PAGES PROLETARIENNES

jeudi 6 octobre 2011

LE PS A LA RECONQUETE PRIMAIRE DES COUCHES MOYENNES


Inédit le processus de vote des « primaires » ? Pas vrai. Le NPA décrépi l’avait déjà fait concernant la privatisation de la poste. C’est une mise en bouche républicaine. On pousse bien les sportifs à s’échauffer avant leur match. Et puis tout le monde, des pans de la droite au pans de la gauche, semble si ravi du succès des trois « loft politique » avec ces si concurrents notables, pardon notables en compétition. C’est si beau, contrairement aux mauvaises langues de droite, les lofteurs ne se sont pas étripés malgré quelques piques saillantes pour émoustiller les commentateurs journalistes voyeurs.

Sur BFM, le troisième épisode n’apporta rien de nouveau : le challenger favori Hollande fut légèrement griffé par ses deux principales colistières Aubry et Royal, Valls tint le rôle du droitier, Montebourg le rôle du gauchiste de service et papy Baylet l’éternelle cinquième roue du carrosse de la gauche bobard. Récitant chacun leur leçon dans un temps imparti millimétré, qui symbolise bien la bêtise démocratique, comme si l’égalité du temps de parole donnait le même poids aux arguments de chacun, ils délivrèrent tous le même message : la volonté du PS de reconquérir les couches moyennes : cirage de pompes garanti et inlassable pour les PME et les fonctionnaires (surtout enseignants). Accessoirement le clivage qui marqua ce débat entre notabilités bourgeoises complices tourna autour du serpent de mer : toujours plus ou moins d’Etat pour fesser les vilains agioteurs et exalter le slogan gauchiste utopique » aucun licenciement ». L’audacieuse rombière Royal éructa son chant du cygne mais malgré le frétillement de ses adeptes hors studio, et les interrogatoires post festum des compétiteurs en nage par R.Elkrief la rieuse, tout respirait l’émission de télé-irréalité. La gauchisation du PS fait pitié, Royal se prend pour Arlette, et Montebourg imite Besancenot. Les autres s'adressent à l'électorat bobo-centriste, mais il y en a pour toutes les couches.

L’électorat plouc ne fut pas oublié dans la propagande téléconsensuelle. En ciblant sur le manque de médecins « dans nos terres », Montebourg fît un appel vibrant et très khmer rouge, à l’envoi de cohorte de toubibs jeunes pour les empêcher de se jeter sur les fortunes de la côte d’azur, et profiter de cette médecine de classe arriviste et avide de pognon qui est la marque de fabrique de la société actuelle dans tous les domaines. Un appel sans doute insuffisant et irréaliste pour rallier l’électorat campagnard scotché depuis toujours au gaullisme.

L’électorat féminin fût courtisé par tous à propos de la retraite, avec des arguments très démagogiques : la retraite à toutes les femmes indépendamment de leur déroulement de carrière, même pour la bourgeoise qu’a jamais bossé, qui est larguée à 50 balais et se retrouve caissière au supermarché ? Qui va payer ? Nos notables s’en fichent puisqu’ils savent qu’ils n’ont aucune chance…

Les retraités ? Ils s’en sont franchement moqué. Sous l’emphase contre l’injuste réforme Fillon, c’est du cas par cas et le gagnant du lot (Hollande) ne cache pas en catimini qu’il n’est pas question pour la bourgeoisie française de remettre en cause la retraite à 62 ans. Il faut reconnaître un bon point à ces challengers anti-sarko, ils ont bien dénoncé la fable des 67 en Allemagne.

Marginalement, sans véritable espoir de reconquête des « ouvriers » un clin d’œil leur était destiné. Effets de manche misérabiliste de Montebourg concernant une vague catégorie – les ouvriers au pénible métier – repris en écho par les autres (cf. regagner l’électorat des pue la sueur) et de pleurer sur ces ouvriers qui meurent 5 à 7 ans avant les cadres. Malheureusement les ouvriers qui votent encore (bien qu’ils aient diminué) votent et voteront Sarko et Marine Le Pen ; et d’autant plus que le parti gauche caviar a joué le refrain « banlieue rose » alors qu’on y subit la montée de l’intégrisme musulman et que le décor s’apparente de plus en plus aux rues d’Alger ou de Tunis.

Les banlieues ! Aïe. Ségolène Royal prétendit s'appuyer sur l'esprit d'entreprise pour faire décoller les cités, l’esprit d’entreprise franchouillard consiste justement à écarter des noms à consonance étrangère à la catholicité... Questionnés sur le rapport de Gilles Keppel et Cie sur les banlieues, les challengers du loft socialiste sont restés étonnamment soft, laissant le petit pic vert Valls parler vaguement un peu de sécuritaire et les yeux exorbités du respect de la loi. C’est sur ce point que le PS perdra encore face à Sarko et au FN. Le langage angélique inntercommunautaire ne passe plus, quand bien même nos notables arsouilles promettent des profs améliorés et des flics copains.

Mais plus dérisoire que leur bla-bla politique angélique pour une France clean, renationalisée et syndicalisée autant que possible, restait la question lancinante qui fait rire la droite : et le financement, qui va payer ? Ils ont bien avancés chacun et chacune des chiffres abstraits dont le plus comique est celui qui vise à piller les riches dans leurs niches fiscales, taxer les banques toxiques. A moins que l’avocat Montebourg use vraiment à dessein du terme révolution, les riches n’ont aucune raison de s’inquiéter, Hollande sera là pour tempérer si par accident la droite perdait le crachoir.

LE PLUS IMPORTANT EST DE PARTICIPER

Le clou du spectacle reste donc la mise en scène de cette « primaire » (car il y aura une secondaire : l’auto-désignation par la bourgeoisie du gagnant). Vous êtes une merde si vous n’y participez point. Trois conditions il faut remplir pour participer au scrutin : être inscrit sur les listes électorales, payer une cotisation d'un euro minimum et "signer, en forme d’émargement, une déclaration sur l’honneur d’adhésion aux valeurs de la gauche, exprimées sous forme de texte publié par les partis co-organisateurs, ou si la forme paraît trop lourde un engagement de soutien au vainqueur de la primaire". Parce qu’on s’adresse à nombre d’illettrés avec cette « charte d'adhésion aux valeurs de la gauche" qu’ils devront signer dans les bureaux de vote, les 9 et 16 octobre, s'ils veulent participer à la désignation du candidat commun du Parti socialiste et du Parti radical de gauche à la présidentielle de 2012. D’ailleurs un conseiller arabe du secrétaire par intérim Désir a contribué à réduire le texte de la charte (il ne nous précise pas si elle existe en version arabe) :"Notre souci était de faire le plus simple et le plus synthétique possible afin que la lecture du texte ne soit pas rédhibitoire pour les électeurs les moins favorisés", explique Mehdi Ouraoui, conseiller politique de M. Désir. Cette charte, la voici. Elle tient en une phrase : "Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République, dans le projet d'une société de liberté, d'égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire."

Simple non ?

La primaire fait du bien au PS dans la mesure où elle transforme la désignation de son candidat à la présidentielle en un événement de politique nationale. Ce qui peut assurer au candidat qui sera désigné une dynamique pour la campagne présidentielle elle-même. En même temps, si cette procédure dépossède le parti et ses militants d'une de leurs principales prérogatives mais en leur permettant de... gagner des adhérents malgré eux : 9 600 bureaux de vote, 33 millions de bulletins imprimés, des dizaines de milliers de volontaires engagés... l'opération est d’une ampleur inédite pour un parti politique, mais quel renouveau de praticiens imaginatifs !

Ouverte à tous les citoyens inscrits sur les listes électorales, la primaire intéresse beaucoup les militants d’extrême gauche et les écologistes qui devraient se déplacer pour choisir leur candidat de “second tour". Mais cet électorat motivé ne saurait être qualifié d’entriste, puisqu’il appartient à la grande famille de la gauche. Et ces quelques dizaines de milliers de voix ne devraient guère influencer le résultat si la participation est massive.

Une déclaration “des valeurs de la gauche" – 183 signes – que tous les votants, les pauvres, devront endosser avant de glisser leur bulletin dans l’urne. Après leur vote primaire, les voteurs se verront proposer de laisser leurs coordonnées afin de recevoir des informations sur la campagne et, le cas échéant, d’y jouer un rôle plus actif (participation à des réunions publiques, distribution de tracts, etc.). A la différence des listes d’émargement qui seront détruites conformément aux recommandations de la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (Cnil), ce fichier de volontaires sera donc précieusement conservé et exploité pendant la campagne. “Les volontaires utiliseront le stylo électronique pour saisir leurs coordonnées qui seront instantanément numérisées. L’objectif dans la foulée de cette grandiose manip: augmenter le nombre d’adhérents du Parti socialiste, estimé aujourd’hui à environ 120 000. Et se préparer à perdre l’élection présidentielle, après avoir sérieusement contribué éventuellement à retoquer la vie politique bourgeoise.

mardi 4 octobre 2011

L’horrible retour du capitalisme à Cuba


Un avatar de la « guerre révolutionnaire » disparue des gauchistes tiersmondistes et des marxistes orthodoxes, les cubains accèdent au droit de propriété. Le socialisme de caserne tant admiré par les trotskystes et leurs demi-frères altermondialistes ploie sous l’avancée du capitalisme qui a corrompu même pépé Castro, une figure de légende guérilleriste qui a tant ridiculisé le communisme sous une dictature sous-développée d’un demi-siècle, adoubée par tout ce que la terre compte de staliniens indécrottables et de trotskiens indélébiles, qu’on se demande si ces vieux coucous niais ne vont pas entrer en dissidence avec la notion de capitalisme d’Etat dégénéré…

« Les réformes entrent en application. Depuis samedi, les voitures sont en vente libre.Les Cubains peuvent, depuis ce samedi 1er octobre, vendre et acheter des voitures importées après 1959. Cette nouvelle loi fait partie des 300 réformes économiques présentées par Raul Castro et approuvées par le VIe Congrès du Parti communiste en mars dernier. Sa promulgation était très attendue. Les difficultés de transport constituent l'un des principaux soucis des Cubains. Observer les interminables queues, les temps d'attente et les bousculades aux arrêts de bus suffit pour comprendre qu'à Cuba se déplacer est un véritable casse-tête. Sous les ponts des routes principales, des milliers de Cubains font chaque jour du stop en brandissant des billets de banque. Seules les voitures importées avant 1959 pouvaient s'échanger jusqu'ici. Les Cubains sont devenus des experts pour faire rouler ces vieilles guimbardes, les bricoler, les rafistoler. Le moteur de la plupart des véhicules a depuis longtemps été remplacé par des machines récupérées ou détournées.

Transactions clandestines

Les «voitures récentes» (post-révolutionnaires) à Cuba faisaient l'objet de transactions clandestines et risquées. «J'ai acheté ma Lada à un médecin qui l'avait reçue de l'État en récompense de son travail à l'étranger, nous expliquait Guillermo mi-septembre sur la route entre Santa Clara et La Havane. Elle date de 1991 et je l'ai payée 8000 CUC (à peu près 7800 euros). Mais c'est risqué: officiellement, le médecin en est toujours propriétaire. Il faut avoir confiance, car il pourrait très bien tenter de la récupérer, la vente n'existant pas officiellement. Si je commets une infraction, c'est lui le responsable!»

L'autorisation de ventes et d'achats entre particuliers devrait faire monter les prix déjà exorbitants de ces véhicules, les transactions se multipliant alors que le parc reste très limité. Les quelques propriétaires de «véhicules récents» faisaient déjà figure de privilégiés. La possibilité qui leur est désormais donnée de les vendre leur permettra d'en tirer officiellement de nouveaux revenus.

Prochaine réforme: la possibilité de vendre et d'acheter des maisons ou des appartements et la fin de la comédie des permutas ( seul l'échange entre deux logements était autorisé, donnant lieu à des transactions monétaires dissimulées). Mais les autorités devront résoudre un problème de taille: l'absence de titres de propriété. De nombreuses familles occupent des maisons abandonnées après la révolution. Des exilés de Miami chercheront probablement à récupérer les maisons laissées par leur famille et pourraient utiliser des hommes de pailles pour parvenir à leur fin. Des investisseurs étrangers pourraient eux aussi tenter de s'immiscer clandestinement dans ce nouveau marché. La spéculation immobilière risque de prendre des proportions incontrôlables, excluant rapidement la plupart des Cubains de l'île de ce nouveau mais inaccessible marché. L'égalitarisme n'est même plus une chimère au pays du castrisme.

Par Patrick Bèle, Le Figaro

dimanche 2 octobre 2011

RUMEUR : LES LYCEENS PRENNENT-ILS LES DEVANTS FACE AUX ATTAQUES SOURNOISES DE L'ETAT ?


Plusieurs milliers de lycéens ont manifesté vendredi dernier, persuadés que le gouvernement veut leur supprimer un mois de vacances. La mobilisation a été forte dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et la Champagne-Ardennes. Toute la presse assure qu’il ne s'agit pourtant que d'une rumeur infondée. Mais non, il nous souvient bien d’une récente proposition umpiste en ce sens proposée aux profs. Les lycéens sont tout de même moins neuneus que les « salariés » qui se sont laissés balader par l’aristocratie syndicale et voir détruite leur retraite sans brûler une voiture de ministre ni flanquer leur pied au cul des bonzes syndicaux. La bourgeoisie supprime la retraite et envisage tout aussi cyniquement la suppression des vacances, et de tout un tas de garanties sociales que la gauche, revenant au pouvoir en 2012, ne remettra pas en cause. Il est évident que pour l’époque qui vient élections et enterrements syndicaux sont une honte pour les exploités et que la confrontation avec l’Etat, ses partis et syndicats sera nécessairement violente et internationale.

Tout est encore une fois parti de SMS et de messages sur Facebook: le gouvernement envisagerait de sucrer un mois de vacances en 2012. Ladite rumeur a suffi à envoyer les lycéens et à se rallier entre bahuts. Or ce n’est pas une rumeur, s’il n'a cependant pas été question de supprimer un mois de vacances d'été, mais tout de même bien de deux semaines. Il ne faudrait pas les prendre pour plus cons que les ouvriers : "C'est pareil à chaque reforme: on nous dit que ce sont des rumeurs et à la fin, on se fait baiser", rappellent les jeunes manifestants. "Et puis, nos profs ont rien fait mardi pour la manif contre les suppressions de postes. Alors, nous, on gueule aussi pour ça." Ils ont manifesté par milliers dans les villes du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie et de Champagne-Ardennes. Notamment à Douai et Dunkerque (Nord), Béthune et Lens (Pas-de-Calais), Vesoul (Haute-Saône) et des élèves ont tenté d'organiser des blocages dans une douzaine de lycées de l'académie de Lille. En effet, un rapport umpiste du comité de pilotage sur les rythmes scolaires a bien proposé de raccourcir les vacances d'été de deux semaines. Mais la proposition n'a pas encore été tranchée par le ministère de l'Education. Dans les rectorats, les mandarins qui se sont succédés à eux-mêmes depuis 1968, avouent ne pas bien comprendre les raisons du mouvement.

Violences urbaines :

Les manifestations ont parfois dégénéré, comme au lycée Jean-Moulin du Chesnay, dans les Yvelines. Après avoir refusé de regagner leurs classes en fin de matinée, des élèves ont organisé le blocus de l'établissement. Mais plusieurs dizaines d'entre eux ont également causé des dégâts sur les véhicules alentours, en brisant leurs vitres ou en les retournant. Une dizaine de lycéens ont été interpellés, mais leur âge n'a pas été communiqué (sic) Près du lycée professionnel d'Amiens-Nord (Somme), des éléments (décrits comme extérieurs à l'établissement) ont jeté des cocktails Molotov et des briques sur les forces de police. Quatre d'entre eux ont été interpellés.

Les lycéens sont pourtant déjà maqués par l’union nationale lycéenne, outil de propagande à la soumission au syndicalisme contre-révolutionnaire qui interprète la colère dans le même sens que les médias : « vous êtes des idiots qui suivent une rumeur », et l’UNL de dériver, au profit du gouvernement, sur les problèmes corporatifs. Dans son « communiqué », l'UNL a surtout dénoncé les conditions d'enseignement depuis la rentrée, en réclamant un plan pluriannuel de recrutements, une nouvelle réforme de la formation des enseignants et en appelant les lycéens à rejoindre la mobilisation interprofessionnelle du 11 octobre. Voici donc à l’œuvre les rabatteurs de l’aristocratie syndicale.

Dur dur pour les lycéens dans cet « encadrement » de renouveler leur échappée belle politique d’un certain mois de mai 68.

En tout cas je salue cette nouvelle génération, qui peut être devant, bien plus devant que les étudiants en 1968. Je leur consacre mon prochain livre :

NOUS TOUS LES LYCEENS…Le comité d’action en 68 à Buffon et les députés

(290 pages) à paraître ce mois-ci.

Extraits de l’intro :

Paris XVème. 26 septembre 2011, 12H30, heure de la sortie au lycée Buffon. Des groupes sont agglutinés comme toujours et causent pendant que des élèves descendent encore les marches sous la surveillance d’un type en nœud papillon. Ils sont beaux, jeunes et bien nourris. Je me fraye un passage et je mitraille, avec mon appareil photo, la muraille du lycée. Je m’aperçois que l’angle n’est pas bon, car si je garde dans le champ de vision les drapeaux croisés français et européen, je ne pourrai pas faire croire qu’il s’agit d’une photo d’époque, de toutes ces photos que nous regrettons ne pas avoir prises : au fronton des édifices publics, le drapeau européen n’était pas marié au drapeau français durant les sixties.

- Pourquoi vous photographiez le lycée, m’sieur ? Me demandent soudain deux belles lycéennes au corsage aguichant.

- Parce que je prépare un livre sur Buffon en 1968 où il y avait une vraie vie politique à l’intérieur… on allait en manif à pied à la Sorbonne ou au lycée Michelet à Vanves… on voulait être reconnu… on a été les premiers à revendiquer sans doute en France la mixité…

- Ah bon le lycée n’était pas mixte !

- En effet et puis on terrorisait les profs, et puis on tenait à notre lycée comme s’il avait été notre outil de travail, on s’armait de matraques pour le garder la nuit…

Mais je m’aperçus qu’elles ne m’écoutaient plus. Pour ne pas prendre le risque de passer pour un vieux con, je cessai de parler et demandai qu’une d’elles me photographie dans l’angle de l’entrée de la forteresse. Ce qu’elle fit aimablement. Je partis après leur avoir souhaité de réussir leur baccalauréat.

Le lycéen de l’après 68 est redevenu « réac », infantilisé à nouveau par ses parents et la société, terriblement infuençable par son aîné l’étudiant de gauche écologiste. Sans mouvement de fond des plaques tectoniques sociales, il n’est plus capable que de suivre les modes et, la politique réfléchie hors des bobards et de la propagande, il s’en fout. Il n’a jamais rien appris et il ne veut rien savoir. Le passé est un passif. Seul le présent doit être jouissif. Il est soixante-huitard sans le savoir, dans la plus navrante acception du terme. Il est adepte du présent et donc du slogan anarchiste le plus bête de 68: jouir sans entraves, quoique, car il souffre, désabusé par l’envers du décor capitaliste: no future.

Que sont mes amis lycéens devenus qui figuraient sur les photos des classes de Première et de Terminale A en 1967 et 1968 ? Je crois le vent les a emportés. Plusieurs de mes mentors certainement, morts déjà entre cinquante et soixante ans. Etrange destinée des idéalistes. Mon projet ne sera pas de les faire revivre ici et maintenant mais de fournir des documents plus aptes à restituer une atmosphère et ces combats qui nous ont tant concernés, passionnés et déçus. Revenir sur un point d’histoire peu étudié – l’expérience nouvelle et limitée des Comités d’Action lycéens au cours de l’année 1968 – nous permettra de remettre en cause une nouvelle fois les cuistreries gauchistes et staliniennes concernant la théorie de la « guerre révolutionnaire », vieillerie de l’attirail du militant moyen de gauche passé à la moulinette d’un tiers-mondisme désuet, d’un antifascisme démodé, d’un stalinisme présumé vainqueur d’Hitler et d’une « Libération » américanisée.

Principale révélation de cette étude : il semble bien avec le recul lointain que la répression des lycéens ait été un des principaux moteurs de l’éveil de la colère en milieu ouvrier, en particulier à partir du 10 mai, rue Gay Lussac à Paris. Les prolétaires des usines, des bureaux comme les ingénieurs n’ont pas supportés que l’on frappe des adolescents, pour une partie encore enfants, après les brutalités policières disproportionnées début mai contre les étudiants ou de simples passants. Il apparaîtra du coup que les ouvriers ont repris le flambeau d’une révolution rêvée des mains fragiles des lycéens et pas des mains malhabiles des étudiants. Ces lycéens ou « scolarisés » ne furent pourtant plus des « enfants » (ni fils de, version PCF) mais des adultes politiques qui venaient, tenant de leurs mains innocentes des mégaphones à pile Mazda pour porter loin la nouvelle parole au monde. Leur grande découverte n’était-elle pas méritoire ? Le temps était venu de « faire la révolution ». (…)