Dans son article : « Des syndicalistes sur les bancs de Sciences Po » Natacha Polony (Le Fig) nous explique la démarche de la mairie de Suresnes qui offre aux délégués de son personnel municipal une formation au management et aux relations sociales.
« Un employeur et des délégués syndicaux parlant de concert et se réjouissant d'avoir établi un dialogue social de qualité, cette image idyllique n'existe pas que dans les pays scandinaves ». C’est sûr et depuis belle lurette ! On ignore généralement que le militantisme politique et syndical a toujours été un instrument de promotion sociale. Les « avocats syndicaux » ne sont jamais des martyrs mais pensent avant tout à leur gueule. Dans la plupart des nationalisations, la carrière des « martyrs » syndicalistes (ces pervers narcissiques) a toujours été protégée et balisée pour qu’ils aient un « déroulement de carrière » normal voire para-normal. Appartenir au PCF a longtemps signifié disposer de places réservées de cadres, d’employés municipaux, de concierges, etc. et ce pour toute la famille. On donnait à chacun en fonction de ses capacités, mais c’est toujours le cotisant et le militant qui avaient les faveurs de ces diverses promotions sociales ; à défaut d’avoir pris le pouvoir le PCF le partageait avec des clauses plus ou moins menaçante de « lancer le prolétariat à l’assaut » si Jean Dupond, délégué du personnel Tartempion venait à être oublié dans les promos de fin d’année. Les autres millions d’ouvriers n’avaient eux qu’à pleurer devant le sapin défraîchi du père Noël communiste (cf. la promotion sociale remarquable de la famille Môquet in « L’affaire Guy Môquet » de Berliaire et Liaigre, deux abonnés à l’histoire des malversations du PCF). Toute l’histoire du dit « mouvement ouvrier » du XXe siècle reste à refaire à l’aune de cette collaboration promotionnelle sous la coupe des divers partis de gauche ; les partis gauchistes furent longtemps un peu comme Sciences Po pour les délégués syndicaux suresnois, une école de formation au mensonge politique et à la manipulation des assemblées. Et il ne faut point le cacher, comme député, la fonction de « délégué » possède une intense valeur narcissique.
L’initiative de la mairie de Suresnes est intéressante car elle témoigne que les syndicats (même pas 8% de la population salariée) peinent à « former » leurs propres activistes arrivistes, ou même que le discours interne syndicaliste est tellement peu crédible et, ne baignant plus dans la douce euphorie ouvriériste de l’après mai 68, est fui même par les plus hypocrites chasseurs de postes militants.
« La mairie de Suresnes, sous l'impulsion de son adjointe chargée des ressources humaines, Béatrice de Lavalette, ancienne conseillère de l'ambassadeur auprès de l'Organisation internationale du travail, a décidé d'offrir aux délégués syndicaux de son personnel municipal une formation qualifiante sur les bancs prestigieux de Sciences Po Paris. Une nouveauté inspirée de l'initiative mise en place par Claude Bébéar pour Axa en 2004. «Suresnes avait déjà signé une charte sur la reconnaissance du parcours syndical dans le développement de la carrière et l'évolution professionnelle, inspirée de ce qu'avait fait Axa, explique le maire, Christian Dupuis. Mais nous sommes la première collectivité territoriale à nous engager dans ce projet.» Un gage de bonne entente, puisque les trois syndicats représentés, la CGT, FO et la CFDT, ont accueilli favorablement l'idée. Un gage, aussi, de calme social: «Des syndicats plus représentatifs et plus responsables sont moins tentés par la surenchère, plaide Christian Dupuis. Or une telle valorisation du parcours syndical pourrait créer des vocations et renforcer les syndicats.» Management, prise de parole, culture territoriale, gestion budgétaire communale, rédaction d'un mémoire: la formation certifiante proposée par Sciences Po s'étendra sur huit journées dans l'année. Rendue plus utile par la loi du 20 août 2008, qui instaure des négociations au niveau de chaque entreprise, elle a été conçue, au départ, pour le privé, en partenariat avec l'association Dialogues, une association réunissant anciens responsables syndicaux et dirigeants de grandes entreprises. Et elle aboutira pour les personnels concernés à une estampille Sciences Po sur un CV qui n'était pas vraiment destiné à cette prestigieuse distinction. Mustapha Zamoun, grand gaillard au visage empreint de douceur, conducteur de bus et délégué CGT, exprime son enthousiasme, tout en nuançant: «S'il doit y avoir conflit, cela ne nous empêchera pas d'aller à l'affrontement, mais c'est une démarche courageuse de la part du maire.» «Pendant ces huit journées, ajoute Dominique Brun, agent du service de restauration et déléguée FO, nous ne serons plus des représentants de différents syndicats, nous serons une promotion. Pour le travail collectif qui se dessine à travers l'horizon européen, c'est un atout essentiel.» Dans cet «accord gagnant-gagnant», le prestataire trouve aussi son compte. Pour l'institut d'études politiques, la formation continue représente un axe de développement potentiel, même si son directeur, Richard Descoings, se défend de tout objectif commercial. «La formation continue représentait 8,5 millions d'euros sur les 130 millions de chiffre d'affaires en 2009, explique-t-il. Mais, là-dessus, notre marge n'est que de 450 000 euros. Si nous misons sur la formation continue, c'est parce que nous contestons le fait que l'on puisse enfermer quelqu'un dans les résultats scolaires qu'il a obtenus entre 15 et 20 ans.» La mairie de Suresnes, elle, déboursera 25 000 euros pour la formation de ses douze délégués syndicaux. Et s'enorgueillit de la visite d'un inspecteur général chargé de recueillir des idées sur la rénovation du dialogue social ».
Les quelques ânes syndicalistes de la municipalité de Suresnes qui ont besoin qu’on leur apprenne à parler en public et à bien se tenir dans les négos de « partenaires sociaux » face aux patrons n’apprendront pourtant pas grand-chose avec quelques jours à Sciences Po ! Pas besoin d’apprendre pour les militants arrivistes, le secret de la politique élitaire réside dans la simple acceptation des intérêts de l’entreprise, de la nation et des besoins de sa « propre carrière ». Le reste suit, la formation à la spécialisation négociatrice s’apprend en trahissant tous les jours les intérêts généraux de la classe ouvrière ! Sur le terrain au milieu des gogos.