et dans la déclaration formelle que les socialistes, en possession du pouvoir, ne pourront pas « songer à exproprier les petits paysans (que ce soit avec ou sans indemnité), comme nous serons obligés d’agir envers les grands agriculteurs ». Engels attribue tant d’importance à cette dernière affirmation qu’il la répète deux pages après : « nous n’attaquerons pas contre leur volonté (c’est-à-dire contre celle des petits paysans), à l’aide de force brutale, leurs conditions de propriété ».
La Critique du programme agraire du Parti ouvrier français est l’exposé le plus complet de la stratégie et de la tactique marxistes dans les campagnes qui se trouve dans l’œuvre de Marx et d’Engels. Ecrit l’année qui précède la mort d’Engels, il est comme son testament sur la question paysanne. Il conduit directement à la politique agraire pratiquée par Lénine.
Le manuscrit fut envoyé par Engels à Karl Kautsky le 22 novembre 1894. Il parut dans la Neue Zeit, XIII (1894-1895), t.I, sous le titre La question agraire en France et en Allemagne. A cette époque, la social-démocratie allemande commença à s’occuper du problème paysan. Pour appuyer certaines tendances opportunistes, on se référa au programme du congrès du Parti ouvrier français de Nantes et on prétendit qu’il avait reçu l’assentiment d’Engels. Sa Critique est une protestation contre les tendances opportunistes du programme de Nantes et de la social-démocratie allemande. La traduction parue au Mouvement socialiste d’octobre 1900 est la première publication du texte en français.

CORRESPONDANCES MARX-ENGELS - publiée par A.Bebel et Ed. Bernstein.

La correspondance n’est pas seulement un document biographique et un instrument indisprensable pour celui qui étudie l’histoire de la pensée marxiste. Elle est en même temps un commentaire précieux de l’œuvre de deux classiques. Elle permet au lecteur de suivre, pas à pas, à partir de 1844, l’élaboration de la plupart de leurs ouvrages, de leurs projets, de leur action politique. Elle met à nu l’atroce misère matérielle de Marx et de sa famille ; elle érige en même temps un monument à la profonde amitié des deux hommes, qui dura quarante ans.
Par suite du contact étroit qui liait Marx et Engels aux événements de leur époque et de leurs relations avec de nombreuses personnalités de la vie publique du temps, elle est aussi un recueil inépuisable de documentation pour l’histoire en général et pour celle du mouvement ouvrier et du socialisme en particulier.
Pour caractériser la portée humaine et historique de cette correspondance, nous laissons la parole à un auteur qui par ses conceptions philosophiques et politiques était plutôt un adversaire de Marx et du marxisme, ce qui apparaît d’ailleurs dans certains passages du texte que nous allons citer. Dans un article paru en février 1914, à l’occasion de la première publication des lettres échangées entre Marx et Engels, Herm. Oncken écrit, sous l’impression fraîche de la lecture de la correspondance :
« La matière englobée par cette correspondance est immense, d’une richesse déconcertante et n’offrant d’unité qu’en dernière synthèse. Il y a là de l’humain et du trop humain, et pourtant deux vies dévorées par les aspirations les plus universelles de l’humanité. On est toujours transporté des sphères les plus intimes du foyer aux cadres les plus vastes de la politique et de l’économie internationales ; les potins et les disputes de la vie quotidienne alternent avec les spéculations philosophiques profondes et l’intelligence de la réalité économique.
« Diplomatie et guerres de toutes les nations, les affaires internes de la politique anglaise et, vue à une certaine distance, la marche de l’évolution en Allemagne pendant les années de l’unification nationale ; naissances et scission de partis au cours de luttes incessantes, depuis la formation de groupes communistes d’avant les journées de mars 1848 jusqu’à la fondation de l’Internationale en 1864 ; gazettes, brochures, résolutions, livres bleus et rapports parlementaires, une guérilla d’une mesquinerie épuisante, mais toujours embrassant tous les peuples, de la Russie à l’Amérique : quel monde défile devant nous ; quel nombre d’hommes, les uns célèbres, les autres sans nom !
‘Mais c’est l’immense effort intellectuel de Karl Marx qui constitue la toile de fond de tout cela ; Adam Smith et Ricardo, Carey et Proudhon, Lassalle et Dühring se relaient. Tout ce chantier d’où est sorti Le capital s’ouvre devant nous. Mais la capacité d’assimilation de cet homme dépasse de loin l’économie politique. Engels disait un jour à un ami, en parlant de cette première visite au British Museum où il amena Marx : « Il se remplissait avec la passion d’un serpent insatiable. » Et dans cette correspondance nous voyons le « boa » au travail pendant des dizaines d’années, en ce lieu d’étude incomparable. On peut juger de l’effort intellectuel fourni en temps normal, à la lecture de ce que Marx a écrit un jour à propos de quelques semaine sde maladie sérieuse : « Pendant ce temps où j’étais tout à fait incapable de travailler, j’ai lu la Physiologie de Carpenter, et celle de Lord, l’Histologie de Kölliker, l’Anatomie du cerveau et du système nerveux de Sporzheim, la Question des cellules de Schwann et de Scheider. »
‘Il est certain qu’ici aussi l’impression de la quantité énorme et parfois de l’absence de choix prévaut ; les limites qui séparent le dilettantisme de l’esprit scientifique se confondent chez les deux hommes (Marx et Engels), mais, en dernier lieu, tout sert à une nouvelle conception du monde et vient se ranger à sa place. Et voilà ce qui apparaît en dernière analyse :
‘Quel que soit le jugement que nous portions sur ces hommes, sur leurs idées, leurs faits ou gestes, nous qui nous trouvions dans un Etat et dans une société que nous voulons maintenir et qu’eux combattent, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître qu’une part de leurs illusions et de leurs aspirations est devenue une réalité vivante. Nous nous trouvons (en lisant cette correspondance) dans la forge de Vulcain ; les outils s’amoncellent dans un désordre sauvage : vapeur, fumée et poussière troublent les yeux, il se fait un bruit infernal, des étincelles jaillissent de l’enclume, mais on fabrique une arme fine qui apporte la vie et la mort. C’est un lieu où se forge l’histoire. »

Mais cette grande œuvre a coûté à Marx des dizaines d’années de misère. D’innombrables passages de la Correspondance en sont le reflet bouleversant :

‘Que l’on considère la série d’amertumes dont il a payé l’œuvre de sa vie ; que l’on se souvienne surtout des soucis de la décade où il habita à Deen Street, Soho Square, qui lors du choléra de 1854 était le centre du foyer de contagion ; qu’on se souvienne des scènes qui le montrent dans l’impossibilité de faire un article pour la New York Tribune, « parce que, comme il l’écrit, je n’avais pas le penny nécessaire pour aller lire les journaux » ; or, une autre fois, il fut dans l’obligation de mettre son veston au Mont-de-piété pour acheter du papier à écrire. Le jour de l’enterrement de son unique fils, dont il ne surmonta jamais la mort, il devait courir ches des Français voisins pour emprunter l’argent nécessaire pour payer les frais des funérailles ; en outre, il est pressé sans cesse par les créanciers, propriétaire, boucher, boulanger, qui, parfois, refusnet toute fourniture, de sorte que la famille est contrainte de se nourrir à la manière prolétarienne de pommes de terre tandis que la mont-de-piété, la moins économique de toutes les institutions, dévore une grande partie de son gain. Les dettes et les lettres de change se suivent.
‘L’épouse de Marx, sœur du ministre de l’Intérieur de Prusse, obligée d’écrire des lettres de quémandeur derrière le dos de son mari, souffre atrocement de tout cela et elle ne lui ménage pas les reproches et les plaintes. A cela s’ajoutent les maladies qui ont fini par ébranler et user avant le temps même la forte nature de Marx. Toute cette vie au jour le jour se prolonge pendant des dizaines d’années, et elle est complètement déprimante à cause de cette durée sans fin. Mars se refuse à toute faiblesse larmoyante, mais un jour cependant il poussera ce cri : « Mieux vaudrait être à cent pieds sous terre ! Pour moi, personnellement, je me débarrasse de la misère par mon travail, en m'occupant d'études d'une portée générale. Evidemment, ma femme n'a pas les mêmes ressources ». Et dix ans plus tard il écrit, avec une ironie amère envers lui-même : « Dans quelques jours, j"aurai cinquante ans. Si ce lieutenant prussien te disait : « Déjà vingt ans de service et toujours lieutenant », je peux dire moi : « Un demi-siècle sur le dos, et toujours miséreux. »
‘La compensation aux misères du foyer de Marx était l’esprit de sacrifice d’Engels qui ne se dérobait jamais. A chaque demande, il répondait par un envoi d’argent. Il envoyait ce dont il pouvait se passer, au début partageant le peu qu’il avait, plus tard faisant des efforts toujours plus élevés. Lorsqu’il n’envoyait que peu, il expédiait à Londres au moins une corbeille remplie de bouteilles de vin rouge ou de porto (recette de famille par laquelle les médecins anglais eux-mêmes traitaient toutes les maladies) ; il participait de cœur à tous les soucis : il donnait dans la forme et dans l’esprit les plus nobles. Si grand que fût le désir d’Engels de sortir de « ce chien de commerce » et de vivre entièrement suivant ses penchants (parmi lesquels sa préférence pour les sciences naturelles, la linguistique, les questions militaires), il y demeurait seulement pour Marx et les siens ; il ne fût tranquille que le jour où il pût faire de ses subventions un système régulier et enfin en 1865 (erreur d’Oncken - il faut écrire 1869) il quitta l’affaire dans des conditions telles que l’indemnité qu’on lui garantit lui permit de verser à Marx 350 livres par an (somme qu’il dépassa plus tard de loin). En se plaçant à un point de vue extérieur et purement matériel, on peut dire qu’une fortune a pris le chemin de Manchester à Londres. Ceux qui, dans le communisme, ne voient que la communauté grossière des biens sont obligés d’admettre que ces communistes l’ont vraiment exercée entre eux. »

La traduction française de la Correspondance n’est pas terminée. Elle comprend jusqu’à maintenant les années 1844 à 1867. Elle va du début de l’amitié de Marx et d’Engels jusqu’à la parution du Capital, Livre I. Il y manque donc 16 années, de 1868 à la mort de Marx, le 14 mars 1883.
Elle est faite sur l’édition allemande, publiée en 1913 par Auguste Bebel et Edouard Bernstein, édition qui contient elle-même de nombreuses lacunes. Pour les années de 1844 à 1867, pas moins de 127 lettres font défaut. Ainsi la traduction de Molitor ne fournit que 953 pièces sur les 1088 de l’édition complète (1844-1867), publiée par l’Institut Marx-Engels à Moscou.
Par surcroît, Ed. Bernstein supprima, dans l’édition de 1913, de nombreux passages, souvent importants, dont il jugeait la publication peu opportune. Ainsi n’y figurent pas des propos d’Engels, assez durs parfois, il est vrai, sur ses rapports avec son père, et plusieurs des passages où Marx parle de ses difficultés financières. Certaines remarques, choquantes pour le patriotisme allemand, quelques observations déplaisantes sur les ouvriers ont disparu chez Bernstein. Des passages où Marx et Engels s’expriment d’une manière violente sur des tierces personnes, des expressions brutales, sont supprimés ou adoucis.
L’historien est donc obligé de remonter au texte original publié par Moscou. Cela n’enlève rien au mérite de la traduction Molitor, la seule qui existe (tait) en français. Elle est suffisante pour permettre de connaître le climat dans lequel a grandi l’œuvre des deux hommes, de 1844 à 1867.
En tête des tomes I, II, IV et VII de l’édition Costes se trouvent les avertissements empruntés à l’édition du texte allemand par Bebel et Bernstein. Ils sont très utiles à lire, non comme commentaires mais comme introductions générales qui communiquent quelques notions indispensables à l’intelligence de la correspondance.
Chacun des neuf volumes qui ont paru jusqu’ici contient, sur des planches hors-texte, quatre portraits de personnages historiques qui apparaissent dans les lettres de Marx et d’Engels. (…)

FIN

























[1] Henri Desroche (né Desroches) (12 novembre 1914 à Roanne - 1er juin 1994) est un sociologue, un philosophe et un théologien français. Issu d'une famille d'ouvriers d'ascendance paysanne (son père d'abord métayer fut ensuite employé dans une tannerie roannaise), il passe une partie de sa scolarité dans sa ville natale puis il va parfaire des études théologiques au couvent dominicain de Chambéry. Il est admis dans l'Ordre dominicain à Angers le 3 octobre 1934 et y est ordonné prêtre en juillet 1936. Mobilisé durant la période de guerre de 1939-1940, il fait la campagne Flandres-Dunkerque. Il reprend ses études après l'armistice au studium du Saulchoir à Paris. À partir de 1942, Desroches se rapproche du groupe Économie et humanisme fondé par Louis-Joseph Lebret à Écully, qui anime un centre d'études. En 1943, il suit la communauté de travail Boimondau à Valence (département de la Drôme, aujourd'hui en région Rhône-Alpes) dont les chefs de file sont Marcel Mermoz et Marcel Barbu. C'est en 1949 qu'Henri Desroches, publie Signification du marxisme (sous le nom religieux d'Henri-Charles Desroches), ouvrage qui sera condamné par la hiérarchie de l'Église catholique. Desroches quitte l'ordre des Dominicains en 1950 et démissionne d'Économie et humanisme. Henri Desroches, qui signe désormais Desroche, a été un des premiers à utiliser les histoires de vie pour construire des projets de formation.