PAGES PROLETARIENNES

vendredi 4 décembre 2009

Crise : pourquoi 2009 n'est pas 1929

Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). 02/12/2009 (in Le Figaro).

Article intéressant qui illustre quand même les limites de la lucidité de certains bourgeois. Perrineau différentie une situation actuelle, qu’il croit simplement conciliatrice vis-à-vis du réformisme, avec 1929 où il y aurait eu « radicalisation » ? En oubliant de dire que cette pseudo radicalisation, colère impulsive contre la crise, était canalisée dans l’ornière nationale des fronts popus et des fascismes. Or, malgré les efforts du chauvinisme sarkozien (entre autres) secondé par le PCF, les histoires d’identité nationale font le bide. Pire qu’en 1929, l’absence d’encadrement du prolétariat dans des partis de masse et la méfiance envers toutes les sectes politiques et les inénarrables syndicats, est autrement inquiétante. Mais les politologues ne peuvent ou ne veulent pas le souligner ; sauf si c’est pour nous assurer que les « pauvres sont désespérés » et qu’ils n’ont plus aucun marxisme pour leur enseigner un projet alternatif de société.

JLR

« La crise économique et financière qui a éclaté à l'été 2008 est la crise la plus importante que le capitalisme ait connue depuis celle de 1929. Les effets politiques de cette dernière furent délétères : Hitler arriva au pouvoir en 1933, une vague autoritaire s'étendit sur l'Europe et la démocratie libérale fut sur la défensive, particulièrement en France, avant de céder elle aussi la place à la dictature. Quatre-vingts ans plus tard, c'est souvent au prisme de la crise de 1929 qu'est pensée la question des effets politiques de la crise.

Dans de très nombreuses réactions d'acteurs politiques et d'intellectuels, on insiste sur le caractère menaçant des effets politiques de la crise. Le 16 septembre 2008, l'homme d'affaires Georges Pébereau précise dans un article du journal Le Monde : «… nous sommes dans une période prérévolutionnaire ». L'ancien premier ministre Dominique de Villepin reprend cette antienne en avril 2009 en déclarant qu'il «existe un risque révolutionnaire en France ». Olivier Besancenot prophétise le 1er septembre 2009 sur RMC : «Il faudra que ça pète. » Dans un discours du 29 janvier 2009, le président de la République parle des risques d'un «nouveau totalitarisme». Un même type d'approche est repris par les analystes quel que soit leur bord. À titre d'exemple, Nicolas Baverez, le 16 août 2009, déclare : «La déstabilisation des classes moyennes par le chômage de masse peut mettre en péril la démocratie.» Même si l'on avance que «l'Histoire ne repasse pas les plats», il y a de manière omniprésente la référence aux années 1930 et aux perturbations politiques majeures qu'elles ont connues. Au regard de la France de ces années-là, la situation politique actuelle est pourtant bien différente.

Situation très contrastée

À l'époque, les partis extrêmes du PCF aux ligues fascisantes comptaient presque un million d'adhérents. Qu'en est-il aujourd'hui ? La crise n'a déclenché aucune dynamique militante. Les formations extrémistes restent très faibles : le Front national compte quelques dizaines de milliers d'adhérents, quant au Nouveau Parti anticapitaliste, avec 9 000 adhérents, il ne fait pas recette. Bien qu'active dans l'animation de certains mouvements sociaux, l'extrême gauche est loin d'avoir les moyens de son «grand soir».

La situation dans les urnes est également très contrastée. La crise de 1929 avait nourri en son sein une poussée électorale des extrémismes en France et ailleurs. Aujourd'hui le message envoyé par les urnes semble être beaucoup plus modéré. Si l'on prend comme référence les élections européennes de juin 2009 dans les vingt-sept pays de l'Union et avec la prudence qu'implique une participation faible (40,6 % des inscrits), la plupart des majorités de droite modérée au pouvoir ont été sinon plébiscitées du moins soutenues (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas). Dans l'Hexagone, on a pu constater une progression de l'extrême gauche (de 3,3 % en 2004 à 6,1 % en 2009) mais aussi un déclin de l'extrême droite (de 9,8 % en 2004 à 6,3 % en 2009). Dans l'ensemble, les forces extrémistes ne représentent qu'un modeste poids d'environ 12,5 % équivalent à celui de 2004. Dans un récent sondage Ifop-Valeurs actuelles du 2 novembre 2009 sur les intentions de vote pour une élection présidentielle, le rapport de forces est le suivant : Nicolas Sarkozy 28 %, Martine Aubry 20 %, François Bayrou 14 %, Marine Le Pen 11 %, Olivier Besancenot 9 %, Dominique de Villepin 8 %, Cécile Duflot 5 %, Marie-George Buffet 3 %, Nathalie Artaud 1 %, Nicolas Dupont-Aignan 1 %. Le président sortant arrive largement en tête du 1er tour, les droites rassemblent 48 %, les gauches 38 % et le centre 14 %. Les effets de radicalisation ne sont pas majeurs : l'extrême gauche est en légère hausse (7,1 % en 2007), l'extrême droite est stable (10,7 % en 2007). La première atteint ses meilleurs niveaux chez les jeunes (17 %) et les professions intermédiaires (13 %) particulièrement du secteur public, l'extrême droite gardant un haut niveau d'influence dans la population ouvrière (24 %) et le secteur privé. Pour l'instant on n'a pas l'impression d'un «arc de forces démocratiques» qui craque sous le poids de la crise. Mais les effets dissolvants de celle-ci n'ont peut-être pas fait toute leur œuvre.

Dernier exutoire de la crise : la rue. Dans les années 1930, nombre de manifestations, qu'elles soient à l'initiative de l'extrême gauche ou de l'extrême droite, dégénéraient. Les morts se comptaient par dizaines, les blessés par milliers. La violence politique était bien portée : le secrétaire général du PCF, Maurice Thorez, expliquait en 1931 que «les barricades portent la lutte de classe à son niveau le plus élevé ». L'extrême droite n'était pas en reste sur le terrain de la glorification de la violence et Charles Maurras expliquait doctement que sa «violence tend à fonder la sécurité intérieure de (sa) patrie ».

Recherche d'alternatives

En 2008-2009, nous sommes très loin d'un tel encensement de la violence politique. Certes, aux confins de l'ultragauche, réapparaît une certaine fascination pour une violence parée à nouveau de vertus rédemptrices. Ce courant très minoritaire s'est livré à de véritables saccages à deux reprises, en avril 2009 à Strasbourg dans le cadre de manifestations contre l'Otan puis en octobre à Poitiers lors de la réunion d'un collectif anticarcéral. Cette violence aux confins du terrain sociétal et du terrain politique est le symptôme d'une délinquance qui charrie son lot de malaises liés à la crise et qui est sensible dans le fait, par exemple, qu'après deux années de tendance baissière, les statistiques de la délinquance ont enregistré en août 2009 une forte poussée des vols avec violence sur les douze derniers mois. La crise a des effets perturbateurs mais elle n'a aucun impact de radicalisation politique massive. En cela, nous sommes loin du scénario de 1929 et des années qui suivirent. Et pourtant, la France a un potentiel protestataire non négligeable. Dans une enquête internationale réalisée dans vingt-sept pays, un an après le déclenchement de la crise financière, la France est : le pays où la minorité demandeuse d'un autre système que celui du capitalisme de libre-échange est la plus forte : 43 % de nos concitoyens pensent qu'un tel système «est dans l'erreur et que l'on a besoin d'un autre système», ils ne sont que 29 % en Italie et en Espagne, 19 % en Grande-Bretagne, 13 % aux États-Unis et 9 % en Allemagne. C'est en France, cette fois-ci derrière le Brésil et le Chili, que la demande d'intervention croissante du gouvernement dans la régulation des entreprises est la plus forte : 76 % contre 73 % en Espagne, 70 % en Italie, 56 % en Grande-Bretagne, 45 % en Allemagne et 43 % aux États-Unis. Cette demande interventionniste va même en France jusqu'à une demande majoritaire de contrôle plus étroit des grandes industries par le gouvernement : 57 % contre 53 % en Italie, 45 % en Espagne, 40 % en Grande-Bretagne, 31 % en Allemagne et 24 % aux États-Unis. Cette demande de contrôle s'enracine dans un pessimisme français particulier à la fois vis-à-vis de la crise, mais aussi vis-à-vis de la mondialisation et de l'Europe. 64 % des Français pensent en novembre 2009 que «le pire de la crise reste encore à venir » (Sofres). Parmi les grands pays d'Europe (Eurobaromètre n° 71 de septembre 2009), l'opinion française est une des plus négatives sur l'état de l'économie nationale (87 % des Français considèrent que la situation de l'économie française est très ou plutôt mauvaise contre 78 % en moyenne dans l'Union européenne), 73 % pensent que la mondialisation constitue une menace pour l'emploi et les entreprises en France (contre 42 %) et 51 % que l'Union européenne ne nous aide plutôt pas ou pas du tout à nous protéger des effets négatifs de la mondialisation (contre 36 % dans l'ensemble de l'Union). Nombre de Français ne sont pas contents du monde tel qu'il va et sont à la recherche d'alternatives. Mais contrairement aux années 1930, cette recherche d'alternatives se fait sans remettre en cause le système politique. La protestation sourd mais s'inscrit dans une demande de réforme du système économique et social qui n'a rien à voir avec la recherche de «lendemains qui chantent», caractéristique des années 1930 et qui avait débouché sur la lugubre musique du totalitarisme ».

Dans les années 1930 on fût à la recherche de lendemains qui chantaient les hymnes patriotiques parce que la bourgeoisie pouvait faire croire encore à des solutions nationales. Où sont les solutions nationales avec la crise en 2009 ? Hé Perrineau, réfléchis un peu !

mercredi 2 décembre 2009

Extraits de "Comptes cruels, avec ou sans famille"

UNE TRADITION ROUMAINE

Tante Floritchica me brutalisait quand j’étais enfant et j’avais tellement peur des coups que je lui obéissais sans discuter. Ma mère, une française émigrée, lui avait donné, avant de passer de vie à trépas, l’autorisation de m’élever dans les convenances de l’époque. Elle me battit le jour de mes dix-huit ans mais ce fut pour la dernière fois. Je m’étais enfuie par la porte de la grange pour rejoindre mon petit ami caché. A partir de ce jour qui correspond dans ma mémoire avec le mois d’août 1914, mon intimité se confondit avec les événements du monde. J’étais persuadée que je ne dépendrais plus de tante Floritchica.

Mon fiancé Alexandru n’aimait pas le roi Charles Ier qui mourut avant que la Roumanie ne participe directement à la guerre deux ans plus tard. Alexandru ne perdait jamais l’occasion de critiquer le fils successeur, Ferdinand, manipulé par les Alliés.

Le 27 août 1916, la Roumanie déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie. Je ruminai longtemps en espérant que mon fiancé ne serait pas mobilisé. Malheureusement, je ne pouvais que répéter les paroles du bon Dieu, en émettant des souhaits qui dépendaient beaucoup plus de la boule de cristal et de l’observation des étoiles que d’un raisonnement logique.

Il y avait une heure que je regardais Alexandru enfiler son lourd uniforme, quand on sonna à la porte :

« Le voisin », me cria Alexandru.

Aussitôt, je courus ouvrir. Il se tenait sur le palier légèrement penché en avant. Il avait déjà enfilé son uniforme lui et endossé un lourd sac à dos.

« Bonjour Dorina-Françoise, tu vas bien ? » fit-il avec un air bizarre.

Je m’étais empressée de le laisser entrer et il restait là planté en face de moi, presque collé contre mon corsage. J’allai le repousser violemment lorsque j’entendis Alexandru me hurler de le laisser faire.

« Laissez faire quoi ? » avais-je répliqué, mauvaise.

- Notre armée a besoin de tous les encouragements, continuait Alexandru. On doit la couvrir d’éloges sans restriction. Son esprit chevaleresque protège les arts et les lettres, la veuve et l’orphelin. Comme une femme notre armée a besoin de caresses…

De ces quelques mots, je tirai les conclusions suivantes. Premièrement, ayant découvert depuis cinq mois que j’avais fugué de chez ma tante, que mon existence serait affreusement monotone si mon fiancé partait à la guerre, que la possession de trois poules et quatre lapins ne suffiraient pas à mon bonheur.

Deuxièmement que je ne pourrais pas compter sur le voisin Costica, ce pédéraste, pour remplacer mon Alexandru s’il allait se faire tuer à la guerre.

Troisièmement que Costica était bien trop trouillard pour aller mourir lui aussi. Pendant le troisièmement je ne m’étais pas encore aperçue que Costica fouillait dans ma culotte. De sa chaise où il enfilait ses lourds godillots, Alexandru n’était nullement choqué :

« Quel brave homme que ce Costica ! Et pourtant il n’aime pas les femmes ! ».

J’étais encore rouge de confusion et toute retournée de stupéfaction quand Costica était déjà reparti et avait tiré la porte derrière lui.

Je rajustai mon corsage en laissant éclater ma colère.

« Enfin ! Alexandru pourquoi n’as-tu pas protesté contre ce goujat ? On dirait même que tu l’as encouragé ? Ce que vous êtes vicieux dans ce pays ! ».

Devant tant de courroux, Alexandru n’avait même pas fini de lacer ses souliers et s’était transporté vers moi de son pas lourd de paysan moldave.

« Voyons, ma petite, tu n’es pas accoutumée à nos vieilles traditions. Je te dois en effet une explication. Il s’agit d’une pratique qui remonte à la nuit des temps ici, et probablement à nos origines romaines plus que romanichels. Toujours il a été convenu que le soldat en partance pour la guerre devait foufouner la foufoune de la voisine, pas de sa femme mais de la voisine. Pourquoi ? Je ne saurais te le dire. On dit que cela porte bonheur. Le soldat qui a caressé la foufoune de la voisine part d’abord plus heureux à la guerre. La foufoune est toute proche du lieu d’apparition de la vie et, en la saluant avant de se rendre vers les champs de bataille, le soldat viril rend hommage à sa propre mère et peut espérer que la vie restera son amie… ».

Alexandru s’était affalé dans le vieux fauteuil et avait pris sa pipe d’une main, se préparant à soutenir la discussion qu’il prévoyait.

Je partis à fond de train sur ma vertu outragée. Je m’agitai, m’animai, m’exacerbai contre la cochonnerie masculine et les complicités de ces messieurs. Alexandru réagit comme si ma chère foufoune noire comme le basalte du Mont Dore, si joliment taillée en pointe, avait été seule offensée.

Je m’étais arrêtée pour reprendre haleine.

« Ce sont des balivernes occidentales de bourgeoise austro-hongroise, fulmina Alexandru. Vous croyez que la bénédiction des calotins suffit pour envoyer les hommes à la guerre ? En plus vous les femmes vous n’allez jamais à la guerre parce qu’on vous fait confiance pour continuer à vous occuper des enfants et de nos vieux ! ».

Comme il éructait si fort, le chat Dragomir ouvrait de grands yeux effarouchés.

« Vilaine bête », lui cria-t-il, s’adressant semble-t-il désormais non à moi mais au chat. Je ne m’attendais pas à une telle réaction. Je crus pouvoir le modérer en lui objectant qu’il aurait pu me prévenir, au moins…

« Sainte mère de Dieu ! murmura Alexandru. Faut-il qu’elle soit bêtasse à ce point cette française? »

Dragomir avait filé sous le fauteuil.

« Tu mériterais que je te mette à la porte avec Dragomir pour ton impertinence, reprit Alexandru ».

- Comment peux-tu être aussi abominable avec une femme, répondis-je, sans faire mention de Flora Tristan ?

- Petite effrontée d’occidentale, sache que la mobilisation pour la guerre est aussi sacrée pour nous que l’amour. Crois-tu que je t’aurais laissé coller par Costica s’il ne s’était agi d’une situation exceptionnelle ?

Je devais avoir l’air bien penaude car Alexandru avait adopté un ton dédaigneux. Il méprisait ma compréhension lente. Il déplorait mon absence d’amour du prochain. Il n’admettait pas du tout mon inconscience du précepte patriotique ancestral de la race orthodoxe: Aimez la foufoune de la voisine comme vous-même pour l’amour de Dieu.

A peine avais-je laissé couler une larme que Alexandru, se renversant sur le vieux fauteuil, et, les deux mains sur le ventre, s’abandonna à un rire homérique qui dura si longtemps que je m’aperçus qu’il versait plus de larmes que moi.

« En vérité, dis-je d’une voix tremblante, j’ai été bien sotte de m’enfuir de chez ma tante pour te rejoindre et subir pareilles humiliations ».

« Mais petite tête, répondit-il, reprenant son sérieux, et penchant affectueusement la tête de côté, il faut savoir s’intégrer dans son pays d’adoption…

- En tout cas c’est pas marrant, répondis-je d’un ton maussade.

- Ma chère auvergnate, il n’y a pas de quoi en faire un monde, voyons… cet homme va sans doute mourir pour notre patrie mais il gardera au creux de sa main la douce soie de ta foufoune !

Alexandru me fit asseoir sur ses genoux, me donnant une petite tape sur la cuisse droite.

« Nous irons à Dagrobete »[1].

Je me relevai brutalement en tirant sur le bras du fauteuil qui craqua. Je bondis dehors sans prendre mon manteau ni emporter Dragomir, et je courus à perdre haleine chez ma tante.

« Vilain sauvage »pensé-je.

Me voyant surgir toute ébouriffée, et prête à me jeter dans ses bras, ma tante me stoppa net en me donnant un soufflet comme à un petit chien. Je m’enfuis dans ma chambre où je me barricadai solidement. Mon premier soin fût de me laver la foufoune dans la bassine, et de constater dans la glace que les doigts secs et calleux de ma tante avaient laissé une trace sur ma joue.

« Vieille pétasse, dis-je en montrant le poing à sa photo sur le guéridon avec son mari Grigore, mort et enterré à cause de l’absinthe, tu l’emporteras pas au paradis ! »

Je me laissai tomber sur le lit de paille et pleurai beaucoup.

« Pourquoi étais-je venue m’échouer dans ce pays perdu ? Pourquoi tant de sauvagerie à mon égard ? »

Et je me mis à rire en essuyant mes larmes. M’approchant de la fenêtre ouverte, je contemplai mélancoliquement les ghiocels[2] du jardin. Je commençais à reprendre mon sang-froid. Il me sembla reconnaître la voix de ma tante qui causait avec Alexandru. Je me penchai un peu pour écouter la conversation.

« Votre nièce adoptive n’a pas voulu se laisser foufouner, disait Alexandru. Vous l’avez mal éduquée dans nos traditions. Si elle persiste les autorités la renverront dans son pays ! ».

- Je voudrais bien voir ça ! Je l’ai pourtant assez souvent rossée pour qu’elle comprenne les habitudes de nos ancêtres…

- Bah ! Vous n’aviez qu’à pas la laisser s’échapper. Elle recommencera et se jettera dans les bras du premier venu qui lui offrira de gagner un autre pays, et vous n’aurez plus de nourrice pour les enfants du prêtre.

- Ah ! Bien nous verrons, mais elle ne retournera jamais chez vous.

Ils s’étaient éloignés et je n’avais pas entendu la fin de la phrase. A l’appel de ma tante pour le dîner, je refusai de paraître. A la nuit tombée j’allai trouver Floritchica dans sa chambre. J’allai lui demander pardon. Elle grognait toujours. Elle avait la mine d’un contrôleur de chemin de fer.

« Tatie Floritchica, lui dis-je, en me penchant sur ses mains, doit-on se laisser foufouner par les voisins ?

- qui t’as dit une sottise pareille, mademoiselle ?

- Alexandru quand Costica est entré pour me faire la chose.

- Ce n’est pas un voisin comme les autres ce Costica, c’est un soldat qui part pour défendre notre mère-patrie.

- Mais on est obligée de…

- Cela ne te regarde pas, mais je veux que tu saches qu’un voisin qui part à la guerre n’est plus un voisin comme les autres !

- Je veux, je veux… comment tu parles. Mais est-ce que tu t’es laissée tripoter la foufoune par un voisin soldat toi ?

- Plus maintenant, à mon âge, mais j’ai toujours respecté la tradition jadis.

- Tu mens tatie Floritchica, je ne te crois pas. Cela n’existe pas en France cette tradition.

- En France vous ne connaissez rien. Les hommes partent à la guerre sans foufouner et c’est pourquoi ils meurent en grand nombre.

Ma tante s’était tournée vers le mur et ne voulait plus me répondre.

Je filai à nouveau dans ma chambre, très agacée, et restant longtemps accoudée à la fenêtre, je pris la neige, les perce-neiges et les étoiles à témoin que je formais la résolution immuable de me laisser foufouner si on ne me battait plus. En faisant tomber la neige amassée sur le rebord de la fenêtre, je jetai en même temps au vent ma répulsion, ma pusillanimité et mes timidités de française. Je sentis que je n’étais plus la même et m’endormis consolée.

Dans la nuit je rêvai que Costica, monté sur un cheval fonçait sur les austro-hongrois, en dépeçait cent et plus encore. Puis il revenait au camp en criant « Vive la France ! ». Pendant ce temps, mon pauvre Alexandru était fauché par une rafale de mitrailleuse. Il avait oublié d’aller foufouner une voisine. Etait-ce de ma faute ? Je m’étais réveillée, en sueur, hébétée, haletante, comme si ma tante avait tenté de m’étrangler.



[1] La Dragobete avait traditionnellement lieu le 24 février. Elle devint la fête des amoureux comme la Saint Valentin alors que ce n’était pas sa vocation première. Il s’agissait à l’origine de la réconciliation entre l’élément féminin et l’élément masculin, avant l’arrivée du jeûne de Pâques, lequel reconnaît l’autorité féminine. Les femmes et les jeunes filles vont alors en forêt, cueillir des fleurs, ce qui représente un premier geste de sacrifice du végétal qui renaît, incarnant la force de la vie. Indifféremment du fait que les rencontres en forêt généraient parfois une certaine intimité, la fête gardait un caractère solennel, et restait sous le signe de l’offrande des premières fleurs. Il s’agissait de l’une des fêtes comportant le plus de délicatesse et sensibilité, et c’est probablement la raison pour laquelle elle a disparu. D’où venait le nom de Dragobete ? « Drag » veut dire cher dans le sens sentimental. Le suffixe « bete » donne une connotation d’autorité, de virilité, de masculinité dans le sens d’autorité. « Vrabete » est le nom donné au moineau mâle. En Roumanie le 24 février est la Saint Jean Baptiste (Sfantul Ioan Botezatorul). La personnalité du Saint est synonyme de changement d’attitude, de réflexion sur le comportement individuel. Le geste de la cueillette des fleurs était considéré comme le sacrifice des premiers fruits de la terre, en l’honneur du martyr décapité. Cette explication, plus proche de la mentalité roumaine, excluait tout érotisme, et s’éloignait nettement de celle de la Saint Valentin, festivité occidentale où l’aspect érotique domine.

[2] Perce-neige.

lundi 30 novembre 2009

APPELER A LA REVOLUTION DU HAUT D'UN MINARET?

LE MONDE ACTUEL EST-IL ENFERME DANS

UNE NOUVELLE «REVOLUTION CONSERVATRICE"?

1. LA SEDUCTION D’UN MARXISME (Châtré) PAR SES ENNEMIS

« La révolution moyenneuse ! Comment l’allez-vous faire belle face ? Je décrète salaire national 100 francs par jour (…) Plus de chômage bien entendu. Comment vous supprimez ça ? Je nationalise les Banques, les mines, les chemins de fer, les assurances, l’industrie, les grands magasins… C’est tout ? Je kolkhozifie l’agriculture à partir de tant d’hectares, les lignes de navigation, je ramasse le blé, les froments, l’élevage des génisses, et les cocottes avec leurs mufs (…) Faut pas du grand communisme, ils comprendraient rien, il faut du communisme Labiche, du communisme petit-bourgeois, avec le pavillon permis ». Louis-Ferdinand Céline

(cité in « La gauche réactionnaire » de Marc Crapez, ed Berg international 1997, assorti d’une mesure concrète célinienne : « 35 heures c’est maximum par bonhomme et par semaine)

« Il faudra bien qu’on accepte le fait qu’aucune religion n’est vivable dans sa lettre, et qu’à prendre le symbole pour argent comptant et divin, on ne parvient qu’à une violence et une intolérances intolérables. La religion constitue l’une des réponses aux besoins de tension de l’esprit et de l’émotion humaine. Instrumentalisée comme mode de contrôle social, elle devient un alibi extrême du conformisme, de la violence ou du pouvoir. «

Philippe Engelhard

En écartant la théorie marxiste de la classe révolutionnaire, l’analyse abstraite de la crise économique peut fort bien être un élément assimilable, non contradictoire, pour les idéologues de la bourgeoisie, de la gauche à la droite et à l’extrême droite. Daniel Lindenberg, dans son ouvrage « Rappel à l’ordre » (2002) soutenait la thèse d’un reclassement de l’intelligentsia française à droite, et listait les « nouveaux réactionnaires » comme s’inspirant de la pensée d’avant-guerre de Charles Maurras hostile à la démocratie. Pour appuyer son argumentation il évoquait la décomposition durable de la gauche bourgeoise et le triomphe du sarkozisme au milieu d’une Europe dirigée par la droite bourgeoise. Que la droite planétaire s’avère seule à même à gérer sans illusion la faillite du capitalisme, personne ne le conteste. Les Chavez, Zapatero et Obama ne peuvent être considérés comme un personnel classique de gauche ; ils ne sont que des intermèdes dans la rotation au pouvoir des différentes familles politiques bourgeoises, plutôt de droite traditionnelle, la gauche ne signifiant plus ni projet de société ni nouvel œil de Moscou.

Tous sont d’ardents défenseurs de la démocratie innocente sur fond d’exploitation éhontée, de guerres locales sans fin et de coups bas entre cliques nationales et religieuses. Il n’y a pas d’unité intrinsèque entre les différentes factions bourgeoises. Le concept d’islamo-fascisme n’abuse personne et valide plutôt une vague islamophobie (couplée ou opposée à l’antisémitisme) très nationaliste oecuménique en Occident. Globalement, la légende antifasciste sert encore de support à l’idéologie démocratique régnante sous cet argutie parfaitement hypocrite de la « tolérance » ; c'est-à-dire à la fois « tolérance zéro » du point de vue national policier et « tolérance bigote » aux encadreurs religieux des prolétaires sous la coupe de l’idéologie musulmane.

Si révolution néo-conservatrice il y a, il faut bien considérer qu’elle s’opère comme bourrage de crâne national et religieux. La nation, comme entité économique est pourtant moribonde depuis le début du siècle dernier. La Seconde Guerre mondiale en a révélé la fatuité avec l’émergence des blocs dominants auxquels ont succédé de grandes puissances géopolitiques qui méprisent les nations secondaires. L’Europe, qui est une impuissance durable elle aussi, n’a pas réussi à illusionner les classes opprimées auxquelles on concède désormais que l’alternative c’est « la nation ou rien », « le minaret ou l’expulsion », éliminant de l’équation l’élimination communiste des frontières. Le capitalisme lui n’a pas de frontières pour son négoce, mais il est exclu d’abolir les frontières religieuses pour le prolétariat au risque d’imploser le système en laissant s’affirmer l’identité sociale contre l’identité nationalo-religieuse. C’est pourquoi une immense masse d’apatrides sans papiers est filtrée plus que jamais aux frontières des grandes puissances et ceux qui sont acceptés se voient offrir des minarets. L’idée dominante est simple : seul le cadre national peut permettre de parquer les prolétaires, de les policer, de les surveiller, d’empêcher toute simultanéité de leurs luttes et réflexion sérieuse sur l’avenir de cette société.

Avec sa prétention d’afficher un monde où la circulation serait libre pour tous les humains, quoique seulement pour les marchandises, comme succédané à la fin de l’empire du « mal communiste », la bourgeoisie ne trouve pas meilleure solution que de ranimer l’idéologie nationale et religieuse, dès l’école, dans l’entreprise, exutoire à la compétition économique et politique (cf. l’apolitisme exigé par SFR contre les autogestionnaires du syndicat SUD…). D’ouest en est, du nord au sud, les équipes de football, nouveaux missionnaires post-coloniaux, se chargent de propager la belle redécouverte, quand le footballeur portugais se signe (de croix) avant d’entrer sur la pelouse et quand son collègue égyptien lève les yeux au ciel pour convier Allah au but du jour.

En France, en Angleterre, en Allemagne, en Grèce un national-libéralisme s’affiche sans complexe.

Aux Etats-Unis, le drapeau US flotte à chaque coin de rue et les sectes religieuses prolifèrent.

En Afrique et au Moyen-Orient, le nationalisme fait florès avec la burça. Des manifestants se font encore tuer pour un drapeau chauvin dans l’espoir du paradis.

En Russie, Poutine a installé un national-tchékisme, supranationalisme arrogant et agressif. Les trotskiens bourgeois ont longtemps tenté de nous faire croire que les lobbies mafieux avaient succédé à l’ « Etat ouvrier dégénéré », mais c’est le KGB qui renaît sans cesse de ses cendres, avec des méthodes de violence et de cruauté bien plus raffinées et modernisées. Les élections y sont plus truquées qu’en Occident, où on est rassuré de savoir qu’elles le sont plus subtilement…

Les trotskiens, par leur participation aux élections frauduleuses, se sont engagés eux aussi dans une sorte de national-bolchévisme en s’alignant sur le projet « national industriel » de leurs compétiteurs et amis du PCF, de la CGT et du « front de gauche » et en s’agitant vainement dans les impasses du syndicalisme.

2. Une renaissance du fascisme se profilerait-elle derrière la triomphante conservation sociale et sa glorieuse tolérance religieuse?

Comme partout ailleurs, en France il n’y a jamais eu de possibilité de renaissance du fascisme depuis 1945 (malgré les exactions militaires au Chili et en Argentine), lequel ne fût ni une création française ni un besoin pour la bourgeoisie pour faire face à un prolétariat qui n’a jamais plus fait de révolution depuis 1871. Le fascisme imaginaire régulièrement invoqué depuis la « Libération » n’a été qu’un repoussoir idéologique sans conséquences autres que des joutes parlementaires et des bagarres de colleurs d’affiches, relayées hélas à la fin du siècle dernier par quelques assassinats de pauvres prolétaires immigrés. La société française a été plutôt hantée par la propre lâcheté de ses classes dominantes gouvernantes, un remake du vichysme comme l’a fort bien analysé l’historien Pierre Milza, devant le spectacle de quelques hallucinés vieillards pour une nouvelle croisade de l’Occident chrétien derrière le chevau-léger Le Pen. Le mouvement le plus illustrateur de cette fable diabolique aura été, toujours en France, le MNR de Malliarakis. Ce « mouvement nationaliste révolutionnaire » répudiait toute filiation avec l’hitlérisme, ni contre-révolutionnaire – puisqu’il n’y avait pas de révolution à mater – malgré l’admiration de Malliarakis pour Mussolini. N’était remis en cause ni le régime républicain ni le pluralisme politique de la démocratie bourgeoise. Il incarnait un « fascisme de gauche » partisan du dirigisme d’Etat et de la planification. Pas un poil de différence non plus avec toute une partie du personnel politique bourgeois de droite et de gauche dans la haine du capitalisme apatride (précurseur de l’alter-mondialisme qui se conjugue à présent en « nationalisme industriel » avec le PCF) lequel se repose encore sur une stratégie électorale nationale et un antiaméricanisme farouche plus virulent encore que contre l’ancien bloc de l’Est. Cette nouvelle édition de l’indépendance nationale, très proche du gaullisme, trouva sa meilleure expression dans le lyrisme de Malliarakis : « Nous n’avons pas pour espoir que la communication entre les hommes passe obligatoirement par un mélange entre le coca-cola et la vodka. Non, non et non ! Ce que nous appelons, c’est le retour d’un Age d’or européen se réveillant comme Frédéric Barberousse du flanc de sa montagne. Nous ne serons pas les Québécois de l’Europe, les Peaux-rouges de l’Occident, les Palestiniens de la Chrétienté ». Pour Malliarakis, le PCF néanmoins national lui aussi (et auquel il attachait une trop grande importance), devait être détruit comme « une Carthage rampant sur notre sol ». Les militants du MNR n’étaient que les « héritiers du romantisme révolutionnaire » et les « ennemis héréditaires du capitalisme louis-philippard ». aux accents très aristocratiques, quoique ultra-marginaux ! Il exista au début des années 1960 un squelettique « parti prolétarien national-socialiste » dont le führer était Jean-Claude Monet, petit neveu du peintre impressionniste. L’extrême droite française connut son grand impact médiatique à l’époque de la guerre d’Algérie avec les meurtres de l’OAS. On a oublié qu’entre 1977 et 1980, 122 actions criminelles ont été imputables à diverses organisations de type néo-nazi, quand bien même elles ont été le fait parfois d’une poignée de psychopathes isolés de ce même milieu. Le problème avec ce type de mouvance est qu’il a toujours été difficile de prouver d’où venaient l’argent et la logistique qui les soutenait. Sans nul doute, l’appareil d’Etat gaulliste de l’époque, en particulier avec le SAC, a manipulé quelques uns de ces individus. La FANE (fédération d’action nationale et européenne) de Marc Frederiksen fondée en 1966 était issue de la mouvance d’extrême droite favorable au maintien de la colonisation. Son organe « Notre Europe » pouvait exalter une Europe « nationale-socialiste et blanche », appelant à une « alternative révolutionnaire et raciale contre le joug parlementaire ».

De nos jours, les adeptes du complot terroriste vengeur ont indubitablement des liens avec telle ou telle grande puissance, et particulièrement avec les oligarchies arabes. Un certain nationalisme arabe reste nostalgique de l’empire SS. Au cours des sixties déjà, le hooliganisme à croix gammée, avec ses Hell s’ angels aux Etats-Unis, avait retrouvé des airs de jeunesse, comme il s’est réaffirmé avec nombre de cénacles antisémites dans les pays de l’Est de nos jours. Il existe en permanence en Europe un iceberg extrémiste élitaire dont un des pics est le site Arrrgh, qui dispose de réseaux de soutien et dont les « bras armés (sont) en relation avec les centres de commande et les sponsors du terrorisme international » (Milza), et qui se sont successivement trouvés en Libye, dont les ramifications principales aboutissent de nos jours à Téhéran ; qui n’est que l’arbre qui cache la forêt de grandes puissances en lice. Les combattants de la plume au service des purificateurs de la race (couverture de tout impérialisme local multiracial) sont apparus souvent dans les poubelles des partis socialiste et communiste. Ce fût le cas de Paul Rassinier, auteur du mensonge d’Ulysse, qui était un « socialiste libertaire ». Ce sera le cas également de Pierre Guillaume, exclu du groupe Socialisme ou Barbarie. La négation des chambres à gaz a permis un temps à des plumitifs (futurs médaillés sarkoziens) de réussir quelques beaux coups médiatiques en tirant de leur obscurité quelques pseudo-chercheurs habiles à tirer partie du scandale concernant l’inépuisable trouble provoqué par le marais des mensonges autour de la Seconde Guerre mondiale. En 1987, le mystère du financement de librairies d’extrême droite était levé par la révélation de leurs liens financiers avec Wahid Gordji, numéro deux de l’ambassade d’Iran à Paris. Un point commun à ces amis paradoxaux : l’apologie du IIIe Reich et de son « aristocratie noire ». On a le romantisme qu’on peut même en oubliant la fin lamentable de Hitler et son panier de crabes qui se sont entretués pour tenter de sauver leur peau.

3. LA COMEDIE DES EXTREMES :

Le système parlementaire démocratique a gardé la configuration des assemblées de la révolution française dans un arc qui se déployait des rangs de gauche face à la tribune aux rangs de droite. Dans chaque parti il y a toujours des orthodoxes, des centristes et des extrêmes. Or la qualification d’extrême ne signifiait pas grand-chose jusqu’à la seconde guerre mondiale et au triomphe du nazisme. Les camps impérialistes occidentaux ont triomphé du camp de l’Axe Allemagne-Japon en les dénonçant comme extrêmes et inhumains (oubliant à l’époque à dessein Hiroshima et les massacres du père des peuples…). L’antifascisme (vainqueur du fascisme disparu) est resté longtemps le credo des gouvernants pour faire suer le burnous en Afrique comme en métropole. Mai 68 l’a foutu par terre. Toutes les fractions bourgeoises sont inexcusables. Désormais on a fabriqué l’antiterrorisme pour suppléer à cette idéologie évanescente. Il ne faut pas confondre terrorisme et extrême droite. Dans les années 1930 l’extrême droite n’est pas plus terroriste que l’extrême gauche (dite, PCF opportuniste et minorités trotskistes d’alors). Des auteurs classifiés à l’extrême droite, pamphlétaires brillants comme Bernanos tirèrent les mêmes conclusions que les révolutionnaires et Simone Weil et Orwell sur le drame espagnol. Nombre d’entre eux ne rejoignirent ni Hitler ni Pétain. L’extrême droite classique en France, même avec son aile antisémite la plus stupide, n’est qu’une fraction traditionnelle de la bourgeoisie, la plus nostalgique du féodalisme. Un grand nombre de dirigeants politiques actuels de la droite ont menés leurs études à la fac d’Assas, traditionnellement repaire des étudiants de l’extrême droite, voués aux gémonies par les bien-pensants gauchistes de naguère.

Ce que j’ai toujours dit pour l’extrême gauche est aussi valable pour l’extrême droite. Les petits syndicats ou partis de cette mouvance sont aussi une école de formation de base pour futurs managers encore étudiants agités du bonnet. Donc de même que les Jospin, Cambadélis, Mélanchon, Dray , etc. n’ont rien à se faire pardonner pour leur passé trotskiste (une vague « erreur de jeunesse »), de même les Devedjian, Madelin, et Sarkozy (qui défilait lui aussi avec l’extrême droite dans sa jeunesse) n’ont pas plus à se faire pardonner pour leur adéquation à gouverner la nation. L’idéologie élitaire en France reste celle des Jésuites, le « libérateur » De Gaulle était resté un adepte de l’antisémite Charles Maurras en philosophie. La famille Giscard d’Estaing était pétainiste. Mitterrand a été ministre de Pétain. Le terrorisme qui existait en France au temps de la guerre d’Algérie, où l’OAS posait des bombes en défense de la fraction colonialiste française, n’avait pas l’appui de toute l’extrême droite ni de toute la droite, mais servit de masque à une partie de la bourgeoisie avec des généraux voulait empêcher la bourgeoisie US de récupérer les morceaux de l’Empire à laquelle elle n’avait plus droit comme puissance inférieure. Une fois cet épisode peu glorieux passé, de nombreux patrons petits ou grands ont continué à financer le FN, en rêvant d’un monde sans syndicats ou sans grèves ; c’est ce que je nomme la bourgeoisie archaïque. Les gauchistes français ont longtemps recruté impulsivement sur la dénonciation simpliste de l’extrême droite comme entité homogène figurant le mal absolu capable de renaître de ses cendres « fascistes ».

Le chemin en politique n’est donc pas impénétrable. Le cheminement des militants de toute sorte est séculairement une quête pour la meilleure (et la plus rapide) voie pour accéder au « pouvoir ». Au mieux ils se partagent la tâche ; j’ai connu un militant du Front national qui avouait que les troupes des « extrémistes » se répartissaient les lieux de collages d’affiche avec les gauchistes trotskistes. Dans un gouvernement vous pouvez avoir un ancien leader maoïste comme Kouchner assis avec Devedjian sans qu’ils se foutent sur la gueule.

Au Japon, non seulement le criminel Hiro Hito a été maintenu au pouvoir par les Américains mais nombre de fonctionnaires du « Japon nazi », comme en Allemagne, ont été maintenus aux commandes. Le mensonge sur le revival de la méchante extrême droite est donc universel et minable.

4. L’effondrement du gauchisme

L’effondrement du gauchisme à partir du milieu des années 1970, sa débandade idéologique bien avant la chute de la maison stalinienne, présentée comme crise du marxisme, permit une percée idéologique non à tous les nostalgiques du IIIe Reich contre un monde « en décadence », mais aux intégrismes républicains et religieux. Le gauchisme, il faut le reconnaître aujourd’hui n’était pas de façon grossière l’ami du « grand capital » comme s’en plaignait Marchais – bien qu’il ait été conscient de son utilisation par l’Etat libéral – mais a servi indubitablement, sponsorisé par les médias, à affaiblir l’hégémonie stalinienne en milieu ouvrier. En milieu étudiant, comment se fait-il que le pouvoir gaullien puis pompidolien, ait laissé les divers cénacles gauchistes se réunir à leur aise dans les lieux de l’éducation nationale ? Sans répression policière, les divers gauchistes pouvaient se réunir dans les facs, dans les salles de l’ENS avec l’accord explicite de leurs directeurs dont le laxisme signifiait : tout ce qui peut affaiblir le PCF est bienvenu ! Les « Sorbonnes » ont pu être occupées une dizaine d’années sans problèmes car plus jamais on ne voulait d’une bagarre virant à la grève massive pour « libérer la Sorbonne » comme au début d’un certain mois de mai. La Sorbonne demeure occupée par ses étudiants depuis 40 années et cela ne décoiffe plus aucun gouvernement.

La nouvelle droite avec Alain de Benoist et son GRECE n’inventa rien de neuf mais ne fit que se balader au milieu du cimetière d’idées gauchistes. Elle opéra un tournant léniniste de l’ultra-droite en forme d’autocritique de ses vieilles stratégies terroristes. Elle s’efforça de capter le champ culturel en se mettant à l’école du stalinien Gramsci, fondant un « gramscisme de droite » : la « métapolitique », ôtant à l’ultra-gauche gauchiste sa prétention à une « révolution culturelle », irradiant jusque dans les cercles francs-maçons du pouvoir et ainsi que parmi un certain nombre d’universitaires renommés, les Pierre Debray-Ritsen, Mircea Eliade, Julien Freund, Jules Monnerot et les Arthur Koestler,Louis Pauwels, Thierry Maulnier, Raymond Abelio. Ce mouvement combla peu à peu le vide laissé par la déroute gauchiste et éliminant les simplismes de « l’idéologie égalitaire ». et la « tyrannie de l’universel » ; tâche aisée, l’idéologie égalitaire étant d’ailleurs complètement anti-marxiste . La démocratie capitaliste se fonde hypocritement sur l’égalité alors que la règle de la nature est l’inégalité ou plutôt l’altérité. L’ultra-droite voltairienne était née du réseau Voltaire, avec les Meyssan et Lacroix-Ritz, aux communisateurs. La porte était ouverte aux trotskiens désenchantés, aux ultra-gauches communisateurs et à tous les prêcheurs naturiens d’une « révolution humaine ».Dépité de ne pas être reconnu comme le gardien du temple situationniste, un collaborateur intellectuel d’Etat, Bourseiller assure tout récemment que Guy Debord a pu influencer ou renouveler l’idéologie de la nouvelle droite ; il écrit : « Debord incarne un dandy de la littérature, comparable à Nimier ou Mishima. On insistera sur un certain nihilisme, une posture désespérée, l’art de mettre en scène sa vie quotidienne et son propre destin (…) Debord s’inscrit également, aux yeux des néo-droitiers, dans l’héritage conjoint de Max Stirner et de Julius Evola ». Bourseiller avait été précédé et secondé par François Bochet qui lors d’une conférence sur Bordiga - (http://www.dantealighierilimoges.fr/culture/12-conferences/24-vie-et-uvre-damadeo-bordiga)- croyait pouvoir assurer que Bordiga était plutôt copain avec Mussolini (qui aurait empêché finalement qu’il soit déporté au goulag en le gardant au chaud « au pays » dans l’île d’Ustica)…Bochet présumait que cela aurait amusé Bordiga que Mussolini ait mis la pâtée aux ploutocraties anglo-saxonnes. Le parcours de Bordiga ne serait fait que de « discontinuités » (sic le nom de sa revue moderniste réviso). Bochet cite par habitude superficielle Heidegger à tour de bras. Bordiga aurait parlé d’humanité là où Marx ne parlait que de classes… Bordiga aurait été au-delà de la théorie de classe, « au-delà du scientisme et du léninisme » ; selon la version bochetienne, la science n’est pas du côté de la révolution mais une alliée du capital contre l’humanité. Bordiga aurait eu finalement une approche anti-scientifique de la révolution « humaine ». Pauvre Bordiga qui prévoyait que la révolution aurait lieu avec la crise, quand finalement la révolution n’a pas eu lieu ! Bochet, à la suite de Camatte, n’a fait qu’ouvrir la voie aux marginaux intellectuels communisateurs et à tous les défroqués du CCI en compagnie de R.Victor, qui ont porte ouverte désormais sur le site de Perpectives internationalistes pour confronter leurs doutes intellectuels et leurs reniements du combat historique du prolétariat.

5. LES DESESPERES DU GAUCHISME CONVERTIS A LA RELIGION DU COMPLOT

Loin de toutes finasseries sur le terrorisme de la RAF et d’AD comme expression d’une culpabilité revancharde contre les « pères nazis », il nous faut bien considérer que le terrorisme occidental des années 1970-80 n’a été aussi qu’un produit de la décomposition du stalinisme et du gauchisme. De même on a jeté le bébé marxiste avec l’eau du bain stalinien pour la plupart de ceux qui avaient baigné dans le marais gauchiste et trotskien, comme on a jeté la classe ouvrière aux oubliettes dans l’espoir de conserver l’idée communiste comme un « bien humain » universel. Sans être ralliés à l’extrême droite formellement, des individus se qualifient encore de « communistes » sans aucune finalité politique concrète. Sur le site Arrrgh, François Savel prend la défense de l’isolé Bochet : « Pour nous, F.(Bochet) est un communiste bien plus conséquent que bien des militants des divers groupes de la Gauche communiste qui tentent d’y survivre. F. est pour nous communiste car il est profondément anti-démocrate et partisan de la refondation de la communauté humaine. L’idée d’être communiste sans prolétariat doit être intolérable à bien des militants… F. est fidèle à l’esprit de Bordiga (sic !) ». Quoique « la mythologie du prolétariat n’est pas plus valide que la mythologie de la ré-immergence de la nature » !!? Nietzche est appelé en renfort : « Les travailleurs sont devenus des ouvriers d’usine. Ils ont perdu la préoccupation du tout ». Mais le « tout » était philosophique et non pas politique ni réaliste chez Nietzche !

Un tel « affaissement politique » se double inévitablement du soutien à des minables comme Gollnisch (néanmoins professeur de japonais) et le triste Soral, puis se couple avec la mise à l’index du socialisme des exclus : « Le lobby juif dirige bien la massue d’Auschwitz qui doit faire taire quiconque remet en cause sa politique en brandissant l’antisémitisme ». Nul doute qu’il existe un lobby israélien, comme un lobby français ou chinois, mais la fixation sur un des lobbies n’excuse pas la domination capitaliste multiforme dans son ensemble. Ces considérations hétéroclites s’octroient de s’appuyer sur le plus grand penseur ultra-gauche contemporain Gille Dauvé qui résume à lui seul la pensée de tous les intellectuels révisionnistes, communisateurs et contemplateurs : « les révolutionnaires (prolétariens) ont une ou deux révolutions de retard » ! D’autant que la révolution « prolétarienne » s’est fait trop attendre pour les intellos paumés au point de n’être plus être crédible ! Difficile pour ces ultra-gauchistes hors du milieu maximaliste des défenseurs du prolétariat de ne pas se retrouver en phase avec tous les anti-soixantehuitards. Dans un article sur Mai 68, Rivarol (du 2 mai 1968) conclut : « Avec Sarkozy et Carla Bruni, avec Kouchner au Quai d’Orsay et Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international, le slogan « Nous sommes tous des Juifs allemands » clamé par les Enragés garde une actualité plus brûlante que jamais quatre décennies plus tard ». Pour ces gens Mai 68 aurait été planifié dans le cadre d’un complot ourdi par les « soviétiques » pour déstabiliser l’Europe (ce vieux concept fasciste de bloc impérialiste) quoique ladite extrême droite ait plutôt en général joué un rôle d’auxiliaire de la police libérale… Au royaume de la confusion idéologique chacun cherche son propre tireur de ficelles. L’ultra-gauchiste - souvent ancien maoïste ou ancien trotskien et en général de cette espèce d’anarchiste qui trahit jour et nuit son opinion de la veille - se console avec les simplismes de l’extrême droite accuse les sionistes qui sont « partout ». Le fondamentaliste le rejoint immédiatement et obtient le soutien du gauchiste moyen qui accuse l’empire américain. Tous ces désespérés se refusent à intervenir dans la lutte des classes, et laissent la politique à la « gauche du capital » qui n’en demandait pas tant. En lien avec leur subconscient fasciste élitaire, les « communisateurs » se paient même le luxe de proclamer que le (leur) communisme « n’est pas démocratie vraie », alors que le but du communisme prolétarien est justement la véritable démocratie qui n’a jamais encore existée ! Ce ne sont donc pas de nouveaux fascistes mais des rebelles impuissants individualistes et sans cause. La posture intellectuelle du rebelle s’effondre dans son individualisme petit bourgeois.

Il faut donc recourir ici à une longue citation classique de 1879 qui ramène à leur juste nullité nos petits bourgeois désespérés et confusionnistes sans avenir ni communiste ni ministériel :

« Ce sont les représentants de la petite bourgeoisie qui s’annoncent ainsi, de peur que le prolétariat, entraîné par sa situation révolutionnaire, “n’aille trop loin”. (…)Quand on écarte la lutte de classe comme un phénomène pénible et “vulgaire”, il ne reste plus au socialisme que de se fonder sur le “vrai amour de l’humanité” et les phrases creuses sur la “justice”. (…)Au lieu de quoi, des tentatives pour mettre en harmonie les idées socialistes superficiellement assimilées avec les opinions théoriques les plus diverses que ces messieurs ont ramenées de l’université ou d’ailleurs, et dont l’une est plus confuse que l’autre, grâce au processus de décomposition que traverse actuellement ce qui reste de la philosophie allemande. Au lieu d’étudier sérieusement la nouvelle science, chacun préfère l’arranger pour la faire concorder avec ses opinions apprises, se fabriquant sans cérémonie une science privée et affichant aussitôt la prétention de l’enseigner aux autres. C’est pourquoi il y a parmi ces messieurs à peu près autant de points de vue que de têtes… Deuxièmement: lorsque ces individus venant d’autres classes se joignent au mouvement prolétarien, la première chose à exiger est qu’ils n’y fassent pas entrer les résidus de leurs préjugés bourgeois, petits bourgeois, etc., mais qu’ils fassent leurs, sans réserve, les conceptions prolétariennes (…) Quant à nous, d’après tout notre passé, une seule voie nous reste ouverte. Nous avons, depuis presque quarante ans, signalé la lutte de classe comme le moteur de l’histoire le plus décisif et nous avons notamment désigné la lutte sociale entre la bourgeoisie et le prolétariat comme le grand levier de la révolution sociale moderne. Nous ne pouvons donc, en aucune manière, nous associer à des gens qui voudraient retrancher du mouvement cette lutte de classe. Nous avons formulé, lors de la création de l’Internationale, la devise de notre combat: l’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre de la classe ouvrière elle-même. Nous ne pouvons, par conséquent, faire route commune avec des gens qui déclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour se libérer eux-mêmes, et qu’ils doivent être libérés par en haut, c’est-à-dire par des grands et petits bourgeois philanthropiques (…)

MARX et ENGELS (crétinisme parlementaire et opportunisme, repiqué sur le site La Bataille socialiste).

6. COMPLOT DE LA RELIGION OU RELIGION DU COMPLOT ?

La faiblesse actuelle du prolétariat et la dissolution de toutes les élites intellectuelles permettent de donner libre cours aux mystifications d’Etat – formes améliorées du système de domination qui ne sont pas simplement et limitativement « complot » - mais formes de la domination bourgeoise, bataille perverse et sanglante pour maintenir l’ordre capitaliste et préparer une nouvelle « guerre internationale », seule solution à la crise systémique.

En 2008, un auteur marginal, Yves Coleman, qui a le mérite malgré ses confusions idéologiques héritées du trotskisme, de se pencher plus que tous les groupes marxistes réunis sur l’idéologie moderne, développe un questionnement pertinent bien que marqué au coin des illusions d’une tolérance frelatée et pro-occidentale. Dans un numéro triple de sa revue « Ni patrie ni frontières », il se penche sur les :

« mythes mortifères et «idéologies rances»: religions, racismes et nationalismes. Pourquoi «rances» parce que ces vieilles idéologies semblaient avoir été jetées dans les poubelles de l’Histoire où elles se décomposaient lentement. Néanmoins, elles paraissent connaître un regain de popularité aussi bien dans les métropoles impérialistes que dans les pays de l’ex-«tiers monde». Mais, nous objectera-t-on, ce réveil religieux n’est-il pas un ultime sursaut devant une sécularisation inéluctable? En effet, dans un pays comme la France par exemple, le dernier sondage réalisé sur les convictions religieuses des Français donne un résultat assez étonnant: non seulement il n’y aurait plus que 50 % de «catholiques», mais en plus, parmi ces derniers, 31% ne croiraient pas en Dieu mais seulement en une vague force supérieure ! D’autre part, dans les pays dits «arabo-musulmans», de nombreux auteurs affirment que le renouveau religieux ne serait qu’une façon de revendiquer une identité nationale (celle de l’introuvable «nation arabe») constamment humiliée par les différents impérialismes européens et américain. Et il en serait de même pour la petite minorité de musulmans qui, en Europe, se tournent vers les différentes formes de salafisme et ne feraient ainsi que répondre au racisme des sociétés majoritairement «blanches» et à une crise d’identité liée à leur impossibilité de devenir des «citoyens» comme les autres. Certes ces explications rendent compte d’une partie de la réalité, mais elles ont le redoutable inconvénient de déplacer la discussion sur le terrain de l’«islamophobie» et d’un «racisme antimusulman» (concept absurde puisque la religion ne peut en aucun cas être assimilée à une couleur de peau ou un aspect physique quelconque). Et ceux qui pratiquent ce sport de l’esquive ne se gênent pas en même temps pour dénoncer (avec raison) les méfaits du fondamentalisme protestant aux Etats-Unis ou du fondamentalisme juif en Israël. (…) Qu’ont de commun ces trois fléaux idéologiques? L’apparition des Etats nations, la séparation progressive entre les pouvoirs religieux et étatiques à travers la dissolution des empires et des royaumes supra ou anationaux en Europe, sont inséparables de l?invention puis de la diffusion de la théorie des races. Il ne faut donc pas s’étonner que les nationalismes du XXe et du XXIe siècle charrient derrière eux d’innombrables scories racistes anti-arabes (sionisme d’extrême droite) ou antisémites (panarabisme, islam politique, nationalisme palestinien,voire chavisme) ».

Il ajoute avec autant de pertinence :

« Les religions ont toujours constitué un enjeu géopolitique notamment dans le cadre de l’affrontement entre l’URSS et les Etats-Unis. C’est ainsi que plusieurs présidents américains ont assimilé le communisme au Diable, à commencer par Thomas W. Wilson durant les premières années de l’Etat soviétique ; si Franklin D. Roosevelt choisit de mettre au contraire l’accent sur la séparation entre les Eglises et l’Etat pour montrer qu’il y avait des points communs entre l’URSS et les Etats-Unis, plusieurs de ses successeurs eurent recours à l’arme religieuse. Truman, notamment… ».

Il est beaucoup moins clair ensuite :

« Quant à l’extrême gauche, elle est tellement empêtrée dans ses tentatives de ménager (ou de séduire) les chrétiens altermondialistes (de José Bové à Frei Beto, conseiller de Lula) et musulmans pseudo-«progressistes» (Tariq Ramadan), qu’elle oublie ses quelques principes, prolongeant ainsi une vieille ambiguïté du marxisme face aux religions ».

L’extrême gauche n’a pas de « principes », comme tous les partis bourgeois en lice elle est en quête d’électeurs et de syndiqués pour partager le pouvoir existant avec les partis dominants. Mais quelle est donc cette « vieille ambiguïté du marxisme face aux religions » ?

« Les textes de Friedrich Engels, V.I. Lénine, Anton Pannekoek et Amadeo Bordiga montrent les ambiguïtés du marxisme et parfois de l’anarchisme (Camillo Berneri) face aux questions religieuses. Invoquant la méthode «dialectique», nos quatre mousquetaires marxistes essaient, à des titres et dans des contextes divers, de minorer l’importance de l’athéisme? Parce que l’athéisme diviserait les travailleurs dans le cadre des luttes économiques quotidiennes, et qu’il empêcherait des ouvriers croyants de se battre contre le Capital? Parce qu’il susciterait une union nationale néfaste avec la bourgeoisie franc-maçonne, avec les libéraux bourgeois, ou avec les démocrates bourgeois? Parce que la déchristianisation en marche depuis un siècle rendrait pratiquement obsolète la lutte pour le matérialisme athée? Parce que la prégnance de la religion ne relèverait que de causes immédiatement matérielles (la religion n’étant que le « reflet » (Lénine) de la pauvreté, de l’ignorance, de la peur devant les catastrophes naturelles, etc.). Ce serait donc une perte de temps et une démarche «idéaliste » que de chercher à en repérer les origines psychologiques, philosophiques, etc. Ce serait une perte de temps de bien connaître les religions et de démonter leurs explications du monde. Belle justification «dialectique » de l’ignorance ! »

Or, toute la démonstration de Coleman repose sur cette la démarche idéaliste qui n’est aucunement celle des « 4 mousquetaires » évoqués. Chez les mousquetaires en question il n’était pas question de faire de l’athéisme le nec plus ultra de la conscience des prolétaires, mais de laisser penser chacun philosophiquement et religieusement ce qu’il veut. La situation concrète des prolétaires et les conditions du marché du travail se fichent des croyances des uns et des autres. Peu importe ce que pense tel ou tel prolétaire, ce qui importe c’est ce que le prolétariat est et sera contraint de faire. La démarche de Coleman reste philanthropique double : il est pour la « tolérance » et en même temps il assure qu’on tolère des idéologies intolérantes !?

7. LES CLOCHES ET LES MINARETS DE LA BOURGEOISIE

La récente « votation suisse », pays bourgeois par excellence, première banque blanchisseuse du monde et vendeur d’armes sans état d’âme, a suscité l’émotion universelle. Des ministres démocratiques comme l’ancien chef maoïste Kouchner aux Verts citoyennistes ont été choqués que « le dernier mot ait appartenu au peuple » ce ramassis d’électeurs chrétiens effrayé par l’expansion des mosquées ; un dernier mot au demeurant parfaitement « intolérant ». La mouvance européenne d’’extrême droite, cette baudruche pour gauchistes impénitents, en a par contre fait les gorges chaudes. Dans le monde entier se pose désormais la question : êtes-vous pour ou contre les minarets ?

Question pudibonde pourtant. N’existe-t-il pas des questions plus importantes ? Les suisses sont marrant. Ils font des référendums pour un oui pour un non et ils croient ainsi participer aux orientations de l’Etat bourgeois. Ce sont pourtant toujours des victimes de forces obscures comme le massacre de la garde suisse, chargée de défendre le roi, en 1789. Le seul mérite de la Suisse est d’avoir hébergé au début du siècle dernier la fine fleur révolutionnaire du prolétariat. Pour le reste ce n’est qu’un pays cosmopolite bourgeois qui méprise les prolétaires, en particulier immigrés. Début 2009, le débat « ridicule et dangereux » sur l’implantation de minarets a permis de faire passer en douceur par le conseil national suisse une modification du code civil qui interdit tout mariage d’étranger en situation illégale. Les frontières européennes et nationalistes sont bien bridées derrière des allégeances de façade aux encadreurs religieux.

Coleman nous a dit que 50% des catholiques français ne sont pas pratiquants et que moins de 31% croiraient en dieu. Ignore-t-il que 49% des musulmans en France ne vont jamais à la mosquée ? Ce qu’on reproche au Crif quand il prétend parler au nom de tous les juifs, n’est-il pas valable concernant les chrétiens et les musulmans ? Vérité en deçà du Jura, mensonge au-delà ?

Avec ce nouveau battage médiatique, la bourgeoisie de Sarkozy à Obama et à l’obscur gouvernement suisse, pense que nous ne savons compter que jusqu’à deux. Faut choisir : pour ou contre les minarets ? ET insidieusement : voulez-vous entendre hurler la prière à 5 heures du mat par un muezzin du haut du minaret (payé par vos impôts) en pleine ville occidentale ?

Ne faut-il pas interdire les moquées, avec ces tours de bigots ? Dans dix ans l’occident ne sera-t-il pas « arabisé » ?

Les électeurs sont certes des enfants. Ils ont eu peur de la « conquête arabe ». Mais ils sont ineptes de ne pas comprendre les raisons de la « tolérance » européenne. L’Europe des Merkel, Sarkozy, Bové et Cohn-Bendit ne se destine-t-elle pas à un mieux « vivre ensemble » ? Ou à mieux combattre « ensemble » pour des objectifs encore obscurs?

Fabuleux spectacle, n’est-ce pas, où la démocratie libérale se moque d’elle-même et conchie des électeurs idiots, voire « fachos » ! Voilà qui va ragaillardir la vertu d’honnêteté du personnel politique bourgeois ! ET pourquoi ne pas supprimer les élections et ces référendums à la con ? La « tolérance zéro » de la police n’est-elle pas l’autre face de cette tolérance sincère pour toutes les religions abrutissantes ?

8. LES ARABES SONT LES NOUVEAUX JUIFS DE L’EUROPE DEMOCRATIQUE

Vous ne l’aviez pas saisi jusque là, et moi non plus, mais la reviviscence nationale, sous couvert d’obséquieux débat sur l’identité nationale, nous révèle ce qui se cachait jadis sous l’union nationale : la nation a besoin d’ENNEMI INTERIEUR pour préparer la guerre future. L’arabe, plutôt prolétaire, voilà l’ennemi ! Il poignardait dans le dos, l’ingrat, au temps des colonies, il complote aujourd’hui sans cesse dans « nos murs ». Il a fait tomber des buildings à New York. Il se prépare à faire effondrer l’Occident. Pire que le communiste terroriste à la Djougachvili, il veut jeter sur le monde un voile infâme de bigoterie, battre les femmes qui le méritent et profiter des allocs. Savez-vous qu’il y a près de 2100 mosquées en France, quoique souvent simple garage ou local qui pue la godasse ? Et ils voudraient en plus qu’on voie de loin leur lieu de culte ! A l’égal des flèches de nos belles cathédrales ! Bien au-dessus de l’horloge de nos mairies laïques et républicaines ! Les cris du muezzin ne vont-ils pas faire cacophonie avec les cloches de nos églises et les sirènes de la police et des pompiers ?

Avez-vous réfléchi un instant à la réponse qui serait celle de tout prolétaire, de quelque race ou religion qu’il se réclame, à la question : voulez-vous une augmentation de salaire et une garantie d’emploi ou cotiser pour la construction de l’Eglise ou de la mosquée du coin de la rue ?

Non, mais les dirigeants et intellectuels de gouvernement de notre Etat national y ont pensé et c’est pourquoi ils ne la posent pas, cette étrange question qui renvoie à une identité de classe très prosaïque. Et subversive.