PAGES PROLETARIENNES

lundi 20 juillet 2009

LE MEC PLUS ULTRA DES MARGINAUX

« ultra-gauches »

Histoire critique de l’ultragauche « trajectoire d’une balle dans le pied »

par Roland Simon mais ouvrage renforcé, travaillé et annoté par l’équipe

plus sérieuse des Chemins non tracés

PREAMBULE

Les éditions Sinononezéro sont devenues Simonzéro, du nom du principal barde de ce fonds de commerce hardcom. Le prince des communisateurs, comme l’a si bien identifié Robert Camoin, a donc des secrétaires et des metteurs en page à sa botte. Cette boutique sise près du siège de l’OM a organisé une brocante alchimique du marché des ultra-gauches avec une autre épicerie, Les Chemins non tracés - sise à Avignon - qui n’est pas seulement une carte psychogéographique pour vieux randonneurs soixantehuitards, mais un coin du pont de ladite ville réservée au bal des anciens avec la musique bien connue : « sur le dos du prolétariat on y danse, on y danse… ».

Le titre du livret est déjà un faux air pour appâter le client. L’ultra-gauche c’est quoi ? La propagande récurrente des médias concernant à chaque époque une poignée infinitésimale d’individus marginaux. Le Simon bavard du bistrot ultra-gauche qui trône là vient nous chanter immédiatement, de sa voix de fausset (ses conférences étaient partiellement inaudibles et ce type ne cesse de bafouiller en public), qu’il va nous livrer l’histoire du mouvement révolutionnaire et critique avec çà. Le sous-titre se veut marrant : « trajectoire d’une balle dans le pied », que me rappelle trop la sentence bourgeoise « les ouvriers font leur propre tort ». Cela est plutôt rassurant, au moins ce type ne se situe pas d’emblée dans le camp des prolétaires et leur pisse à la gueule. Il est ailleurs, sa subsomption en tout cas. C’est un génie méconnu, on lui doit la découverte suivante : « c’est le capital qui détermine le mode de vie ouvrier et les biens de consommation » (p.96). Il publie une revue, « Théorie communiste », que d’aucuns disent entièrement imbitable quand d’autres assurent dégobiller le terme communisme après l’avoir parcourue, voire se réjouissent de la quantité considérable d’invendus. Les gens sont méchants.

1°) D’esprit critique il n’en a point. Esprit critique s’entend, selon moi, non comme pinaillage d’intellectuel onaniste, mais en tant que capacité à se positionner contre l’ordre dominant, c'est-à-dire capacité à ne jamais oublier qu’il y a D’ABORD un ordre dominant. L’esprit critique part donc de là avant de considérer si dans l’opposition à l’ordre dominant il y a un tri à opérer ou si maman doit rester sous papa ou monter dessus.

2°) Il faut savoir que ce petit milieu de communisateurs (ils ont enfin délégué un potache pour lister leurs théorisations rigogoles sur wikipédia, plutôt que de me laisser les fesser) est et a toujours été l’ultra-gauche française post-68, de Dauvé à Pierre Guillaume et Roland Simon. Mais oui mes braves lecteurs, c’est la même bohème immature qui pointe le bout de son nez une fois tous les dix ans pour nous resservir des salades théoriques à faire pâlir d’envie l’écriture paranoïaque automatique d’un Irénée Lastelle. C’est la même mouvance de Rastignac(s) libertaires devenus vieux hibous communisants qui fibrilaient autour d’ICO au début des 70 avec le clown Jean-Jacques Lebel, bref toute une frange d’ignorants anarchistes qui « refusaient le travail », bavant d’admiration pour Guy Debord et sa phrase florentine, pour P.Guillaume et son aura de tribun au CATE(schisme) de Censier, qui finirent pour la plupart dans la secte des profs certifiés et des instites complexés.

Qu’ils veuillent enterrer l’ultra-gauche, c'est-à-dire eux-mêmes, on s’en fiche. Qu’ils prétendent s’annexer l’histoire du maximalisme communiste avec ses deux branches italienne et allemande, est une autre affaire.

Leur tentative de pillage de « l’or du temps » communiste et de destruction de cette valeur du passé sera dénoncée ici et maintenant.

3°) En général, ces petits profs bohèmes qui tressent leurs paniers aux ed. l’Harmattan - lesquelles ne publient que des navets sur papier rêche -, CACHENT D’OU ILS ONT PIQUE leur radicalité : ils ne sont que des parasites nuisibles de la pensée révolutionnaire moderne. Tout leur discours critique du monde, toute la morgue qu’ils affichent face aux politiques gauchistes et au bourgeois craintif, ils en ont puisé le suc chez Marx et dans les Gauches allemande et italienne (je ne parle ici que de l’aile gauche de la communisation, pas de l’aile droite gauchiste avec Negri qui ignorèrent le maximalisme, cf. mon Précis de communisation). Ils veulent nous faire avaler la pelure après avoir jeté le fruit. Comme l’abeille qui a butiné la fleur, ils prétendent que le miel fétide théorique qu’ils nous produisent ne provient que d’eux-mêmes. Comme leurs maîtres, immatures et post-adolescents éternels, feu Debord et l’attentiste Dauvé, ils n’ont même pas gardé le pollen mais la couleur jaune, celle des briseurs de grève. Prétendant supplanter la fleur rouge Rosa Luxemburg, la reine du maximalisme communiste, ils n’ont produit que des OGM, objets généralement minables. En réalité l’allégorie tourne en leur défaveur : l’abeille bosse, elle, quand le communisateur passe son temps à se branler, fonction non reconnue d’utilité sociale.

4°) La connaissance de l’histoire du mouvement révolutionnaire maximaliste moderne n’est pas un césame en soi qui autoriserait ce genre de quidam anarchiste à en juger sérieusement des fondements et de la postérité. La plupart des prolétaires ne connaissent ni Pannekoek ni Bordiga, sont mille fois plus conscients que nos connaisseurs parasites et s’ils avaient connu les deux grands hommes auraient voulu les compter au rang de leurs plus proches amis. Nombre de bourgeois n’ignorent rien des théories révolutionnaires dites ultra-gauches et cela ne les gêne aucunement dans leur fonction sociale. La bourgeoisie dispose d’ailleurs à Sciences-Po d’un concierge figurant, C. Gintzburger-Kinsbourg, qui se fait appeler Christophe Bourseiller, post-ado lui aussi, qui compile tout ce qui se dit et s’écrit chez les navrants gauchistes, dans les milieux marginaux communisateurs et chez les sectes marxistes (gare ! son prochain ouvrage s’appellera « Les communisateurs négateurs des chambres à gaz »). Le conseiller es-UG est invoqué par R.Simon, sans critique comme la référence d’une première histoire de l’ultra-gauche où, pour l’essentiel, ce cuistre qui se prend pour une vedette de cinéma, s’était ingénié à faire passer le courant révolutionnaire maximaliste pour antisémite, en conformité avec l’idéologie dominante US selon laquelle il n’y a que les juifs qui ont été massacrés pendant WW2 ; R.Simon reste très soft sur la campagne anti-négationniste montée de toute pièce par les « francs-macs » de la gauche caviar pour marginaliser le courant maximaliste. Reconnaître la gravité de l’attaque signifierait en outre pour le post-ado R.Simon admettre que le marxisme et des minorités théoriquement solides restent dangereux ; (cette pudibonderie je la déchire immédiatement, le photocopieur R.Simon cache sa source principale qui reste Pierre Guillaume, cité p.298 sous son pseudo de Pierre Nashua et qui crachait sur le prolétariat révolutionnaire et la « panacée » des conseils ouvriers (allez donc faire un tour sur le site facho ARRRGH et vous aurez des surprises d’y retrouver de drôles de collaborateurs volontaires ou pas, comme un certain François Savel, c’est le contenu qui importe n’est-ce pas ?…).

R.Simon et Cie n’ont jamais rien compris à la classe ouvrière. Ils ne savent toujours pas QUI ELLE EST ! NI CE QU’ELLE EST CAPABLE DE FAIRE ! Ils connaissent les noms des divers groupes, l’histoire des scissions mais ils restent étrangers à l’âme du mouvement communiste internationaliste. Ils peuvent bien gigoter en riant et nous chanter qu’ils « connaissent ». Ils n’ont pas la conscience de l’exploité. Ils n’ont pas la conviction, forgée par deux siècles du mouvement ouvrier, que si on a été vaincu, vaincu plusieurs fois, qu’on sera vaincu encore d’autres fois, ON REFUSE DE CEDER à toute remise en cause de notre nature et situation de classe comme MOUVEMENT et non simple composition sociologique. En un mot la classe ouvrière est révolutionnaire à la fois parce que classe exploitée, consciente de son exploitation et animée par la conviction qu’il est possible d’en finir avec ses oppresseurs. C’est, en plus, compliqué par de soit disant amis des opprimés « en général ». Le prolétariat, dans ses actions collectives et par ses minorités politiques, doit, hélas, constamment écarter la confusion persistante introduite de l’extérieur par les complices des oppresseurs, les syndicalistes et les communisateurs.

5°) La marge communisatrice a relayé les modernistes à la Dauvé pour perpétuer cette fable de la perte d’identité de classe du prolétariat. C’est le défaut typique des intellectuels désenchantés, aigris et impulsifs de tomber dans l’extrême (pas forcément dans l’extrême-droite ! imbécile de Bourseiller !) c'est-à-dire, de taper du pied comme un bébé et jeter son jouet parce qu’il ne marche pas comme on veut. Comme le bourgeois, ces petits profs (d’école) qui n’ont jamais distribué un tract à l’entrée d’une usine, ni mis les pieds dans l’entreprise capitaliste (ils sont leur propre patron dans la classe scolaire !) ne voient plus que la classe ouvrière sociologique, cette masse de moutons, échine courbée que vous pouvez observer défilant tôt le matin dans les couloirs du métro, ces pauvres types qui ne pensent qu’à payer leur loyer et, pire encore, qui consacrent la plus grande partie de leur vie à travailler (au lieu de suivre l’injonction du tag du grand-maître Debord qui, comme Marx et Munis, ne travailla jamais, mais vécut, comme eux au crochet de ses femmes…).

6°) Pour l’essentiel, malgré l’auto, la télé et internet, rien n’a changé pour la classe ouvrière depuis le XIXème, elle reste motivée par deux idées simples :

- la peur du lendemain (cf. Babeuf)

- la conscience épisodique de la nécessité de la violence révolutionnaire.

Même si l’autre Simon (Henri) s’échine à comptabiliser des grèves essentiellement (que) revendicatives dans « le monde en lutte », même si nous n’avons plus autant de grèves sauvages et politiques (voire politiquement sauvages) que pendant les sixties à nous mettre sous la dent, même si la révolution n’a pas eu lieu depuis 1968, même si etc., les enjeux de société sont tels qu’il est impossible sérieusement d’envisager une transformation de la société sans affirmation du prolétariat, leçon de cent ans de maximalisme communiste moderne ! Tout le reste n’est que de la couille en barre à la Roland Simon ! Jamais la bourgeoisie régnante ne pourra être dépossédée de SON POUVOIR pacifiquement. Alors qui ?

- les « gens » c'est-à-dire les bobos écolos si soucieux de « notre terre », de leurs piscines chauffées au panneau solaire, de leurs 4X4 ? Avec Cohn-Bendit comme playmate ?

- la masse indistincte du peuple, c'est-à-dire les émeutiers veules et leurs théoriciens p’ticouns avec Coupat et sa robe de mariage?

- le « monde du travail » avec des syndicats ragaillardis, quand la fable de l’autogestion n’est même plus tenable dans un monde en crise devenu « village mondial » ?

- les « travailleurs en lutte » votant massivement pour Nulle Part Ailleurs, voiture-balai de Besancenot qui ne récupère que les pauvres du PCF ?

- un nouveau parti républicain remplaçant le PS avec BHL comme secrétaire général à la place de Martine Aubry ?

- une guerre mondiale où la presse du CCI prendra le nom de « Smolny » avant de lancer les prolétaires à l’assaut du ciel dans la guerre des satellites et des pandémies?

En aucune façon la société ne s’oriente vers une mise en commun automatique « commune » des richesses de la société, faut être un doux dingue communisateur pour dire cela. Le problème de l’humanité n’est pas la disparition de la classe ouvrière, de sa carte d’identité ou de ses gènes ouvriéristes, mais – dans l’instant présent - la disparition de ses organisations révolutionnaires maximalistes, à force d’exclusions, d’insultes et de sectarisation. Il n’y a plus de voix révolutionnaire pour gueuler dans le désert, plus de groupes comme RI, le FOR, le PCI ou même le PIC des années 1970-80 pour se faire les porte-voix d’un « milieu » révolutionnaire, le faire respecter et affirmer la volonté communiste maximaliste. (J’étudierai la question dans mon histoire du maximalisme). Avant-guerre dans le mouvement maximaliste marxiste existait une solidarité de Davoust à Vercesi (Davoust pourtant étrillé pour sa position sur l’Espagne) était directeur de la pub de la Fraction. De Bordiga à Gramsci, les camarades de tendances opposées fraternisaient en prison. Aujourd’hui il n’y a que haine et autisme. C’est pourquoi les parasites modernistes communisateurs ramènent leur fraise, bien qu’ils ne soient toujours que de pauvres chauves-souris et sans importance au fond pour Gallimard and Bernard Pivot.

7°) Imaginez, avant un combat de boxe, un entraineur qui dirait à son challenger : « n’affirme pas ta force, l’autre te laissera vaincre sans combat ! » Il prendrait le premier gnon avant le combat ! Excusez-moi de l’image suivante, mais vous n’allez pas y couper. Debord se reprochait un manque de virilité (il aurait voulu être un « costaud ») mais il prétendait donner des leçons de machisme grammatical au prolétariat avant de s’en désintéresser, comme une femme volage délaisse une grosse brute qui passe son temps à beugler. Il y a un côté viril non vulgaire par contre dans la classe ouvrière, surtout souvent chez les militantes et les ouvrières les plus déterminées – et ce n’est pas péjoratif (cf. nos Louise Michel, Rosa, Sylvia Pankhurst, etc.). N’a-t-on pas dit que Rosa était le seul homme de la social-démocratie allemande ?

Comme Debord vieillissant, R.Simon a des problèmes avec une virilité qu’il n’a peut-être jamais eue (il m’a demandé si j’étais impuissant dans deux mails insultants): le prolétariat n’a pas besoin de s’affirmer avant la révolution, assure-t-il, prétendant jeter à la corbeille un pansement de « l’ancien mouvement ouvrier ». Et, avançant dans ses galimatias plus ou moins mis au propre par ses petites mains des « chemins non tracés », cahin-caha, on finit par découvrir le fond de pensée du bonhomme : comme Vaneighem il est fleur bleue. Et ouais ! C’est le mec plus ultra de la théorie du marginal bien nourri. Son « histoire critique » ne contient aucune approximation « humaine » de tous ces hommes et femmes qui ont combattu pour changer le monde, qui l’ont payé de tortures, de misère, de leur vie. Comme un vulgaire fasciste indifférent, ils nous décrit de pauvres marionnettes de l’Icé… des « pions », vaincus « par eux-mêmes ». Chassez le bourgeois, il revient au galop ; en effet à plusieurs reprises, des bolcheviks aux « gauches » ils sont vaincus par eux-mêmes (« ils se sont tirés une balle dans le pied »). Même la bourgeoisie n’ose pas dire une chose pareille ; elle crédite de la répression contre-révolutionnaire qui le stalinisme, qui le nazisme… R.Simon ose même mieux : « les « gauches » n’ont pas compris la contre-révolution » ! Mais bien sûr puisque qu’elles étaient « la » contre-révolution même !

Roland Simon restera dans l’histoire, à l’égal d’un Einstein de la théorie communiste comme le grand découvreur de la subversivité moderne : « pour la première fois le communisme comme abolition du prolétariat » (p.273) dépassant ainsi d’une tête Marx qui déconnait avec son histoire « d’abolition du salariat ».

VESTIBULE

Au risque de vous choquer et de paraître paradoxal et inconséquent, je vous avoue, cher lecteur, que j’ai aimé lire ce livre comme un document exceptionnel comparé à la littérature de merde produite par Sinononestzéro. Il apporte des éléments de compréhensions introuvables chez le concierge policier et adepte de la shoah s’story exclusive Bourseiller. Il y a longtemps que les hagiographies et histoires religieuses du mouvement ouvrier m’emmerdent. L’ancienne propagande des staliniens, des trotskiens et de toutes les sectes marxistes qui prétendaient éduquer les ouvriers en ôtant de leur vue tout texte non lénifiant, est définitivement obsolète. De toute façon, c’est comme le prétendu contrôle parental – évanescent comme dirait Guigou – tout môme peut zieuter du porno sur la Toile quand maman dort. Au beau temps de la contre-révolution, le stalinien de service pouvait vous crier aux oreilles que les goulags c’était une invention de la CIA et qu’il était malsain pour les yeux d’ouvrir certains livres. Aujourd’hui, d’ailleurs comme hier, personne ne peut faire barrage à l’esprit de recherche critique. J’ai connu des staliniens qui lisaient sous le manteau Trotsky ou Pannekoek. Lénine conseillait de lire les livres de Kropotkine mais aussi d’historiens mencheviks.

Il faut donc lire le livre de R.Simon et Cie. Si vous êtes un crétin embrigadé par l’idéologie bourgeoise, vous serez ravi du niestzchéisme ambiant entre les chapitres. Si vous êtes convaincu par contre du rôle révolutionnaire du prolétariat, ne vous emportez pas subitement, ne jetez pas le livre par terre. Sautez les paragraphes les plus débiles et continuez jusqu’au bout. Il y a là un travail passionnant qui n’avait jamais été fait. Mon camarade Paul m’avait déjà dit du bien des conférences de Simon, mais l’intérêt de ce travail éditorial est réellement didactique. Pour celui ou celle qui connaît pas ou confusément, Dauvé et Bourrinet peuvent aller se rhabiller. Tout s’éclaire : merveilleux diagrammes (les tableaux synoptiques d’Echanges n°98, automne 2001, sont faibles en comparaison). Ajoutez à cela : datation systématique en début de chapitre + thèmes avancés par les « Gauches » + des critiques valables aux Gauches (la religiosité de parti de Bordiga et ses illusions sur la Russie, l’idéalisme de la Gauche allemande, etc.) + des notes systématiques qui évitent au néophyte de se perdre et lui donne graduellement une connaissance non rébarbative de cette phénoménale école du maximalisme marxiste si méconnue ou décriée au XXème siècle. Les 94 premières pages sont un bijou pour la compréhension minimale du mouvement révolutionnaire moderne, ainsi que les pages de la postface de 274 à 284 et 299 à 304. Merci aux petites mains des « chemins non tracés ». Le tracé à ces endroits est louable.

Pour le reste, il me faudrait plusieurs pages de rectifications sur les erreurs contenues. On trouve une même fixation que le concierge Bourseiller sur Socialisme ou Barbarie et le situationnisme (près de 70 pages chacun). S ou B ne méritait pas autant de place pour une étude biaisée du maximalisme communiste, et le situationnisme encore moins, cette clique d’ignorants du mouvement révolutionnaire et de militants de drugstore. Mais, R.Simon comme Bourseiller, est plus en recherche de gloire sonnante et trébuchante que de restauration de l’or du temps révolutionnaire. Les deux mamelles politique et artistique qui ravissent les salons bourgeois depuis trente ans impliquaient une exégèse savante, avec une dose de thé glacé, pour entrer par la grande porte des idées aseptisées, digérées par la bourgeoisie et disponibles dans les grands supermarchés.

Etude biaisée du mouvement maximaliste, disais-je à l’instant, et plutôt que simplement superficielle, incomplète à dessein. Et pour cause, pendant les 20 ans où il n’a rien produit (de 1970 à 1990 environ) R.Simon ne peut rien dire ! Par contre il nous intéresse tout un pan du mouvement maximaliste (que nous célèbrerons dans notre histoire réelle du mouvement) dans cette tranche, en particulier le rôle très important tenu par RI-CCI, en dehors et contre toute l’ultra-gauche de merde dont Simon faisait déjà partie. J’ai été dans ces années-là à la pointe du combat contre le « modernisme » dans le CCI (que toute l’aile droite du groupe familial de Raoul Victor à sa sœur Taly caressait dans le sens du poil banquisard, tous ces gens-là pique-niquent désormais ensemble à la marge de toute activité de parti révolutionnaire).

Dans l’éclosion ou plutôt le bourdonnement de la mouvance révolutionnaire hors du stalino-gauchisme généralisé en milieu étudiant et lycéen, se produit donc une césure très importante. En 1972, s’extirpant du marais petit bourgeois d’ICO, trois groupes vont donner naissance au CCI, mais on oublie souvent le plus important. Il s’opère ainsi une délimitation entre un marais ultra-gauche merdique (des pro-situs à Négation d’Astarian, aux conseillistes et anarchistes élitaires) et un milieu révolutionnaire qui compte déjà outre le For, le PCI, Battaglia, etc.

En page 75, Simon écrit laconiquement deux lignes pour vingt années de combat : « A partir de 1980, le CCI s’oriente vers un léninisme de moins en moins critique et une connerie de plus en plus évidente ». Je suis d’accord avec lui, mais à partir du milieu des années 1990, après la mort de Charlemagne, Marc Chirik (pour des causes qu’on trouvera dans mon histoire du maximalisme). Pour S ou B, je renvoie le lecteur à l’article de Taly du bulletin d’étude et de discussion de RI n°11 (janvier 1975) : Une tentative de dépassement du marxisme ; qui est probablement le seul article intéressant qu’elle ait écrit dans sa vie ; et évidemment à mon ouvrage avec Laugier « La critique de S ou B » (épuisé). S ou B n’est resté qu’un bâtard du trotskysme générant confusion et abandon du combat marxiste. Toute la bande des Guillaume, Baynac, Dauvé, Simon (les 2), restent des admirateurs d’un groupe qui, dans les années 1950 ne se différencie aucunement du gauchisme trotskyste, et a trop longtemps servi d’écran aux gauches maximalistes allemande et italienne qualifiées de « fossiles » alors que leur vieil héritage politique et théorique est profondément actuel et toujours dérangeant. Les écrits des Lefort, Causseron, Lyotard restent consternants de faiblesse politique et d’insuffisance théorique. Pas étonnant que R.Simon se délecte encore de l’eau putride de ce cadavre.

Dans l’étude que j’ai consacré il y a très longtemps (consultable à l’institut d’Amsterdam et à la bibliothèque du Temps présent), j’écrivais :

« Du point de vue de "l'organisation" et de "l'intervention", Socialisme ou Barbarie n'avait jamais été un véritable groupe politique, tenant plus du cercle de discussion emmené par un gourou (Castoriadis) et dont le financement reposait plus sur les deniers de ce dernier que sur une véritable structure et des cotisations. Ce groupe laissa des idées et une aura abusivement mise à la mode après 1968 par des journalistes. Un tel groupe, qui exista tout de même près de 16 ans (1948-1964), était donc incapable de laisser une descendance, non seulement à cause de ses faiblesses théoriques mais par son mode de fonctionnement. Peu de critiques ont été faites après 68 sur ce groupe, excepté par "Révolution Internationale": "Une tentative de dépassement du marxisme" (par Taly, in Bulletin d'étude et de discussion n°11, janvier 1975), et, auparavant, la critique des épigones dont on va parler ici, dans R.I. ancienne série : n°7: "Volontarisme et confusion" par Raoul Victor (mars 1972) avec une tonalité très anti-léniniste. S ou B était antiléniniste également mais ce ne fut pourtant pas le cas de ses petits-fils de la "gauche marxiste".

Groupe "nouveau" issu d'une rupture avec le trotskysme dans l'immédiat après-guerre, S ou B (qui a fait l'objet d'études approfondies depuis) a été constitué par des éléments intellectuels devenus par la suite des personnalités de la sociologie, du syndicalisme et des références complémentaires pour la gauche anti-stalinienne: outre Castoriadis, Lefort, Lyotard, Mothé, etc.)

Avec l'explosion de Mai 68, les deux principaux penseurs de S ou B, Castoriadis et Lefort aux côtés d'Edgar Morin, repointent le bout de leur nez avec un ouvrage "La Brêche" qui exalte la spontanéité du mouvement et rappelle leurs belles heures passées et leurs illusions perdues. Il ne s'agit pas d'une renaissance de groupe prétendant agir sur les événements mais un glorieux coucou d'intellectuels spectateurs. Les deux originalités obsessionnelles de S ou B - le "capitalisme bureaucratique d'Etat" et la division entre dirigeants/exécutants - n'étaient pas de nature à donner un rôle historique à ce courant ».

Personne ne s’est avisé de questionner ou de comprendre le pourquoi de la disparition de Pouvoir Ouvrier en 1969, scission marxiste de S ou B en 1958, dernier avatar de ce néo-trotskisme. J’en ai rendu compte partiellement pour les archives historiques, mais la question est d’importance. Ces types que je n’ai croisé que deux ou trois fois, les Véga, Souyri, etc. avaient une sacrée bouteille, des années d’expérience dans la sale période et voilà qu’ils s’opposaient à la création d’une nouvelle organisation en 1970. Et ils avaient bien raison pourtant. Formellement constituée contre les « vieux » (ils n’avaient pourtant encore qu’à peine la cinquantaine) la Gauche Marxiste ne sera qu’un bâtard gauchiste.

Le métro Pasteur fût un haut lieu du maximalisme rajeuni. RI tenait des réunions dans le café du haut de l'avenue Pasteur. Le GMPCT tenait conférence dans les cafés face au lycée. Le lycée Buffon était la pépinière de lycéens de Pouvoir Ouvrier, le GMPCT était plutôt un groupe de cancres dont la discussion politique consistait surtout à se moquer d’une façon situationniste des gauchistes mais aussi de la trajectoire des vieux ultra-gauches… Moi j’oscillais entre mon ancien lycée à Suresnes proche de Nanterre la Folie et ce nouveau lycée, très bourgeois, où (fils d’ouvrier) j’étais délégué de classe pour ces progénitures de fils à papa (et premier saboteur de toute négociation secrète, j’emmenais mon magnétophone caché dans le cartable pour faire écouter le contenu des négociations avec le proviseur à toute la classe). L’intérêt pour la vie politique en milieu lycéen se manifeste ainsi, non en conscience des injustices ou de la misère sociale, mais par la dérision, laquelle devient un moyen de s’affirmer et de dominer les autres…

Il n’y avait pas grand-chose à l’époque. Les situationnistes élitaires ne recrutaient pas. Les étudiants gauchistes trotskistes et maoïstes étaient minables. RI payait la connerie des vieux de la GCF dont MC qui avait été « sauver sa peau au Vénézuela » (dixit Goupil), absent en Europe de la fin des sixties ; il ne fallait pas rêver être influent au dernier moment, donc on les moquait. Pourtant, même barbouillés, c’est une généralité, les plus clairs arrivent souvent après coup, ou trop tard (mais pas pour se tirer une balle dans le pied).

RI n’était qu’un groupe provincial (Toulouse, Marseille, Clermont). On ne les avait jamais vu à Paris en 1968 (ce qui n’avait pas été un mal pour eux, dans le bordel gauchiste dominant on ne les eût de toute façon pas distingués). RI ne disait rien sur le parti… avait la réputation d’un groupe familial limité dans ses analyses politiques et économiques ; pourtant leurs textes étaient les plus nets politiquement au point d’énerver Debord et tous les fainéants refuseurs du travail ! ICO était un repaire d’éléments marginaux aux préoccupations petites bourgeoises à la mode…

CONCILIABULE

Je peux continuer avec mon témoignage personnel. La réflexion critique sur la dérive du groupe « Gauche Marxiste » j’aurais été incapable seul de la mener ; c’est le travail de ma cellule – et surtout du plus brillant de notre génération JP Hébert – (moitié de Manchette et de Debord) - qui, évoluant en tendance puis se faisant jeter par notre micro comité central, m’avait guidé pour ne pas tomber dans le néant… grâce aux repères fournis par… Invariance, et des lambeaux de connaissance des Gauches allemande et italienne (un italien, dit Blanchard, était membre de notre cellule et admirateur de Bordiga).

Extrait du type d’ambition de la « Gauche Marxiste » :

« La G.M. se fait inviter à quatre conférences "ouvrières" (où je fais partie à chaque fois de la délégation, étant quasiment le seul véritable ouvrier du groupe, mais je ne suis salarié que depuis deux ans et père d’une petite fille):

- juin 1972: rencontre à Poissy avec des militants du PSU et de la GOP (Gauche Ouvrière et Paysanne qui publie "L'Outil (éphémère) des Travailleurs") où de vieux activistes gauchistes donnent de la voix en additionnant leurs actions ou faits de grève, sans que cela débouche sur une alternative politique;

- octobre 1972: conférence nationale ouvrière à Clichy de l'ensemble des groupes gauchistes (L.O., P.S.U., A.M.R., etc.); y a une preuve de ma présence dans mon dossier à la CNIL : la plaque minéralogique de ma deudeuche garée à proximité !

- décembre 1972: rencontre à Nevers avec un comité d'action de cheminots.

- Février 1973: rencontre à Tours avec la GOP, cette dernière rejoint "Révolution", la scission néo-maoïste de la LCR ».

Toute la prétention de la GM se dégonfla très vite. Les vieux avaient eu diablement raison de nous freiner ! Je leur envoie ma lettre de démission après avoir vu partir mes camarades de Cellules (XVème + Vanves) néo-bordiguistes, puis assisté impuissant à la gauchisation du groupe et à sa reprise des délires de Potere Operaio :

« On s'est contenté des analyses de "Matériaux pour l'Intervention" (recopiés de Potere Operaio) "parce qu'il y en avait de bonnes", y avait qu'à les prendre! Malgré la belle couleur théorique et les justifications à l'emporte-pièce, le "refus du travail" équivaut au fameux "jouir sans entraves" et ne peut être compris que comme tel. Il rappelle les insuffisances des situs. Oui, les jeunes, les voyous, les faux malades de la sécu refusent le travail. Mais l'absentéisme sous sa forme individuelle, c'est donc une forme de lutte?

Le jeune gangster ou la prostituée qui refusent le travail sont donc révolutionnaires. La classe ouvrière n'est donc pas déterminée par l'exploitation qu'elle subit ni par le combat qu'elle mène dans ses multiples formes à partir de l'entreprise. La classe ouvrière ce sont…les guerilleros + les petits paysans + les étudiants et le MLF (on se rappelle que lors de la Réunion Publique à Censier, Ogier/Poupoune avait défendu sa propre position…en faveur du MLF!)

On croyait que la classe ouvrière luttait contre les cadences, pour la diminution des horaires de travail et qu'elle luttait à plus ou moins long terme pour la transformation de la société tout entière, non pas abstraitement à la recherche d'une découverte métaphysique du monde ni pour aller plus souvent à la pêche.

Mais si les travailleurs ne refusent pas le travail, ils le contestent sous sa forme actuelle. La société capitaliste tourne grâce au prolétariat. On peut bien sûr tout supprimer en pensant que dans la phase minimum du communisme le travail n'existera plus même sous une forme atténuée, l'an 01 quoi! Qu'en pensent les travailleurs de Lip, sur quoi la GM n'a rien à dire, à Noguères, à Roman, à Besançon où les prolos ne refusent pas le travail… Alors on nous cite l'exemple des jeunes qui partent (phénomène underground), qui travaillent un mois sur deux puis partent à Katmandou. Oui! Les voilà les vrais révolutionnaires, ceux qui n'ont que le tort de ne pas vouloir mettre dix ans à s'acheter la 2 cv de leur père…

On ne renverse pas le système en refusant le travail, c'est une analyse individualiste et petite bourgeoise. La "stratégie du refus", elle, est contrerévolutionnaire parce qu'elle s'adresse aux couches périphériques: aux lumpens, aux étudiants, aux femmes, nouvelles classes en mutation…

IL N'EST PAS POSSIBLE D'ACCEPTER LE MOT D'ORDRE DE REFUS DU TRAVAIL DANS UN SENS AUSSI VAGUE, lutte contre l'organisation du travail, contre les cadences, contre la productivité oui (et de manière générale, lutte pour la transformation radicale de l'activité matérielle, c'est-à-dire pour le communisme, etc.) mais non pour la désertion de la production car "un prolétariat qui ne travaillerait jamais ne serait plus un prolétariat" et on voit mal comment il pourrait faire la révolution (c'est vrai que le capitalisme s'effondrerait mais dans cette affaire il n'y aurait pas que le capitalisme, et croire au passage automatique au socialisme, c'est se prendre pour Kautsky ou Bernstein). Marx, lorsqu'il parle d'abolition du salariat n'agite pas comme solution à nos maux le simpliste "refus du travail", il s'agit tout simplement d'une théorisation à la mode de la conscience "ras-le-bol" de quelques couches petites bourgeoises.

1) Sur le salaire politique:

Le salaire garanti n'est pas une revendication à mettre en avant, hormis le problème de la présence dans l'usine, il ne s'agit pas d'une revendication réellement unifiante car la "réaction en chaîne" prévue est le produit de l'imagination économiste de Potere Operaio. Le vieux mot d'ordre trotskyste d'échelle mobile des heures de travail est peut-être tout aussi utopique (et l'utopisme, c'est-à-dire le caractère acceptable par le capital n'est pas le problème) au moins il est réellement unifiant face aux licenciements.

Le pré-salaire ce serait presque l'allocation-chômage de l'avenir, l'argument étant aussi de dire que les jeunes trouveraient leur indépendance avec cet argent. On peut alors se demander où va l'argent de la sécu, des bourses, le salaire des jeunes apprentis encore chez maman? C'est une question de fric; l'aliénation, l'idéologie familiale ça n'existe pas comme dirait Arlette Laguiller. On voit donc avec stupeur la politique se dissoudre en économie, la stratégie en tactique. L'économie devient un jeu d'échecs. Cette solution "à la suédoise", radicale en paroles, que l'on nous propose est un objectif réformiste, à moins de se figurer une aura du système capitaliste, il y faut une condition - en Suède, les étudiants sont largement payés le temps de leurs études. Mais que se passe-t-il lorsque l'on interrompt en cours de route un diplôme en France ou aux U.S.A.? Oui il est possible d'avancer des objectifs unifiants en milieu étudiant et qui tiennent compte de la réalité de la lutte de classes, la gratuité des locaux, des fournitures par exemple.

Quand on dit que le pré-salaire tiendrait doublement les mecs et recréerait des inégalités (comment et en fonction de quoi serait-il alloué, à partir de quel âge, etc.) en s'adressant aux couches périphériques de la classe ouvrière, susceptibles d'en faire partie ou pas. On nous répond que c'est une vieille conception du mouvement ouvrier, que le travail n'est pas rétribué à sa juste valeur. Tout cela on le savait déjà, le droit au travail c'est le droit à l'exploitation. Mais pour Pouvoir Ouvrier-Gauche Marxiste, tout le problème réside dans "l'apparition de la richesse sociale" d'où l'on passe à l'abolition du salariat/appropriation de la richesse sociale détachée du travail) et au communisme tout de suite!

Il n'y aurait donc que des problèmes de consommation et de distribution, l'organisation de la société, la production, tout cela ne doit être qu'idéologie. C'est pourquoi on peut dire que pour P.O. et la G.M., la révolution, c'est avant tout une affaire de gros sous. On provoque la crise du capitalisme en demandant "plus d'argent, moins de travail" et l'on retrouve E.Mandel.

Vous comprendrez donc après cette petite mise au point que je ne considère plus faire partie de la G.M. comme une nécessité, et que je ne puisse plus prendre fait et cause pour des idées gadgets. Et cela ne signifie pas pour moi la renonciation à tout projet politique.

Salutations communistes, (je signe Rigaux à l’époque)

(le 10/08/1973)

Dégoûté de la faillite des derniers enfants de S ou B et de l’incohérence de mes camarades de cellule bordiguisants (et proches de bordiguisants purs qui allaient fonder plus tard Communisme ou Civilisation) je téléphone à Pierre Souyri senior depuis Châtillon :

- allo Pierre, c’est la merde, le groupe est fini. Je pense prendre contact avec RI, qu’est-ce que tu en penses ?

- oh tu sais, je me méfie de ce truc-là, c’est comme les sectes…

J’ai appris, beaucoup plus tard que Souyri, comme Christian Lagant, s’était suicidé. J’ai eu de la peine. Son fils m’avait dit qu’il avait regretté de ne pas avoir joué un grand rôle historique dans une nouvelle révolution. L’envers du ressac de mai 68 fût une tragédie pour beaucoup, on n’en parle jamais. Souyri, malgré sa carrure théorique, sa grande taille, sa gentillesse, était parti lui aussi comme beaucoup, beaucoup qui avaient désespéré. Hélas. Souyri m’avait confié qu’il n’en admirait plus qu’un, Lyotard, mais qu’il méprisait ce qu’était devenu Castoriadis.

A suivre…