Tout dégringole, les bourses, le pétrole, l’euro…
Le téléphone des ministres des finances des principaux pays industrialisés ne cesse de sonner d’un continent à l’autre. La bourgeoisie mondiale a de sérieuses raisons de s’affoler. Les dirigeants en pantoufles de la zone euro se réunissent en sommet ce vendredi soir pour tenter de juguler la crise grecque, redonner confiance aux marchés et durcir la discipline budgétaire européenne. Ces pauvres dirigeants courent toujours après une occasion historique pour la zone euro de se doter d'une gouvernance économique renforcée. Ils rêvent, hélas trop tard – vu leur lenteur d’escargots à venir en aide à la Grèce - à une meilleure régulation des marchés financiers. Certains souhaitent discuter de l'idée de créer une agence de notation européenne, face aux organismes américains accusés de jeter de l'huile sur le feu, en rigolant au spectacle de l’Europe touchée à son tour de plein fouet pour ce dernier soubresaut de la crise.
Illustration de la confirmation de la gravité de la crise systémique capitaliste, la faillite de la Grèce est comparable bien sûr à celle de la banque Lehman Brothers en septembre 2008. Les médias, désarmés, ont bien sûr focalisé sur la seule Grèce, déploré, sermonné, mais rien n’y fit (et qu’on eût bien voulu « laisser mijoter dans son jus », le pire se profile. La crise de 2008 avait provoqué une paralysie financière mondiale comparable à la crise de 1929 que les braves spécialistes croyaient définitivement enterrée. Les conséquences de la faillite de la Grèce seront pires. S’il faut utiliser à bon escient le terme de « contagion », ce n’est pas tant sur le plan du désordre dans les rues qu’il sera explicite que par sa propagation sur la chaîne fragile des économies européennes si étroitement liées l'une à l'autre. Aucun pays ne sera épargné par la faillite de la Grèce, malgré le bla-bla sur « l’harmonisation des budgets » selon Merkel et Sarkozy.
Dans son excellent ouvrage « La prospérité du vice », Daniel Cohen écrivait en octobre 2009 : « Les enseignements que l’on peut tirer des subprimes vont toutefois au-delà de cette redécouverte du rôle de l’Etat. Par la vitesse à laquelle elle s’est propagée à l’ensemble de l’économie mondiale, elle témoigne de l’extraordinaire difficulté à penser ex ante les risques systémiques, et à les résorber, ex post, lorsqu’ils se sont manifestés. Le responsable des risques financiers à la banque d’Angleterre, Andrew Haldane, a proposé un intéressant parallèle entre le monde de la finance de marché et celui des grands réseaux électriques. L’interconnexion permet de résoudre les déséquilibres partiels entre l’offre et la demande. Lorsqu’un réseau souffre d’un excès de demande, il peut compter sur les autres pour l’approvisionner. L’interconnexion fonctionne comme un absorbeur de choc. Passé un seuil critique toutefois, c’est le contraire qui se produit. Un dysfonctionnement local, même léger, peut mettre le tout en péril, plongeant dans le noir des régions très éloignées de la panne. Andrew Haldane offre aussi une comparaison éclairante entre la crise financière et les pandémies (…) Le capitalisme-monde s’impose désormais comme la civilisation qui se substitue à toutes les autres, sans regard extérieur pour juger de sa pertinence. L’interconnexion économique et culturelle est devenue la règle, et soumet chacun au risque
Pour l'heure, les Bourses et la monnaie européenne plongent, et le taux auquel l'Etat grec doit emprunter sur les marchés à dix ans a atteint vendredi matin un nouveau record historique à plus de 12%. Encore une fois, les craintes de contagion passent avant les indicateurs nationaux.
QUELLE CONTAGION ?
Contagion des émeutes grecques, disent certains médias. Contagion de la lutte des classes, croient des révolutionnaires de clavier. Avant de supposer de véritables et claires répercussions sociales – depuis deux ans le pic de la crise de 2008 qui annonçait plus de 20 millions de chômeurs n’a pas produit 20 millions de révolutionnaires – il faut bien voir le gouffre des banqueroutes d’Etats qui se profile.
Ecartons d’abord les scénarios fantaisistes à la Kerviel (dont le nom entrera dans l’histoire comme la fable du petit trader qui d’un clic peut griller des milliards). On a trouvé en effet un autre Kerviel à New York qui, tapant sur son piano numérique, aurait confondu millions et milliards. Il se serait trompé et aurait tapé «milliards» au lieu de «millions», et cliqué sur la valeur Procter & Gamble, un géant des produits de consommation aux Etats-Unis. En quelques nano-secondes, les actions chutent... jusqu'à 37% ! Si on prend en compte la fragilité du système de connexion économique mondial comme nous l’a démontré Daniel Cohen, c’est plausible, mais alors une puce peut donc gripper les rouages du bulldozer capitaliste ! Non quand même, trop simpliste et anecdote typique de l’affolement des classes dominantes. Décidemment le monde financier, la bourgeoisie tout court, ne craint plus de se ridiculiser. Un seul homme se trompe dans le nombre de zéros sur un clavier d'ordinateur et voilà que c'est la dégringolade de toutes les places financières du monde. Cette fable n’atténue en rien le fond de l’agiotage capitaliste qui se cherche n’importe quel bouc-émissaire, la Grèce un jour, un vulgaire trader le lendemain. La valeur instantanée des monnaies étant décidée uniquement par la spéculation de traders incultes, via Forex ou Carry Trade, il ne sert à rien d'avoir des Trichet ou des Bernanke grassement payés : ils ne servent strictement à rien, n'ont aucun pouvoir. Il y a lieu de les foutre à la porte au plus vite avec leur pote DSK, le partouzeur capitaliste. On apprend ensuite ces autres sornettes dans les dépêches qui tombent les unes sur les autres : "Les dettes européennes font trembler Wall Street" Les bourgeois US oublieraient-ils que leur propre dettes, vis à vis de la Chine et du Japon, sont infiniment supérieures à celles de l'EU ? Le Dow Jones a chuté jusqu'à 9.873 points, alors qu'il était à 10.880 points en début de séance. La dette publique de la Grèce n’est que de 400 milliards d'euros ; et cette radine d’Europe (avec une petite participation du FMI) ne lui octroie au compte-goutte que 110 milliards! Et la dette de la France, vous la connaissez ? Elle est de 1489 MILLIARDS D'EUROS. La dette des Etats-Unis ? un pécule de 9400 milliards de dollars… à ce niveau le monde entier ne peut rien prêter aux ricains !
Plus inquiétant, dès que Portugal et Espagne plongent, aucun pays membre de l'euro ne pourra venir à leur secours. L'Espagne détient 58% de la dette portugaise et la France et l'Allemagne détiennent à eux deux près de la moitié de la dette espagnole. L'effet domino en Europe sera assez dramatique très prononcé, des banques vont se retrouver au tapis et, plus grave le chômage explosera très vite. La mine du triste Fillon, qui s’est affichée dans la lucarne avec accord de son chef de service, nous a joué de la lyre populiste à la façon de Papandréou : « tout le mode paiera… même les plus riches ». Il faut sauver le sergent « économie nationale ». A situation exceptionnelle, la bourgeoisie française ne peut plus autoriser Sarkozy, usé dans son starting-block, à faire le malin ; ce qui sera étonnant par contre ce sera que les riches soient amenés à payer ; ils n’en mourront pas de faim. Pour autant, tous les appels gouvernementaux à se serrer la ceinture ne règleront pas la question des déficits publics de chaque pays. Il va falloir maintenant que tous les Etats bourgeois fassent payer la politique fiscale, déraisonnable, financée exclusivement par la dette, menée depuis des années.
La contagion dans la catastrophe viendra de l’assemblage hétéroclite des endettés. Imaginez un groupe de locataires en retard de paiement de plusieurs mois, envisageant de se prêter l’argent du loyer mutuellement, que resterait-il pour bouffer à tous ? On assiste à ce genre de prêts de fauchés avec les Etats européens, et là c’est franchement dangereux pour tous. Comment un État endetté peut-il emprunter pour prêter à un autre État endetté ? L'Espagne et le Portugal, actuellement attaqués par les marchés et en difficulté économique, vont prêter à la Grèce respectivement 9,79 milliards et 2,06 milliards d'euros. Je prends dans la poche à Pierre pour donner à Jacques, lequel a déjà pris dans la poche à Bruno qui s’apprête à se servir dans celle de Pierre…
Qui va prendre l’autre de court ? Deux hypothèses :
- soit c’est la fin de la zone euro dans des turbulences financières qui vont raviver le chacun pour soi, donc le nationalisme,
- soit le prolétariat des pays développés va bouleverser la donne.
La bourgeoisie mondiale a pour l’heure tout intérêt à conserver l’euro, car la précipitation dans la tempête est mauvaise conseillère, et avant de choisir d’autres solutions, il faudra faire front politiquement au prolétariat, qui, heureusement pour la classe dominante, ne sait plus encore (pour le moment) comment « changer le monde » .
Implosion de l'euro?
"A ce stade, l'implosion de l'euro ne peut pas être exclue. L'effet de contagion est une possibilité réelle pas seulement pour les pays les plus à risque", a déclaré au journal italien Repubblica l'économiste Nouriel Roubini Roubini, connu pour son perpétuel pessimisme mais qui fut l'un des rares à prédire la crise financière. Malgré le plan d'aide de l'UE et du FMI, la Grèce n'est pas encore sortie d'affaire. Et la crise va atteindre les autres pays européens, et la chute des éloignées bourses asiatiques montre le danger pour tous. La plupart des pays capitalistes sont dans l'incapacité de rembourser leurs dettes. De la Banque centrale à la Commission européenne, tous l'assurent pourtant: il n'y a aucun risque de contagion car les situations ne sont pas les mêmes. Laissons-les rêver.
« Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde qui doit toujours lutter pour des connaissances nouvelles, qui ne hait rien autant que la pétrification dans des formes valables dans le passé et qui conserve le meilleur de sa force vivante dans le cliquetis d'armes spirituel de l'auto-critique et dans les foudres et éclairs de l'histoire ». Rosa Luxemburg
PAGES PROLETARIENNES
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vendredi 7 mai 2010
mercredi 5 mai 2010
QUELQUES VERITES DERANGEANTES AUTOUR DE LA CRISE GRECQUE
« Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d'année en année, comme c'est l'usage jusqu'à ce que vienne le jour d'une explosion. Mais alors, on s'apercevra qu'on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d'un ministre ou d'un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d'avoir perdu jusqu'à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice ».
Frédéric Bastiat, (Harmonies cité dans mon ouvrage The end, janvier 2009)
DE LA BETISE DES COMMENTATEURS ET SPECIALISTES
Les propagandes de la bourgeoisie, si empressées à défendre le système capitaliste au jour le jour oublient que nous les prolétaires possédons une mémoire, et que c’est cette mémoire qui nous permet de pronostiquer le lent effondrement du système, aveugle et sourd à chaque soubresaut de sa crise systémique. La bêtise des commentateurs journaliers se lit dans le fait qu’ils ont oublié ce qui s’était passé un an ou deux ans auparavant, ce qui est aussi une façon de mentir sur les racines du mal qui ronge le capitalisme, ou plutôt sa racine actuellement évidente: la tricherie universelle. On ne peut pas compter sur les caprices de dame nature pour nous aider à contrer tous ces hâbleurs professionnels en même temps que spécialistes de l’oubli. Les fumées du volcan islandais ne nous ont pas fait oublier à nous que les dirigeants du premier Etat en faillite, bien avant la Grèce, avaient menti et truqué les chiffres de productivité, et qu’ils sont tous inculpés de mensonge ; mais c’est une galéjade dans le monde judiciaire bourgeois, quand les voleurs sont au pouvoir, qui va les mettre en prison ? Surtout dans une île de phoques ?
LES INFRACTIONS DE LA BOURGEOISIE GRECQUE IDENTIFIEES
DEPUIS LONGTEMPS
Idem pour la Grèce. Les dames politiques européennes de petite vertu ont froncé les sourcils en s’effarant de « découvrir les maquillages budgétaires » du pays du sirtaki et de l’ouzo. Il y a une dizaine d’années que l’Etat grec, habitué des scandales financiers, avait reconnu avoir menti à la Commission européenne sur le montant exact de son déficit ; si cette dernière n’en avait point profité alors pour « faire scandale », c’était uniquement dans l’intérêt géostratégique et militaire de la tentative de constitution du bloc européen. Les très coûteux jeux olympiques de 2004 avaient aggravé la dette certes, mais toute la bourgeoisie européenne continuait à fermer sa bouche. Dès 2008, au moment du tsunami des subprimes, on commençait pourtant à lire dans la presse des titres du genre : « La Grèce a-t-elle toujours sa place dans la zone euro ? ». On a donc oublié que le gouvernement grec d’époque avait pompé les recettes de l’Assurance-maladie pour tenter de combler un déficit de plus en plus abyssal, sachant déjà qu’il en coûte très cher de se refinancer sur les marchés internationaux. Résultat déjà pour la population : plus de remboursements, plus de livraison de matériel par les entreprises pharmaceutiques américaines… Le subterfuge grec n’allait pas durer. Le ministre de la santé d’époque, Dimitri Avramopoulos avait reconnu des « problèmes de gestion ». Excusez du peu : la dette publique représentait déjà 90% du PIB (plus de 110% en 1996 alors que le traité de Maastricht imposait un maximum de 60%). Le gouvernement grec avait alors aussi pompé des prélèvements à l’Education nationale et à l’environnement…
En 2008, il y avait eu aussi, comme en Argentine en 2006, des émeutes de rue, des grèves générales syndicales, le ronron habituel qui recommence en 2010 sans inquiéter aucunement la bourgeoisie mondiale (et je dirai pourquoi en fin d’article).
NATIONAL RESCUE ?
Ouf ! La bourgeoisie européenne s’est enfin décidée à valider le plan d'aide à la Grèce intra-muros, conçu en concertation avec le FMI, ce qui n’est pas une preuve emblématique de domination des événements sur son aire géopolitique. Ça n'a pas été sans mal, on l’a vu avec une certaine consternation (pour les europhiles naïfs). Essentiellement du fait des réticences allemandes. Jusqu'au dernier moment, l'Allemagne, le deuxième exportateur mondial juste après la Chine, a renâclé à aider la Grèce. Il ne s'agissait pourtant pas de dons mais de prêts (à taux vachement avantageux pour les prêteurs). La bourgeoisie allemande avait consenti à sacrifier son Deutschmark histrionique sur l'autel d'un euro bubonique dont on lui assurait qu'il demeurerait une monnaie concurrente du dollar. Pour qu'ils acceptent ce traité de Maastricht, chaque membre de la zone euro s'engageait à être d'une sagesse exemplaire : un déficit budgétaire restant sous la barre des 3% du PNB, une dette publique n'excédant pas 60% de ce même PNB. Patatras : du fait de la crise systémique, relativement épargnés par la crise de 2008, voilà nos braves vieux pays de la zone euro qui se fichent de ces critères de temps de boom économique de feu Fourastier.
Au surplus, il réapparaît un arrière-goût de la crise de la banque Lehman Brothers avec celle de la Grèce. Sans revenir en détail sur la crise des subprimes, le refus, à l'automne 2008, des autorités bancaires américaines de secourir Lehman Brothers, participait du même état d'esprit que celui qui a animé les opposants allemands au renflouement de la Grèce : crevez seuls mais lâchez-nous la main ! Avec la question grecque, l'Europe est confrontée au même type de situation : les gouvernements grecs ont triché pendant des années en exhibant des chiffres truqués. La bourgeoisie grecque a permis à sa population de vivre au-dessus de ses moyens et, d'une certaine façon, aux crochets du reste de l'Europe. L’attitude des deux principaux gouvernements européens, français et allemand, a été sans fard dès le début, puis ensuite modulée (mais ils ne se font guère d’illusions sur le renflouement du bateau grec) : laissons donc la Grèce s'enfoncer dans la récession comme on a laissé Lehman Brothers aller à la faillite ! Ce pays de pistaches n'avait qu'à être plus sérieux ! Pauvres nations capitalistes aux abois, elles peuvent pourtant bien balayer devant leur propre porte. La Grèce est un bon quoique petit client : en 2008, les exportations allemandes vers la Grèce se sont élevées à 8,3 milliards d'euros, en sens inverse, les ventes de la Grèce à l'Allemagne n'ont pas dépassé 1,9 milliard d'euros ! Quand les bourgeois geignent sur la contagion, comme si leurs débiteurs étaient seuls coupables et méprisables, ils oublient de citer tous leurs créditeurs. Au-delà de la Grèce, tout petit client de l'Allemagne (moins de 1% de ses exportations) les principaux débouchés de l'industrie allemande sont des pays qui sont sur la « pente grecque » : l'Espagne est le huitième client de l'Allemagne (5% de ses exportations), l'Italie arrive en quatrième position (près de 7% des exportations allemandes), la France est la première cliente de l'Allemagne et sa situation financière inspire de joyeuses inquiétudes à ses concurrents. Quand l’arrogante Allemagne se montre réticente à « payer pour les autres », elle fait penser à ce proprio d’immeuble qui ne veut pas ravaler la façade sous prétexte que certains locataires ont des retards de loyer. L’industrie allemande n’est florissante que pour autant qu’elle dispose de nombreux clients externes. Si la raréfaction de ses marchés externes se poursuit, la grosse Bertha d’Outre-Rhin pourra aussi aller en cure d’austérité et confronter un prolétariat autrement plus dangereux que les demi-portions grecs.
DES RISQUES DE PROPAGATION ?
Après l’Islande (oubliée sous son volcan), la Grèce n’est plus le seul âne de la classe européenne, les Piigs montrent leur groin affamé de devises saines : Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne (Spain in english). Au milieu des mensonges politico-économiques, qui ne sont pas l’apanage des Etats islandais et grec, la Bourse elle ne ment jamais : hier, 4 mai, la dégringolade des bourses européennes et de l’euro, a crié la vérité : oui il y a risque de propagation, oui viendra le tour de l’Espagne (quoiqu’elle soit déjà dans le trou avec son taux de plus de 20% de chômeurs, et le Portugal, etc.). Et même la France… Toujours cet invraisemblable oubli des médias qui déploraient il y a deux ans à peine que la crise allait faire bondir le nombre des chômeurs à une vingtaine de millions, et qui s’ingénient à « relativiser » en ce moment… Mais toute la réalité nous a déjà prouvé qu’ils sont déjà là ces millions de chômeurs, et en hausse certaine de fin de droits… Plus drôle, alors que l’UE et le FMI viennent tout juste de débloquer (sans se presser) une aide financière/poignard pour la Grèce, tous les spécialistes consultés mégotent sur cette contagion, « rumeur » qui reste « présumée » selon les uns, « exagérée » selon d’autres, quand, dans les sondages quotidiens des presses sur le web, une majorité de la population hexagonale affirme être convaincue désormais de cette propagation inévitable ! Dans la crise, ce sont les masses qui ont raison, parce qu’elles subissent la crise bourgeoise, parce qu’elles en prévoient les conséquences aggravées, parce qu’elles n’ont pas pour métier de mentir. Tout le système capitaliste est menacé de banqueroute à terme, qui peut en douter ? Sérieusement ?
UN SYSTEME DE VOYOUS MIS A NU ?
Depuis 50 ans les crises n’ont jamais cessé avec des coupables désignés selon les humeurs des dirigeants de circonstance : l’URSS, la mondialisation, les 35 heures, les services publics, les narcotrafiquants, les banques agioteuses, les menteurs grecs, etc. C’est pourtant toujours la crise du taux de profit qui ébranle la faconde bourgeoise. Les gauchistes et leurs syndicalistes adorent répercuter les modes du moment ; la spéculation bancaire a bon dos ; cette histoire de mensonges des ministres « qui dilapident l’argent public » (salaires indécents) aidés par les truands des banques (sangsues des contribuables), et sur le dos de cet espèce d’éternelle chauve-souris, le « contribuable » (ou cette souris pour sondeur le « consommateur », sans oublier le « client »), conforte l’idéologie populiste selon laquelle il serait possible de nettoyer le système capitaliste. Les surprofits, les salaires indécents, les trucages des chiffres économiques (tous les gouvernements trichent sur les vrais chiffres du chômage depuis belle lurette), les « scandales » budgétaires ne sont que des épiphénomènes de la crise et des édredons virtuels pour détourner la colère des prolétaires plongés dans une misère croissante, de la nécessité de renverser les Etats partout.
Ce n’est pas un système de voyous qui nous opprime, c’est tout simplement le même capitalisme en fin de course qui ne peut plus cacher l’incapacité gestionnaire de ses délégués politiques et qui trichent sur les données pour retarder les échéances comme le maquignon en faillite dans l’espoir de repousser à la saint Glinglin la visite de l’huissier. Les « spécialistes » se confirment comme de véritables girouettes : DSK qui n’y comprend plus rien «(« il faut réussir à éviter la contagion » dit cet imbécile), s’imagine déjà président, Joseph Stiglitz, qui n’avait pas vu venir la grave crise de 2008, pronostique la mort de l’euro, alors que c’est l’euro de toute façon ou le chaos ! Il n’y a pas de plan B. Les Etats ont sauvé les banques, lesquelles ne vont pas sauver le capitalisme grippé. On ne peut plus tricher (et Trichet quitte la BCE en octobre…) surtout pas avec la planche à billet !
LA GRECE PEUT-ELLE ETRE SAUVEE ?
Avec les mêmes potions de grand-mère, « toujours plus d’austérité » - l’aide qui est une corde qui soutient le pendu avec des taux de profits bancaires exorbitants – la bourgeoisie doit cesser de rêver. A force de vider les poches des prolétaires elle n’aura plus qu’à réquisitionner leurs pantalons ! En plus, le cas grec, ridiculisé comme « pays de feignant » - argument qui a tout pour plaire au prolétariat mondial qu’on accule de plus en plus à la « fainéantise » du chômage – ne peut en aucune manière honorer sa dette car son économie est virtuelle ; comme par exemple la Belgique – qui peut se scinder en deux ou trois portions et on s’en tape - la Grèce ne produit plus grand-chose. L’aide hypocrite en partie européenne va creuser d’autres déficits, ils le savent tous, mais toute la bourgeoisie européenne sait que l’Europe a toutes les chances d’exploser (ce qui ne gêne nullement ses ailes nationalistes qui y voient la meilleure solution pour contrer le prolétariat).
Pour la réduction du déficit budgétaire, le gouvernement a tout d'abord décidé d'augmenter ses recettes en frappant l’ensemble de la population, donc de façon inégale et non spécifiquement contre la classe ouvrière et sur des « produits » pas particulièrement « prolétariens » (à moins que alcool et tabac soient des « denrées de classe »), avec une imposition remarquable pour les « hauts revenus » (minimum populiste pour faire avaler les pilules amères aux plus pauvres):
- Hausse de deux points du principal coefficient de la TVA de 19% à 21% (pour les autres coefficients de la TVA, de 4,5% à 5% et de 9% à 10%), ce qui doit rapporter 1,3 milliard d'euros, soit 0,55% du Produit intérieur brut (PIB).
- Une augmentation des taxes spéciales sur la consommation, la taxe sur l'alcool va grimper de 20%, soit une augmentation par bouteille de 1,20 euro et de 0,60 euro pour l'ouzo et le tsipouro. Tabac : augmentation de 63%. Les carburants : progression de 0,08 euro des taxes sur l'essence représentant une hausse de 0,1 euro pour le consommateur et 0,03 euros sur le gazole soit +0,04 euro pour le consommateur. En 2009, une augmentation similaire de ces taxes s'était traduite par une augmentation des recettes d'environ 20%. De nouvelles taxes sont également ajoutées aux produits de luxe (les voitures de plus de 35.000 euros, yacht, hélicoptères privés) ouahou... En tout, la hausse des taxes spéciales sur la consommation doit rapporter 1,1 milliards d'euros, soit 0,45% du PIB (un petit plus honorable).
- Il est également prévu d'introduire un droit d'accise sur l'électricité : 2,5 euros/MWh pour les entreprises et 5 euros/MWh pour les ménages – à l'exclusion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables (lobby écolo en déclin pourtant). Les exonérations du droit d'accise concernant le diesel utilisé par l'entreprise publique d'électricité est aussi supprimé (la fin des privilèges des « clients » ?).
- A ces mesures vient se rajouter une nouvelle réforme fiscale. Elle comporte une nouvelle grille d'imposition des revenus ajoutant notamment un coefficient de 40% pour les revenus supérieurs à 60.000 euros au lieu de 75.000 euros actuellement. Les contribuables devront également fournir avec leur déclaration de revenus les reçus pour tout achat de biens et de services. Et l'Etat veillera au grain, des mesures contre la fraude vont être mises en place. Elles comprennent la création d'un système d'évaluation objective des richesses extérieures (logements, voitures, bateaux, piscines ...) pour croiser la déclaration de revenus. Elles imposent également des caisses enregistreuses pour les taxis, les stations-services, les kiosques, ou encore les marchés de rue. La Grèce a également décidé de créer un impôt sur les constructions illégales (autre spécialité grecque) qui devrait représenter 1,3 milliard de recette, et l'instauration de nouveaux impôts, notamment des taxes dites "vertes", sur les jeux d'argent et les bénéfices des entreprises (Staline revient !).
La réduction du déficit budgétaire passe les réductions des salaires nominaux et des retraites dans la fonction publique avec un impact de 1,7 milliard d'euros, soit 0,7% du PIB. Les employés du secteur public vont avoir une réduction de 30% du 13e mois et de 60% du 14e mois de salaire touchés. Pour les fonctionnaires encore une réduction de 30% des primes de Noël, de Pâques et de vacances d'été. La réduction totale du "14e mois" (versé à tous les fonctionnaires) permettrait de réaliser une économie d'environ 1 milliard d'euro (ils vont vendre dans la rue le contenu de leurs greniers comme les retraités russes).
- Réduction de 2% en plus des 10% déjà annoncées sur les suppléments de salaires (primes...) La loi correspondante, qui prévoit notamment la réduction supplémentaire de 2 % annoncée le 3 mars, a été adoptée par le parlement le 5 mars et appliquée avec effet rétroactif au 1er janvier (c’est toujours 2% de pris).
- Réduction de 7% des salaires dans les entreprises publiques et réduction de 30% des primes de Noël, de Pâques et de vacances d'été. Comme ces entreprises n'appartiennent pas à l'administration publique, ces mesures se traduiront par une baisse des subventions de l'Etat (que restera-t-il à réduire ?).
- Réduction de 10% du financement par l'Etat des caisses de retraites de l'entreprise publique d'électricité (DEI) et de l'opérateur grec des télécoms (OTE), conduisant à une réduction des crédits budgétaires correspondants (les entreprises nationalisées en ont assez profité !).
- Toutes les pensions du secteur public et du secteur privé sont gelées. Cette mesure annule ainsi les augmentations annoncées et inscrites dans le budget mais elle ne concerne cependant pas le personnel de sécurité, le personnel infirmier et les enseignants (gelées mais pas fondues).
Enfin, dernière mesure (test pour tous les autres Etats bourgeois) la réforme des retraites. Le gouvernement a proposé de reculer de cinq ans l'âge légal de départ pour les femmes, d'ici 2013, soit un départ à 65 ans. Est également prévu l'allongement de la durée de cotisations à 40 annuités contre 37 d'ici 2015. Enfin, cette réforme instaure un âge minimum de départ à la retraite : à 60 ans. Le plan prévoit également des mesures pour renforcer la flexibilité du marché du travail, faciliter les licenciements et ouvrir à la concurrence une série de professions protégées ; toutes choses déjà à la mode aux pays de Sarkozy et Obama.
La plupart de ces mesures sont bien sûr, en grande partie appliquées déjà dans les principaux pays européens. La seule différence notable, parce que la Grèce est dans l’impasse, est l’insistance sur une imposition plus importante pour les hauts revenus et une contribution plus lourde pour les « fonctionnaires » qui ne sont tout de même pas partout la fine fleur de la classe ouvrière, de par leur situation salariale protégée, et dont la baisse des revenus ne va pas émouvoir le reste des salariés. Il n’y a aucune solution pour la Grèce en soi. On pourra y organiser une grève générale par mois et assister à des caillassages anars et néo-staliniens de ministères contre la « cure d’austérité », contre « l’évasion fiscale » et « la corruption » sans que cela débouche sur une alternative de société. Même si le gouvernement Papandréou pouvait honorer sa dette (et enrichir des banques de l’UE et du FMI) la croissance restera en berne, le chômage en hausse et la pauvreté en explosion. L’explosion de la pauvreté n’a jamais été facteur révolutionnaire non seulement parce que la misère est moins dure au soleil (Aznavour) mais parce que l’idéologie populiste anti-riches et anti-FMI (+ anti-Bruxelles) a de beaux jours devant elle parmi les électeurs pauvres.
La bourgeoisie internationale ne craint d’ailleurs nullement une classe ouvrière grecque hétérogène, faible et chauvine mais surtout que le gouvernement de Papandréou avoue ne pas pouvoir rembourser ses échéances à moyen terme ; les banques de ripoux, bourrées « d’obligations pourries » en prendront à nouveau plein la gueule et viendront encore pleurer auprès des gouvernements des riches. Pire, si l’unité politique est totale pour les propagandes idéologico-politiques, au plan économique, les bourgeois s’observent en chiens de faïence. La situation aujourd'hui est telle en Europe qu'au final, estime dans une note Ciaran O'Hagan, stratégiste chez Société Générale, «aucun pays lesté d'un lourd déficit ne peut être certain de conserver la confiance des investisseurs dans les semaines et les mois à venir».
LE PROLETARIAT COMPLICE ?
En général, avec des tonalités différentes, des syndicalistes gauchistes aux trade-unionistes maximalistes, les syndicats sont taxés d’être les toujours méchants organisateurs des défaites renouvelées de la « colère ouvrière » - d’une classe prolétarienne pucelle et naïve - leurs manifs sont le divan sur lequel s’épanchent quelques heures les masses violentées et névrosées du capitalisme gangster. Les syndicats ont bon dos. En France il ne resterait pas plus d’un million de syndiqués, c'est-à-dire à peu près la population des fonctionnaires « protégés » et des militants rétribués des divers organismes para-étatiques de Sud à la CGT (c'est-à-dire tous ceux qui ont échoué à l’école et dans leur carrière professionnelle). Depuis tant d’années si la classe ouvrière ne leur a pas botté les fesses, malgré quelques incartades, il faut le dire sans fard : c’est parce qu’elle y trouvait son compte. Quand, dans certaines branches (sans se limiter à la mafia du livre et des nationalisations), le travail vous est garanti, avec ou sans carte, ou que vous pouvez être « reclassé », à quoi bon se plaindre ou crier après la révolution ? Quand chaque corporation, dans les manifestations ou au jour de grève générale, les fonctionnaires et les ouvriers des grosses boites continuent à défiler en rangs d’oignons sous la bannière de leurs syndicats d’entreprise, c’est qu’ils sont bien contents de leur sort et se fichent d’une hypothétique réelle unité fusionnelle et de solidarité inter-catégorielle.
En Sicile, la mafia est aimée des « travailleurs ». En Grèce aussi, mais en précisant bien, comme je l’ai écrit dans un article antérieur, que la classe ouvrière grecque est surtout immigrée pour les tâches manuelles et d’esprit fonctionnaire limité pour sa partie autochtone. Un témoignage dans « Rue 89 », nous sort de l’ornière des rigolos simplistes et sentencieux qui se croient révolutionnaires en appelant à « généraliser à l’exemple des travailleurs grecs », mais il confirme les terribles illusions localistes sur un « Monsieur Propre national» en guise d’Etat pour sauver la nation à la dérive budgétaire dramatique:
«L'Etat, dans sa grande bonté, fournissait emplois (surtout pour les gens de la famille) et hausses de salaires (sous forme de primes ou de 13e et 14e mois, pour que ça ne se voie pas trop). Tout ceci pour acheter les votes et assurer la paix sociale. L'Union européenne fermait les yeux et continuait d'attribuer de généreux fonds de développement, sans vérifier s'ils étaient efficacement utilisés, fournissant ainsi de l'argent facile aux grosses boîtes privées. Magouille, travail au noir, fausses déclarations d'impôts, petites enveloppes sous la table : personne ne disait rien, tout le monde ayant un jour profité du système pour s'acheter un permis de conduire, trouver un boulot, ou construire 250 m2 au lieu de 80. Le plan d'austérité réduit le pouvoir d'achat de tout le monde. Il prive de revenus nécessaires des petits fonctionnaires et des retraités qui avaient déjà du mal à joindre les deux bouts. Il met en péril le petit commerçant et l'artisan du quartier. Le prix de l'essence a déjà augmenté de 10%. La soupape de l'immobilier, qui avait permis à une génération d'enfants gâtés de vivre confortablement, ne fonctionne plus (60 000 logements neufs invendus dans la Grèce du nord). Trouver un deuxième emploi n'est plus une option. Les banques ne prêtent plus, les sociétés de cartes de crédit relancent les clients tous les deux jours pour être remboursées. (…) Depuis quelques mois, les Grecs évoluent ( ?). Ils considèrent maintenant comme normal de taxer les activités commerciales de l'Eglise, organe tout-puissant, impliqué ces dernières années dans des scandales politico-financiers. Ils n'ont plus peur de dénoncer les médecins ou les fonctionnaires corrompus : cinq agents des impôts viennent de prendre de sept à quinze ans de prison pour corruption passive ; le patron du bureau des permis de construire de Syros vient de tomber, incapable de justifier sa fortune personnelle de 600 000 euros. Le gouvernement actuel est fautif de ne pas savoir expliquer quelle société il propose. Il n'arrive pas à convaincre que payer des impôts est la base du système économique d'un pays, et que le refus de s'acquitter de cette contribution met en péril l'ensemble du service public. Un exemple vu à la télé : une pauvre dame se demandait comment faire pour payer les cours de rattrapage privés de ses enfants (5 000 euros par an). Si la moitié de cet argent allait dans les caisses de l'Etat (en déclarant honnêtement ses revenus et en payant ses impôts), l'école publique fonctionnerait. Les parents n'auraient pas besoin de payer des cours privés, souvent donnés par les enseignants du public qui arrondissent leur fins de mois (salaire d'un prof : 950 euros). Même chose pour les dessous de table pour avoir un bon docteur. . Non, les Grecs ne sont pas des feignants. Les Grecs ne se sentent pas humiliés, comme le prétendent certaines agences de presse. Ils ont toujours eu de toute façon un complexe d'infériorité face à cette Europe idéale qu'ils voient dans la France ou l'Allemagne. Ils veulent qu'on les laisse tranquilles, que les journalistes les oublient, que les marchés les laissent respirer et qu'Angela Merkel aille au diable ».
Ce témoin à vue basse croit donc lui aussi que les grecs pourraient vivre en autarcie, comme des ploucs ? Leur Etat capitaliste aura au moins le mérite de leur rappeler que c’est impossible, même si les gauchistes, comme ceux d’Amérique du Sud, accuseront encore le FMI et le « capitalisme international » de contraindre leur gouvernement au « sale boulot » ; et si une telle idéologie nationale devait persister, avec en tête les agitateurs faux communistes grecs, on pourrait bien assister à la renaissance d’une nouvelle idéologie « nationale-socialiste », vecteur classique de l’idéologie de … guerre tout court. En attendant, la population grecque en sera réduite tout au plus à faire un concert de casseroles comme les argentins il y a quelques années qui avaient émoustillés quelques docteurs es maximalisme à l’idée d’une immédiate « recette révolutionnaire ».
Le prolétariat ne peut pas être complice comme tel. Un prolétariat dispersé, divisé, sans aucun sens de la solidarité, berné par d’hypothétiques solutions nationales ou européennes, est complice dans la mesure où il reste spectateur, attentiste, geignard. Il est comme un paralytique qui regarde passer les trains. S’il ne se complait plus dans l’attitude passive, équivoque ou défaitiste, alors il pourra se lever et affronter ses ennemis capitalistes. La mise au chômage, la plongée dans la misère, ne sont pas des situations provoquant immédiatement la réflexion politique révolutionnaire. On ne peut même pas dire que toute cette paralysie actuelle – grèves ultra-corporatives, manifestations inutiles – soit à mettre sur le dos des syndicats pourris et des bonimenteurs des partis de la gauche caviar et leurs porteurs de bannières gauchistes et anarchistes. On peut surtout diagnostiquer comme cause de cette paralysie, l’incapacité des millions de prolétaires à imaginer une autre société possible, en commençant par la destruction de celle, actuelle, que nous subissons. Ils ne sont pas seulement responsables de manque d’imagination, d’ignorance de l’histoire de leur propre mouvement, ils sont fainéants, plus fainéants en histoire que les grecs lorsqu’ils font sieste au soleil. Le prolétariat doit faire un effort pour se réapproprier son histoire. Ce n’est pas dans les luttes trade-unionistes d’aujourd’hui qu’il pourra le faire, ni en allant potasser des livres dans une quelconque université du mouvement social, ni sur les conseils de lecture des sectes, mais en s’emparant de la chose politique dans les grands événements auxquels il sera contraint d’imprimer sa marque.
Mon livre d’il y a deux ans, THE END, paradoxalement le moins vendu, garde lui toute son actualité dans le sens de la rupture révolutionnaire, et grâce lui sera rendue un jour.
Mes amitiés à tous mes lecteurs intéressés.
lundi 3 mai 2010
UN PREMIER MAI « prolétarien » DONT PERSONNE NE S’EST APERCU !
Chaque année, depuis 50 ans, le reliquat PCI (bordiguien) publie, et nous a envoyé à la boite aux lettres attendues, le même tract : « Pour un premier mai prolétarien et communiste ! ». Cela ne peut pas vous faire plus d’effet que si ce quarteron de généreux invariables avaient titré « pour un premier janvier prolétarien et communiste ! ». Le 1er mai a été un glorieux symbole de la lutte des prolétaires dans tous les pays, il serait temps de cesser de ridiculiser cette journée commémorative, qui se résume aux petits profits de milliers de pékins vendant le muguet aux carrefours, et aux côtés du ridicule chevalier Bertrand de Thibault du déclin syndical. Je ne dénigrerai point le généreux appel répétitif à l’union des prolétaires toutes catégories confondues, ni la vanité bourgeoise de nous baiser avec sa lyre « collaboration des classes », mais franchement, pourquoi gâcher du papier et des timbres pour nous proposer l’incrédible « leçon du marxisme » comique et conique : « la nécessité du parti de classe pour diriger le combat du prolétariat selon le programme communiste révolutionnaire et en défendant l’invariance du marxisme, c'est-à-dire en définitive l’invariance du but final ». Le parti de classe çà n’a pas marché, le programme communiste est très vague et l’invariance du marxisme du pipo ! Plus grave, camarades bordiguiens, vous demandez aux prolétaires en quelque sorte de recréer des syndicats (« moyens classistes pour la défense exclusive de leurs intérêt immédiats de classe ») mais cela on s’en fiche vu la nullité dans laquelle tombent automatiquement toutes les luttes corporatives. Et quel mépris (ce genre d’organisme « immédiat » plutôt du genre impulsif ne sera jamais pour vous que la courroie de transmission du vélo parti ); sans compter que les revendications immédiates que vous listez sont franchement nunuches et feraient rire tout ouvrier un peu intelligent qui vous lirait. Enfin, rêver d’un Premier mai redevenant cette litanie ronflante stalinienne et anar, c’est nous faire bailler aux corneilles. Please, chers camarades bordiguiens, ne m’envoyez plus ce tract stéréotype, puisque c’est le même depuis un demi-siècle. Et vous économiserez un timbre, ce qui est magistral pour un parti de trois pelés (les dirigeants) et deux tondus (les cotisants).
PS : Un lecteur de PU retraité pauvre m’envoie régulièrement de toute façon vos publications. C’est assez consternant de répétitivité. Innovez bon dieu ! Faites marcher votre cervelle ! N’embouteillez pas les jeunes consciences en recherche d’une théorie vivante pour détruire le capitalisme avec des brouets soréliens comme votre brochure « Les fondements du communisme révolutionnaire », qui montre, ce que j’ai compris depuis longtemps, que Bordiga n’était qu’un disciple de Sorel, reprenant sa théorie du mythe de la violence purificatrice. De toute façon, le milieu dit ultra-gauche, que j’ai essayé de ranimer sous les termes de maximalisme, est mort pour le prolétariat. En plus, comme me l’écrit un très jeune lecteur de Belgique, les vieux machins du CCI au PCI et dérivés ne sont que de vieux barbons de l’éduque naze, parfaitement décrits par ce jeune prolétaire, et dont le ridicule est visible à l’œil nu même s’ils se mettent une plume « communiste » au cul : «Attitude sentencieuse et ton péremptoire de certains militants assez bien protégés des difficiles et quotidiennes réalités du capitalisme, vis-à-vis du reste de la classe salariée (la majorité) qui, elle, les vit ».
La révolution, qui n'est pas inéluctable vu l'état de décomposition avancée du monde et l'incapacité prolongée de la classe ouvrière à sortir de ses petits intérêts de boutiques, ne sera pas plus "avancée" non plus avec les sanctions économiques et la paupérisation imposée aux pays "en faillite" comme la Grèce, et tous les pays finalement (les Etats Unis, avec leur endettement faramineux ne sont-ils pas la zone la plus faillitaire? l'hôpital qui s emoque de la charité?), si une réflexion politique ne se développe pas dans les masses de prolétaires (pas chez les profs ultra-gauches et les cheffaillons syndicaux gauchistes), et en faveur, non de machins d'entreprises, mais de partis politiques révolutionnaires.