PAGES PROLETARIENNES

vendredi 23 janvier 2009


OBAMA A TENU UN DISCOURS
DE GUERRE

Extraits: "Notre nation est en guerre" (...) "Le temps est venu de réaffirmer notre caractère". Après avoir exalté le "travail" des esclaves et des travailleurs (ce sont les mêmes...), Obama a prétendu que "la tâche est de refonder l'Amérique", comme notre blaireau présidentiel avait promis de "refonder le capitalisme". Le final du discours est un salut aux soldats du "désert", et zoom sur les trouffions en rang d'oignons lors de la cérémonie et: "que Dieu vous bénisse et bénisse l'Amérique!" Amen! Le prêcheur assermenté a tenu le discours nationaliste que la bourgeoisie blanche attendait de lui. Ne reste plus qu'à passer aux actes. Reste à savoir si les soldats, même bénis, voudront continuer à aller mourir pour Wall street et les puits de pétrole.
(le dessin ci-contre est repiqué à Marianne)

Barack Obama a engagé les hostilités (pour l’instant seulement politiques), assurant soupçonner la Chine de "manipuler" les cours du yuan, a déclaré jeudi le secrétaire au Trésor choisi par le président américain, Timothy Geithner, utilisant un terme que l'administration Bush avait soigneusement évité pendant des années. La politique monétaire et commerciale de la Chine est régulièrement accusée de nuire à l'emploi aux Etats-Unis et de creuser le déficit commercial américain vis-à-vis de Pékin, qui a atteint la somme record de 256,3 milliards de dollars en 2007. Le secrétariat au Trésor de l'administration Bush avait exhorté Pékin à adopter un taux déterminé par le marché, mais s'était toujours refusé à accuser publiquement la Chine de manipuler les cours du yuan pour éviter de froisser un partenaire important sur les questions diplomatiques et économiques. Avec Obama "yes we can"!



jeudi 22 janvier 2009

Révélation : GRAMSCI N'ETAIT PAS MARXISTE

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ANTONIO GRAMSCI

Par Gatto Mammone (revue Bilan 1937)

Antonio Gramsci, récemment décédé dans une clinique de Rome – où le fascisme l’avait fait admettre dans un état désespéré suite aux dix années de tortures physiques et morales de réclusion – vient d’être tué une seconde fois par ses apologistes. En effet, toute la presse centriste et le Front populaire, du « Grido del Popolo » au « Nuovo Avanti » et « Giustizia e Libertà », s’est jetée sur son cadavre pour spéculer et dénaturer sa pensée et son œuvre dans un but contre-révolutionnaire. La presse centriste, qui avait depuis quelques temps laissé tomber dans l’oubli le « chef » du prolétariat italien, profite de sa mort pour accentuer sa campagne contre le « trotskysme » qui, dans la langue italienne, se traduit par « bordiguisme ».

Nous avons vu Palmiro Togliatti, dans la commémoration officielle de la mort de Gramsci, affirmer que le Parti communiste réalisa entièrement les buts que Gramsci lui a assignés.

Nous, qui avons combattus de son vivant les déficiences politiques de Gramsci tout en appréciant certains traits de son caractère et de son intelligence, nous estimons que la plus digne commémoration, l’unique forme prolétarienne de commémoration, ne consiste pas dans une sorte de canonisation du disparu, en lui attribuant une infaillibilité et une sorte de clairvoyance divinatrice et prophétique, mais tout au contraire en dénonçant les erreurs et les fautes, c'est-à-dire la partie négative et caduque de son œuvre afin que celle-ci ne puisse en ternir la partie vivante et durable – qui devient partie intégrante du patrimoine du prolétariat dans son ascension dans la voie révolutionnaire.

Et les faiblesses et incompréhensions ne manquent pas dans l’œuvre de Gramsci, tant à cause de son origine sociale qu’à l’époque où il s’insère dans le mouvement ouvrier italien.

Intellectuel, il avait étudié la théologie et la philosophie à Turin, il avait subi l’influence culturelle de cette philosophie idéaliste de Gentile, son frère spirituel – et lui aussi victime du fascisme – dans l’utopie du libéralisme rénové et « révolutionnaire ». Le marxisme n’était plus pour Gramsci la négation du positivisme et de l’idéalisme, mais une filiation de ces philosophies reniées par les idéologues du capitalisme. L’évolution du capitalisme italien ou révolution bourgeoise n’avait pu avoir les formes achevées qu’elle eût en d’autres pays, conduisit Gramsci à postuler l’hypothèse de l’insertion du prolétariat dans l’accomplissement de la « révolution libérale ». Ainsi, dans le domaine politique il avait subi l’influence, comme d’autres intellectuels de l’immédiat avant-guerre du révisionnisme de Salvemini, qui voyait dans la solution du problème méridional un moyen de surmonter la crise du socialisme dans sa dégénérescence vers le réformisme parlementaire qui s’intégrait dans le capitalusme.

Et Gramsci, Sarde de naissance, opta pour le fédéralisme qu’il chercha à soutenir au sein même du Parti communiste.

Il appartient à cette génération qui est venue au mouvement ouvrier pendant la guerre – il fut même au début interventionniste, comme l’a remarqué Tasca, lançant la flèche de Parthe – et il chercha à se relier à la masse ouvrière, favorisé en cela par le fait qu’il habitait Turin, véritable « capitale prolétarienne » de l’Italie.

Togliatti, dans la commémoration d…citée (illisible), affirme que « quand éclata la révolution russe, Gramsci fut l’unique en Italie qui fut immédiatement capable d’en comprendre la véritable signification historique et le premier à propager le léninisme, la lutte contre le réformisme et le centrisme (c'est-à-dire le courant de Serrati) pour la formation du parti révolutionnaire du prolétariat. Et après la scission de Livourne, dans la lutte contre le gauchisme prédominant, ayant à sa tête Bordiga, aujourd’hui allié du fascisme. Gramsci défit politiquement Bordiga ».

Autant d’affirmations, autant de mensonges.

Le mouvement de « l’Ordine nuovo » pour les conseils d’usines procédait d’une négation radicale de la théorie marxiste : à la thèse communiste du parti de classe luttant pour la destruction de l’Etat capitaliste, était opposée l’autre de l’ébauchement du nouveau monde ouvrier, du monde des « Conseils » (embryons des Soviets) au sein même de la société bourgeoise. Gramsci et l’Ordine Nuovo surestimaient le problème du contrôle ouvrier en admettant la possibilité de réaliser une forme économique socialiste, avant la prise du pouvoir et la destruction de l’appareil étatique bourgeois (tout comme c’est le cas des « socialisations » de Catalogne en 1936) et avec un parti qui resterait uni, de Bordiga à Turati. Et les bonzes réformistes de 1919-1920, ceux qui trahirent au moment de la prise des usines, étaient eux aussi pour ce contrôle ouvrier et ils se crurent, de ce fait, être aussi partisans des soviets. La première délégation italienne envoyée en Russie, était formée en majorité de ces champions qui devaient ensuite passer avec armes et bagages au fascisme.

Gramsci était alors pour l’unité du parti, y compris les réformistes, dont seulement les plus compromis et les moins assimilables devaient être exclus, cas après cas, pendant que le « Soviet » et la fraction communiste (abstentionniste comme elle s’appelait alors) soutenaient la scission avec le réformisme en bloc, comme idéologie contre-révolutionnaire.

Quand nous tînmes en 1920, à Florence, la Conférence nationale de la fraction, où Gramsci, Gennari (secrétaire du parti socialiste de l’époque) et Misiano étaient présents – parce qu’invités – aucune base d’accord ne fut possible pour un travail commun en vue de la création du parti.

Ce fut seulement après le second Congrès de Moscou – auquel Bordiga fut appelé directement par l’I.C. à participer – que la base d’un accord fut trouvée et la Conférence d’Imola, de novembre 1920, créa la fraction communiste du parti socialiste italien qui devait préparer la fondation à Livourne, en janvier 1921, du Parti Communiste italien.

Et si les conditions historiques en mûrissent seulement en 1921, les conditions pour la création du parti de classe ne purent sauver le prolétariat italien de la défaite, ce fut quand même ce parti (sous la direction de la gauche) qui sut, l’arme à la main, protéger la retraite de la classe ouvrière italienne, en même temps que dans le domaine syndical, il réussissait à orienter les masses vers la constitution d’une Alliance du Travail basée sur les luttes économiques, et dans les syndicats de la C.G.L., il groupait la plus grande force numérique après les réformistes.

C’est cette tactique de la gauche qui a créé la solide base prolétarienne dont a bénéficié ensuite le centrisme, en s’en prévalant et malgré la direction centre-droite imposée par Moscou en 1923, à l’insu de la base du parti qui, encore à la conférence d’organisation de mai 1924, devait se prononcer à une énorme majorité pour la gauche, et ce furent encore des « gauchistes » qui, à la tête du mouvement syndical, dirigèrent les grèves de 1925, dernier sursaut de classe du prolétariat italien.

C’est toujours cette même base qui, après 1928, s’est sacrifiée, ou mieux, qui a été sacrifiée par la bureaucratie centriste pour justifier, « in corpore vili », leurs prébendes à Moscou, alors qu’il y avait à la tête de l’appareil illégal du parti un provocateur, Vecchi, et d’autres qu’on n’a pas su ou voulu identifier au Comité Central. C’est cette même bureaucratie couarde et corrompue qui est à la tête du parti, quand Gramsci et Terracini sont tombés dans les mains de l’ennemi de classe, pour suivre aujourd’hui la politique de trahison et qui, aujourd’hui, persécute en s’appuyant sur l’appareil étatique et policier russe, nos camarades Calligaris, Mariottini.

Une fois le parti créé, à Livourne, Gramsci, comme du reste aussi Togliatti, furent complètement absorbés par la forte personnalité de Bordiga et, pas même à Rome, en 1922 – quand furent votées les thèses dites de Rome – ils ne manifestèrent un désaccord et c’est seulement ensuite qu’ils marquèrent leur opposition.

Entre-temps, les contrastes entre le P.C.I. et l’I.C. se précisaient dans l’opposition aux thèses des 3e et 4e congrès de l’I.C. sur les questions du Front Unique et du problème des rapports entre Parti et masse, qui recélaient la dissension sur la nature du Parti vicié à l’origine par l’I.C. et les problèmes nouveaux surgis du fait de l’existence de l’Etat prolétarien. Ces contrastes nous mettaient en opposition avec la ligne de Zinoviev-Boukharine, c'est-à-dire, si vous le voulez, de Lénine-Trotsky. Ainsi, déjà au 4e congrès de l’I.C. en novembre 1922, la gauche reste à la tête du parti seulement pour raison de discipline et avec une ligne politique imposée, jusqu’à ce que Moscou, ayant réussi à créer un centre et une droite, puisse écarter la direction de gauche – alors en prison – et la supplanter avec le bloc centre-droite.

Gramsci qui, au début, avait opposé une résistance aux manœuvres de Moscou – il suffit de rappeler son dédaigneux refus à la proposition faite après Livourne par l’I.C. d’essayer de supplanter Bordiga – finit par se prêter à cette création d’un courant du centre qui ne reflétait en rien l’orientation du parti italien issu de la scission de Livourne.

Nous revendiquons entièrement cette scission de Livourne – cette scission « trop à gauche » - surtout aujourd’hui que les nouveaux maîtres, après 16 ans et une réaction comme le fascisme, tâchent d’effacer cette scission au profit d’une « unité organique » qui nous mettrait sur le même pied que celui qui conduisit au désastre de 1919-20 et qui compromettait dès le début le premier réveil de la classe ouvrière d’Italie.

Certes, il y avait dans le parti, et dans la direction qu’il s’était donnée, des germes d’opportunisme. Je me rappelle de mon opposition, lors de la dernière réunion de la fraction abstentionniste, pendant le Congrès de Livourne, à la liste des noms à présenter pour la direction du nouveau parti. Sur cette liste, figuraient en effet Gennari, Bombacci et d’autres qui avaient jusqu’au dernier moment entravé la constitution de ce parti.

Et je ne parle pas du groupe parlementaire hérité du parti socialiste qui, par une ironie du sort, à nous anciens abstentionnistes, comprenait des éléments inutilisables.

Mais ce fut surtout le poids énorme de la Révolution d’Octobre que l’I.C. (c'est-à-dire en fait les bolcheviks russes) fit intervenir en Italie, comme dans tous les autres pays, pour faire prévaloir un processus de fondation du Parti non sur les bases qui avaient présidé à leur propre formation, mais sur des bases opposées d’un ramassis d’éléments hétérogènes. C’est cette politique qui faisait préférer Serrati à Bordiga et qui fut poursuivie plus tard au travers des accords avec les « Terzini » (Partisans de la IIIe Internationale au sein du Parti socialiste), dans l’intérêt naturellement de la défense de l’Etat prolétarien, pour arriver ensuite à chercher cette défense chez les Etats impérialistes et la S.D.N., en exterminant le prolétariat pour compte de la bourgeoisie.

« Chef » du prolétariat italien, Gramsci ne le fut jamais et n’aurait jamais pu l’être. Sa volonté et son esprit de décision, qualités indispensables d’un chef, se ressentaient de son état physique ; ainsi, en 1921, il subit l’influence de Bordiga tout comme après 1923, celle des dirigeants de l’I.C. « après la mort de Lénine ».

Le « chef » prolétarien est le produit d’une époque historique et l’expression dans une phase déterminée des aspirations et des intérêts de la classe ouvrière dans sa lutte révolutionnaire. Bordiga fut ce chef du prolétariat italien pendant la période d’après-guerre, uniquement parce qu’il sut le premier affirmer la nécessité de le doter d’un parti solidement fondé sur un programme communiste-marxiste. Mais « chef » signifie une fonction dans une phase donnée de la lutte émancipatrice du prolétariat et non une dignité acquise à vie surtout quand, au cours de cette lutte, surgissent continuellement des problèmes nouveaux qu’il faut savoir comprendre pour les résoudre. Le « chef » de la révolution italienne pourra être ou ne pas être Bordiga, mais il le fut certainement – et non pas Gramsci – de 1919 à 1921.

Ainsi Turin, ce centre objectivement favorable et où la majorité de la section du parti était avec nous – les abstentionnistes – ne facilita pas à Gramsci – quoiqu’en dise Togliatti – ni la compréhension immédiate de la Révolution russe (il lui arriva d’affirmer qu’elle avait été possible uniquement parce que Lénine n’avait pas basé sa politique sur le marxisme) ni la nécessité de la constitution du parti de classe, tandis qu’à Naples, centre objectivement le plus défavorable, Bordiga soutenait cette nécessité dès le début de 1919. Et son contact avec le prolétariat fit aboutir Gramsci à cette thèse prud’homienne de la possibilité de la constitution et du développement d’organes d’Etats prolétariens au sein d’un Etat capitaliste, et à concevoir les conseils d’usine comme des embryons de soviets.

Et encore en 1924, quand Gramsci, entré au Parlement et devenu le leader politique du parti, orientait les masses, à l’éclosion de l’affaire Matteoti, vers le débouché parlementaire, vers l’opposition légale au gouvernement fasciste, pour créer le vide autour d’un parlement qui, amputé de la sécession de l’Aventin, ne reflétait plus la volonté du peuple. Et les sécessionnistes bourgeois de l’Aventin, repoussaient naturellement et la proposition de grève générale et celle du refus par les paysans de payer les taxes pour la raison que « l’antifascisme » démocratique, écrivit Togliatti, n’était pas pour une lutte décisive contre Mussolini… !

Est-ce qu’aujourd’hui le Front Populaire, surgi de l’Union de « l’antifascisme de classe » centriste et de l’antifascisme bourgeois et qui exprime un front unique, prélude à l’Union sacrée, peut lutter « sérieusement » contre le régime fasciste, c'est-à-dire pour la destruction du régime capitaliste ?

Mais de cette politique, Gramsci n’est plus responsable. Arrêté en octobre 1926, il échappa ainsi à la lourde responsabilité d’une politique dont il avait été l’un des artisans.

Et Togliatti « qui ne se décide pas ainsi qu’à son habitude » comme Gramsci lui-même le caractérisait, s’est « décidé » à devenir le chef – titre que cette fois nous ne contesterons pas – de la politique de trahison quand les Gramsci, les Terracini et les Scocimarro furent ensevelis dans les geôles fascistes. Et cela n’est pas pour nous étonner.

Le sous-chef de la bande des forbans centristes, Grieco, a récemment écrit dans « Stato Operaio » que « l’aversion de Togliatti pour Bordiga et le « bordiguisme » a toujours été profonde, je dirais presque physique ». Pour une fois, nous sommes d’accord avec Grieco ; cette aversion est celle des agents de la bourgeoisie contre l’unique courant resté fidèle à la lutte pour le communisme.

Et nous n’hésitons pas à affirmer que Gramsci, reconnaissant complètement ses erreurs passées, unique forme de réhabilitation prolétarienne (tout comme Serrati sut se racheter de ses lourdes fautes de 1919 et 1920) se serait peut-être rallié au prolétariat révolutionnaire. Dans une lettre datant de janvier 1924, il avait reconnu l’erreur commise en 1919-1920 par son groupe de l’Ordine Nuovo, repoussant la proposition des abstentionnistes de passer à la constitution immédiate, à l’échelle nationale, du parti de classe du prolétariat italien ; et une autre lettre datée d’octobre 1926 (à la veille de son arrestation) adressée à l’Exécutif de l’I.C. contenait des critiques que surent faire les centristes italiens de la première heure, les Gramsci, Terracini et Scocimaro – tandis qu’il appartenait aux épigones, les Togliatti, Grieco et DI Vittorio, de se prostituer à Staline, le « grand pilote » des défaites prolétariennes et le bourreau du prolétariat russe.

Gatto Mammone

(pseudo de Virgilio Verdaro, 1885-1960, voir sa biographie sur le site Smolny)

(1) Tasca a écrit dernièrement dans le « Nuovo Avanti » que des divergences s’étaient manifestées entre Gramsci et le centre dirigeant du parti à l’étranger et a mis au défi les Togliatti et Grieco de donner une publicité à cette documentation. Aucune réponse n’a été faite par ceux qui, pour honorer Gramsci, veulent se servir de son cadavre pour valider leur politique de destruction du prolétariat révolutionnaire. Inutile d’insister sur le rôle que joue Tasca dans cette affaire. Devenu conseiller attitré du capitalisme français, Tasca cherche à profiter des dissentiments survenus entre Gramsci et Togliatti, pour mieux introduire son poison socialdémocrate parmi les ouvriers.

Par-delà Gramsci et avec Gramsci

contre ses fossoyeurs bordiguiens

Dans le numéro précédent de Bilan, pour réagir rapidement à l’annonce de la mort de Gramsci, un communiqué avait été publié l’associant à Camillo Berneri assassiné en Espagne par les staliniens:

(…) Le capitalisme a supprimé physiquement l’un et l’autre, parce que, malgré les responsabilités de l’un dans la genèse du centrisme (le stalinisme, ndt), malgré la fonction négative et contre-révolutionnaire de l’idéologie anarchiste défendue par l’autre et condamnée par les événements d’Espagne ; Gramsci et Berneri pouvaient, par leur passé, par l’honnêteté de leurs convictions que tant d’arrivistes et d’aventuriers flagellaient, devenir une menace pour l’ordre constitué, le « fasciste » tout aussi bien que le « démocratique » (…) GRAMSCI, chef du prolétariat italien ? Non, parce qu’à aucun moment il n’a su mettre au profit de la classe ouvrière son grand talent, son esprit de sacrifice, sa fermeté dans la lutte contre l’ennemi. Gramsci, provenant d’un milieu intellectuel qui en avait déjà faussé la formation, n’avait pas su s’approprier l’esprit du marxisme qu’il avait pourtant étudié avec tant d’endurance. Et c’est cela qui donne à sa lutte un caractère encore plus noble. Sans pouvoir saisir l’évolution réelle des événements, sans pouvoir contribuer à leur orientation révolutionnaire, il a donné sa vie à la cause du prolétariat. (…) Les vies de Gramsci et de Berneri appartiennent au prolétariat qui s’inspire de leur exemple pour continuer sa lutte ».

Voici donc la première vraie biographie de Gramsci sur internet par un de ceux qui avaient combattu à ses côtés tout en lui montrant ses erreurs. Je me suis tapé la frappe puisque la saisie de la compil de Bilan est loin de son terme, et le site Smolny a donc mon autorisation pour repiquer cette frappe et combler la grave lacune dans son dictionnaire du mouvement révolutionnaire (*).

La plupart des biographies comportent des à peu près ou des mensonges (versions staliniennes et trotskiennes bien sûr). L’article de Pietro Tresso de La Lutte Ouvrière n°44 de mai 1937, lisible sur le web, indiquait que Gramsci était fils de paysans pauvres. Faux ! Grand père colonel et parents employés petits bourgeois.

Gramsci a, par sa démarche d’intellectuel hésitant, favorisé l’installation du stalinisme en Italie, comme en témoigne sa lettre au renégat Togliatti de mai 1923 où il se rallie à l’idée opportuniste du parti de masse contre la fraction Bordiga. Mais Gramsci n’est pas un pourri, il marche sur des œufs, et à chaque pas reconnaît telle erreur ou reste dubitatif. En novembre 1922 il avait refusé de voter contre Bordiga malgré les pressions de Zinoviev, Boukharine et Trotsky. Quand, dans son histoire de la gauche communiste, Bordiga fulmine contre ceux qui assimile les abstentionnistes aux tribunistes hollandais et aux conseillistes, il a d’abord fait un parallèle (sans les confondre) entre gramscisme et kaapédisme, mais pour vouer aux gémonies tous ceux qui seraient tenté de classer comme monolithique le courant abstentionniste. Dans la revue « Il Soviet » où des articles se moquent du conte de la « guerre révolutionnaire », Bordiga a fait publier des articles de Pannekoek et de Gorter ; et il ajoute même de Lukacs quand bien même il était précisé qu’on ne pouvait pas « reprendre à son compte toutes es affirmations qui y sont contenues ». En note il rappelle sa propre honnêteté, à travers Rosmer qui se fit fort de « rappeler comment Bordiga ayant exposé les positions de l’ordinovisme avec une parfaite « honnêteté » à la demande de Lénine, celui-ci fut encore plus convaincu qu’il fallait donner l’ « investiture » à Gramsci et ses camarades. La Gauche et les Bolcheviks étaient divisés par une question de tactique, alors que les ordinovistes restaient étrangers à la théorie, au programme et aux principes communistes ; mais pour les historiens et les fourriers de l’opportunisme, la différence est mince » (fin de cit.).

(*) Le cadenas, pourtant épais de ma cave, a été fracturé. J’ai soupçonné d’abord des voisins crypto-fachos. Curieux qu’on m’ait dérobé un carton plein de l’œuvre conjointe de Janover et Rosa. Ne serait-ce pas l’œuvre de trotskiens NPA ? Rosanover s’est bien vendu dans ce milieu réviso-anarchiste mais reste invendable ailleurs…

MALADIE CHRONIQUE D’UN BORDIGUIEUX

Dans mon Blog du 22 nov 2008 où je détaillais les raisons du marasme des milieux révolutionnaires et où je remettais à sa place les chienneries du sieur Michel Olivier, j’avais glissé des remarques sur Gramsci qui furent jugées trop élogieuses par Robert Camoin, prude gardien d’un temple qui ne lui appartient pourtant pas :

« En Russie, comme en Italie, au début du siècle dernier, dans deux pays où l’industrie n’était pas dominante mais fortement concentrée en deux ou trois grandes villes, la petite bourgeoisie fût appelée à suppléer à la faiblesse de la bourgeoisie, comme l’a génialement analysé Gramsci. Gramsci, plus que Bordiga et à l’inverse de Staline, garda le souci que les ouvriers soient formés et éduqués le plus vite possible au début de la révolution afin de ne pas laisser à la myriade des couches petites bourgeoises traditionnelles la direction de la société. Son message a été perdu sous la récupération stalinienne et par la rigidité bordiguiste ».

J’aurais pu reproduire une partie de l’introduction que j’ai réservée pour le n°3 de Tempus Fugit de F.Langlet (qui sera publié en 2050) pour une partie qui comporte des textes de Laugier et la traduction enfin en français du « Gramsci » de John Mac Cammett », et qui dit ceci :

« Gramsci dérange encore comme Bordiga de nos jours. Récemment un émissaire du Vatican assurait qu’il était mort en chrétien avec une croix dans sa chambre… Gramsci, par son œuvre intense, reste irrécupérable par les curés de la bourgeoisie. Gramsci ne fut pas un intellectuel cultivé mou, ni Bordiga un affreux politique inculte. Par delà la mort des deux plus grands théoriciens italiens, il reste le témoignage de la fraternité et de l’amitié dans le combat (leçon pour les malheureuses sectes autistes d’aujourd’hui) : En décembre 1926, Bordiga retrouva à l’île d’Ustica Antonio Gramsci, son adversaire politique. Bordiga, contrairement à toute légende, n’était pas un sectaire dans les rapports de parti, et faisait passer au premier plan les rapports humains. Malgré leurs divergences, Bordiga et Gramsci étaient liés par une vieille amitié, qu’ils conservèrent contre vents et marées, au point que Gramsci séjourna dans la maison de Bordiga en 1924. Bordiga dirigeait la section scientifique et Gramsci la section littéraire et historique. Préoccupé par la santé délabrée de Gramsci, Bordiga proposa au centre du parti de le faire évader de l’île. Mais cela n’eut pas de suite. Il est typique qu’en 1927, bien que Togliatti fut devenu le numéro un du parti, Gramsci écrivit non à Ercoli – « un certo Togliatti », comme il le disait avec mépris-, mais à Bordiga. En 1934-35, de brèves rencontres eurent lieu entre ce dernier et Gramsci, malade, en déjouant la surveillance de la police, qui l’accompagnait à la clinique de Formia. »

Dans le n° 73 de sa revue « Présence Marxiste », Robert, prévenu par mes soins des petits coups de poignards (amicaux) dans le dos de M.Olivier en profite pour régler ses comptes avec moi, en couvrant d’effusions légèrement baveuses « l’estimé camarade Michel » (et que je te rermercie par ci et par là) auquel il envoie ses comiques et habituelles « mes salutations communistes les meilleures» (faconde complètement anti-marxiste, jamais usitée par Marx en tout cas : existe-t-il un bonjour communiste, une « bonne nuit communiste » ?). Dans l’ensemble il passe complètement à côté du comportement sergent destructeur d’Olivier, et, sans aucune rigueur, « là et ici » il s’en prend au « camarade Jean-Louis Roche ». Dans l’ensemble, autant Olivier joue hypocritement au rassembleur auprès des quelques paumés qui lui demandent audience, autant le patelin Robert joue au type tolérant, ce que dément toute sa production pamphlétaire et son attitude hilarante de maître d’école dans ses rapports avec les autres. Il est libre de tout jugement de valeur, appréciations ou critiques à mon encontre, mais il y a un esquive permanente chez lui, on y reviendra.

Certes tout ce qu’il décrit comme flagorneries du BIPR et de son seul représentant de commerce en France est vrai, qui veut nous refiler l’embryon congelé du « parti de classe » à condition qu’on considère qu’il en est l’accoucheur… ou le « médiateur »… Il tend soudain une main moite au félon Olivier : « Oublieux de la lutte âpre que nous menâmes Marc, toi, moi et lui contre Galard, de l’espèce gramscienne, aujourd’hui il (JLR) vient nous seriner que Gramsci c’est plus intéressant que Bordiga ». Robert cite ensuite la partie du blog évoquée ci-dessus : quand je note « bordiguistes superficiels » il ajoute en italiques « ça n’existe pas mon cher », donc les bordiguiens sont forcément profonds ; qu’on se le dise. Je place entre guillemets « fatalisme religieux » et « sectaire stérile », caractéristiques fournies par l’historien John Mac Cammett, non par moi. Je ne dis pas que Gramsci était plus intéressant que Bordiga, je dis que Bordiga ne détenait pas toute la solution et que Gramsci a de beaux restes. C’est de la révision hurle notre petit maître en culottes courtes, mais sans faute d’orthographe ! C’est de la révision de dire que Bilan compta Gramsci au rang des « nôtres ».

Le lecteur qui aura lu le texte de Gatto Mammone ci-dessus peut se faire un avis clair. Ni Bordiga ni Bilan ne considérèrent Gramsci comme un chien crevé. Je réitère qu’il y a du Benito chez Camoin. Il sait pourtant qu’il a tort puisqu’il dit, à propos de mon appréciation : « que ce ne soit pas exact-exact, il suffira d’ouvrir à la page 1364 – il ignore l’article que je viens de retaper, mais même dans ce communiqué antérieur à l’article, on trouve un éloge troublant pour notre marxiste totalitaire, ou plutôt blanquiste récipiendaire : « Les vies de Gramsci et de Berneri appartiennent au prolétariat qui s’inspire de leur exemple pour continuer sa lutte » (c’est pourtant exact-exact). Bilan ne se contente pas d’affirmer sa solidarité mais affirme que tout n’est pas négatif dans l’œuvre de Gramsci. Dans les Quaderni del carcere, il est l’un des rares à oser poser, après Lénine, le rôle ambigu des intellectuels et des émules inconstants de la petite bourgeoisie. Il qualifie très tôt le personnage de Mussolini comme « blanquisme d’épileptique »

Robert qui joue les encyclopédistes est très ignorant pour des pans entiers de l’histoire révolutionnaire ; et ce n’est pas la première fois que je le fais mettre à genoux les mains sur la tête devant le tableau noir. Robert Camoin, tu me copieras 50 fois la phrase suivante :

- L’œuvre de Gramsci, en reconnaissant que sa partie négative ne peut ternir la partie vivante et durable, est devenue partie intégrante du patrimoine du prolétariat dans son ascension dans la voie révolutionnaire.

Tu réfléchiras ensuite à tes exagérations obséquieuses. La « lutte âpre » commune contre Galard « de l’espèce gramscienne » (à exterminer ?) des quatre mousquetaires évoqués, certes fondateurs du CCI en 1976, ne fut qu’un combat autour d’une tasse de thé, mon pauvre ami. D’abord pour une fois que tu as du bien de Marc Chirik, c’est bon à prendre. Mais il n’y eût pas de lutte pour défendre Bordiga contre Gramsci, et le CCI ne s’est jamais identifié au bordiguisme, ni focalisé contre l’ordinovisme – quoiqu’il contint de bons ordinovistes comme Taly et Raoul Victor - même s’il a fini par singer un bordiguisme faisandé. On parlait peu de Gramsci dans les réunions publiques naguère et Galard fût toujours un adversaire courtois qui, finalement, par son humour, sa faconde de bourgeois tranquille et sympathique, a eu raison des hystéries du PIC et du CCI. Lui peut continuer à se promener la tête haute dans la rue quand les autres rasent les murs de leurs illusions perdues ou rampent pour ne pas perdre leur place dans la hiérarchie de secte.

Robert n’a été qu’une comète dans la durée du CCI (5 ou 6 ans, moi 20 d’internement), puis s’était échappé pour tenter de former son propre parti. En cela il est respectable et courageux. Il a compris bien avant nous les tares politiques du CCI, et celles de MC. Mais au lieu de tirer un bilan de sa trajectoire (et de la nôtre) il s’est raidi. L’esquive la voilà : quel parti envisage-t-il ? Comment fonctionnera ce parti ?

Il se vante d’avoir fait le chemin inverse de Laugier. Or Laugier, en se détachant du bordiguisme, n’a pas vraiment rejoint le conseillisme, mais il a approfondi en véritable mémorialiste les erreurs du mouvement révolutionnaire des sixties, et en particulier il a déshabillé les théories invariantes et retrouvé l’esprit de « Il Soviet », l’esprit fraternel de Bordiga. Les écrits de Laugier laisseront des semences autrement plus fructueuses que les rabâchages ou la copie monastique de Robert. Laugier est un approfondisseur, Robert un équarisseur, et le pire est qu’on a besoin des deux dans le mouvement révolutionnaire.

Robert, en faisant le chemin inverse de l’anarchisme au bordiguisme n’est pas remonté complètement aux sources de Bordiga mais s’est coincé les pieds dans les bordiguieuseries ; ceci dit, contrairement à la démarche malhonnête du BIPR et de son ministre Olivier, Robert ne cache jamais les divergences, affirme une conviction révolutionnaire inébranlable, malgré des excès.

A chacun ses excès camarade Robert ! Tu trouves ma dénonciation des contrôles policiers « Manifestant votre trop du cul », « du dernier vulgaire ». Mais c’est par manque d’humour et surtout par indifférence des « affaires inséparables de l’ordure ». Je me coltine l’actualité comme pourrait le faire une presse quotidienne et cela implique parfois un manque de recul, mais j’assume, d’autant que je suis le seul à assumer ce travail et qu’apparemment plusieurs dizaines de personnes dans le monde se connectent pour me lire.

Je suis grossier quand on me cherche, mais jamais vulgaire ; je reste gentil avec les animaux et les enfants. Mon article en effet virulent non en soi par les termes choking mais parce que sa dénonciation de l’arbitraire policier a atteint son but, et certainement pas par « manque de doigté »… dans le cul comme dirait Robert. Je ne me suis jamais réclamé de Céline ni de son procédé artistique, car ce type et ses écrits me répugnent. J’ai depuis une éternité choisi de m’exprimer au plus près du langage parlé, ce n’est pas fait pour plaire à tout le monde mais c’est ainsi.

Quant à mes photos sur mon blog, dont je ne suis pas le seul réalisateur, elles n’ont pas été initialement de mon fait, mais elles y resteront. Je suis en effet contre l’anonymat. Je te rappelle que nous sommes les deux seuls à exposer au public notre identité véritable, qui pourrait tôt ou tard nous valoir peut-être des ennuis, mais laisse-moi rire de tous ces révolutionnaires anonymes qui signent de pseudos et que la police sait pourtant si exactement aller cueillir au petit matin quand elle le veut !

Si tu es jaloux qu’on me trouve « beau mec », laisse-toi pousser la barbe !

Le problème récurrent est que chacun, dans l’isolement, ne sait plus où il en est. Robert peut parler dans une page de « la décomposition politique de la classe ouvrière, pourrie jusqu’à la moelle par l’idéologie démocratique » mais quelques pages plus loin nous affirmer « seul le prolétariat est totalement sain ». Chacun des fondateurs défroqués du CCI peut bien dans son coin affirmer une chose, protester, geindre, insulter l’autre, rien n’est nouveau, ni dû à la décomposition du monde, pour un mouvement révolutionnaire en catatonie. Avant-guerre, les querelles entre militants dispersés, les Victor Serge, Monate, Rosmer, Naville furent terribles (lire la biographie de Naville par Alain Cuenot, ed Bénévent, les 300 premières pages, après l’histoire du PSU on s’en fout). Les groupes s’étaient tous fossilisés. Les vieux militants marginalisés n’y croyaient plus, puis à la fin des sixties… Il faut bien considérer que nous sommes tous des has been, y compris les vieillards des sectes qui se la pètent « squelette du parti futur » alors qu’il ne restera dans la poussière que leurs cannes. Cela n’empêchera pas le mouvement de renaître ni de se développer mais à partir des principes des plus grands, Rosa et Lénine, via nos pauvres écrits s’il en reste des traces.

Salutations hivernales !