PAGES PROLETARIENNES

vendredi 6 juin 2008

LA COMMUNISATION C’EST DU chiqué !

Plus que quelques jours avant la sortie du Précis de communisation. Désolé d’une si longue absence. J’étais parti quelques jours à la campagne. Je ramène toujours des trésors de mon grenier. Si j’avais pu réaliser une annexe plus conséquente encore à mon Précis de communisation, la quantité de textes déniaisant cette idéologie néo-hippie et néo-ultra-gauche, aurait été équivalente aux 280 pages, incluant le bijou qu’on va lire plus bas et mes divers articles contre le modernisme et Dauvé dans le journal RI et la revue internationale. Je me suis aperçu récemment que la poignée de cénacles communisateurs n’est composée, comme les membres du FN, que de vieux barbons, instituteurs en retraite qui professent des âneries que même nos collégiens des sixties auraient eu honte d’avancer. En outre, les papys communisateurs sont d’une carence intellectuelle navrante quant au minimum de compréhension du fonctionnement du système, de son utilisation des modes idéologiques, de son utilisation du mépris « sociologique » pour les besoins triviaux des« consommateurs aliénés», c'est-à-dire les prolétaires selon les petits bourgeois hippies et les bohèmes situs. Les prolétaires n’auront été au XXe siècle, pour ces parasites intellectuels, que les esclaves de la marchandise… Le communisateur glose et exalte le sacrifice terroriste… Au total nos « communisants » sont aveugles face aux capacités de manipulation de la bourgeoisie présentée comme un chevalier blanc. En invoquant à la manière des anarchistes naïfs « la théorie du complot » pour ridiculiser les révolutionnaires qui dénoncent les stratégies de la bourgeoisie, nos communisateurs d’un soir (pas grand) s’excluent de tout raisonnement politique et sous-estiment gravement les capacités de résistance et d’adaptation de l’Etat bourgeois. Qu’il me suffise de rappeler l’arrière-plan du « succès » des paradis artificiels. Personne ne s’est étonné que le mouvement pacifiste anti-guerre des sixties ait été noyé dans la came, à côté des mensonges répétés sur l’indifférence des « ouvriers blancs ». On a glosé couramment sur ces pauvres petits soldats, profondément meurtris moralement au retour du Vietnam. On s’est peu interrogé sur l’approvisionnement en came sur le terrain militaire même des troufions démoralisés. La CIA contribua au développement de la culture du pavot mais surtout à la fabrication de l’héroïne, pour empêcher le développement d’une réflexion critique contre la guerre capitaliste. Pourquoi l’héroïne ? Parce que l’héroïne est une drogue non communautaire, qui détruit individuellement, qui rend le champ de vision extrêmement étroit, qui casse l’individu sans qu’il soit tenté de s’ouvrir aux autres sur les raisons de sa souffrance ; on invente à la même époque son succédané la méthadone. Plus amplement, le FBI a voulu que la drogue soit implantée partout dans les quartiers pauvres, surtout dans les quartiers noirs. Depuis trente ans, les déracinés et les révoltés sans cause se piquent et meurent au coin des rues, ou provoquent des émeutes sans lendemain qui effarouchent le bon peuple à l’idée de toute violence révolutionnaire. Dans les zones sinistrées de la planète, la violence, essentiellement individualisée et coupée de toute approche de classe, est ainsi plus facile à gérer. On divise entre vieil ouvrier repus et jeune drogué largué. Aujourd’hui la jeunesse se défoule des heures durant sur Internet, qui a remplacé la télé, avec des jeux tueurs, mis au point par des militaires professionnels. Drogue et Internet, à trente ans de distance, poursuivent le même but indispensable à la classe régnante : nier toute révolution de classe. L’autodestruction, ce principal versant de la décomposition sociale partielle (car toute le prolétariat ne peut pas être « drogué » au sens propre de l’épave) sert la bourgeoisie. Elle est maîtresse du jeu.

La fin des années 1960 n’est pas seulement un réveil du prolétariat de la longue contre-révolution stalinienne et fasciste, elle signe aussi la réapparition de minorités révolutionnaires, plus ou moins bâtardes, confuses ou des brûlots ponctuels comme ce petit bijou de réflexion, probablement d’un jeune élément échaudé par les billevesées modernistes ou marcusiennes et vu la tonalité un peu à la mode situ pamphlétaire de cette brochure. Il mène, préventivement si longtemps à l’avance, le combat contre les idéologies hippies et terroristes si concomitantes, comme il le démontre avec brio, si semblables aux « adorations » de nos actuels communisateurs toutes divisions confondues.


CONTRIBUTION A

LA CRITIQUE DU

ROMANTISME DE

L’ANTI-TRAVAIL, DE

L’ANTI-CONSOMMATION

ET AUTRE

Ou

La maladie infantile du nouveau

mouvement révolutionnaire, considérée

sous ses aspects idéologiques et

pratique, non violent et violent

et comment y remédier

BROCHURE ANONYME DE 1975

(correspondance : A.Trillaud poste restante

Paris 17)

AVERTISSEMENT

« Le vieil Hegel avait coutume de dire : immédiatement avant que surgisse quelque chose de qualitativement nouveau, l’ancien état qualitatif se ressaisit dans son essence originaire purement générale, dans sa totalité simple, dépassant et reprenant en lui-même toutes les différences et particularités marquées qu’il avait déposées tant qu’il était viable ». Marx






Avant sa disparition, le capitalisme donne en spectacle son histoire passée dans un ultime tour de piste. La « vie culturelle » ressemble exactement à la parade finale d’un spectacle de cirque : après les années 20 puis 30 revoici les années 50 et les années 60.

Pourtant le problème se pose de savoir si le capitalisme en s’écroulant n’entraînera pas dans sa chute tout le reste, dans un réflexe de désespoir. La contamination mentale industrielle n’est-elle pas trop avancée ?

Voici en tout cas quelques aspects de cette contamination et quelques remèdes pour en sortir.

Tout ce que nous avons voulu montrer dans cette brochure, c’est que le terrorisme actuel – surtout dans les pays « industriellement développés » - n’est que la 2e forme (par ordre chronologique après le mouvement « hippie ») du romantisme de l’anti-travail, et donc aussi peu subversif.

Le capitaliste, comme le prolétaire est aliéné. Mais le capitaliste, comme le terroriste, est à l’aise dans son aliénation. Alors que le prolo, comme le guerillero (dans le sens où nous l’entendons) y est mal à l’aise et tend à la dépasser, à se nier en tant que tel et à nier toutes les conditions actuelles d’inexistence. En termes plus banals, le terroriste, c'est-à-dire le capitaliste inversé, aime poser des bombes, mettre le feu, voler, etc. au point qu’il ne vise pas du tout , malgré ce qu’il dit et ce qu’on dit de lui, à renverser ce monde de la marchandise mais à le conserver ; car détruire ce monde est devenu une fin en soi. D’où l’ambiguïté de propositions encore très répandues dans ce genre : «çà ma fait jouir donc c’est révolutionnaire ». S’il est vrai que ce qui est emmerdant est rarement tel, la jouissance doit être non moins sûrement reliée au but final et ne pas être considérée isolément. Cela peut paraître une nuance sans importance ; pourtant en la négligeant on risque fort de se retrouver à l’opposé de ce qu’on croyait.

Eté 1975

« Il faut se débarrasser aussi bien

du crétinisme du travail que du

romantisme de l’anti-travail ».

Si on ne parle bien que de ce que l’on connaît, alors cette brochure risque de présenter un certain intérêt ; nous avons en effet plus ou moins pataugé un certain temps dans ce que nous avons appelé « le romantisme de l’anti-travail » et de l’anti-consommation », et il est difficile d’affirmer qu’on en est définitivement sorti, pratiquement sinon théoriquement.

Ce romantisme est nettement une maladie du nouveau mouvement révolutionnaire, une réaction contre le travail à tout prix. Ce romantisme doit être surmonté et l’est sûrement par tout mouvement parvenu à sa maturité.

Les considérations tactiques, le « détachement intérieur » dont parme Lukacs n’entraînent pas un amoindrissement de la haine des formes capitalistes, de la volonté de les détruire. Car la véritable supériorité (en pensée, en actes) telle qu’elle peut s’exercer dès maintenant ne consiste pas plus dans une constante agressivité maniaque qu’en une obéissance aveugle vis-à-vis des valeurs bourgeoises, mais en une attitude dialectique, délivrée – autant que faire se peut – de la contagion idéologique du capitalisme.

Le romantisme de l’anti-travail et de l’anti-consommation va souvent de pair avec le romantisme de l’illégalité[1] déjà décrit par Lukacs dès 1920 et avec bien d’autres idéologies.

La même personne doit être capable d’employer le travail et de lutter contre le travail simultanément et alternativement (pas de travailleurs ou d’anti-travailleurs professionnels). On ne doit pas plus hésiter à se couper les tifs qu’à bosser ou à se procurer un gadget si la tactique/plaisir l’exige. C’est la meilleure façon, en dépit des apparences, d’affirmer tout de suite son indépendance d’esprit et autre vis-à-vis de l’idéologie bourgeoise.

Le guérillero professionnel, version moderne du « révolutionnaire professionnel » à la Lénine (mais avec un moins bel avenir) s’enferme dans la clandestinité comme un malade dans ses médicaments. C’est une des nombreuses façons actuelles de se suicider – en beauté. Le terroriste de métier est un gladiateur volontaire des nouveaux jeux du cirque, à l’échelle mondiale que sont la plupart des prises d’otages, des affrontements armés avec les flics, des procès, etc. JUST A SHOW THE LAST BUT NOT THE LEAST. Nous ne sommes pas pour la guerrilla à temps partiel mais pour l’emploi dialectique de tous les moyens, légaux et illégaux, armés et non armés en vue du but final: la revolution et la vie (non la mort).

CHAPITRE I

« America says : Don’t.

Yippies say : do it » Rubin

Les yippies n’ont pas plus dépassé les hippies que les weathermen les yippies: tous sont restés sur le terrain de la bourgeoisie dont la plupart sinon tous étaient d’ailleurs issus.

C’est dans le bouquin de Rubin : We are every Where (Nous sommes partout) que s’exprime le plus naïvement le romantisme de l’anti-travail, de l’anti-conaosmmation, de l’illégalité et autre. Rubin écrit sans rire qu’il est fou de joie en apprenant qu’il vient d’être inculpé et ainsi de suite. Rubin a consciencieusement inversé toutes les valeurs bourgeoises :

« Aimez vos parents » devient « Tuez vos parents »

« Mariez-vous » ……….. « Ne vous mariez jamais »

« Respectez la loi » ………… « Violez la loi »

« Achetez » ……….. « Volez »

« Travaillez » ………. « Ne travaillez jamais ».

Ce qu’on peut lui reprocher, c’est non seulement d’en rester aux paroles sans passer aux actes – ce que feront les Weathermen – mais aussi de substituer à l’idéologie dominante une autre idéologie exactement inverse, donc à éterniser le capitalisme.

Un humoriste disait déjà : « Je suis pour tout ce qui est contre, contre tout ce qui est pour ». Les yipppies ne vont pas plus loin : puisque le FLN, L.Oswald, Cuba sont opposés aux USA, ils sont révolutionnaires : inversement tout ce qui est prôné par le système devient tabou.

Quant à l’utilisation des media et l’apologie de la jeunesse (en âge), on voit que c’est Giscard d’Estaing qui en est, en France, le meilleur adepte. « Don’t beleive anybody above 30 » est aussi la devise en informatique : « La moyenne d’âge de nos ingénieurs est et restera de 32 ans ; avant ils sont un peu verts, après c’est le déclin » (cité dans Les ordinateurs, col. Idées).

Le coup de guitare qu’a reçu Hoffman à Woodstock, évidemment gommé par le film du même nom, n’a pas réussi à le tirer de sa fausse conscience.

Le romantisme de l’anti-consommation, ou art d’utiliser les restes, est le bienvenu en ces temps où l’économie, dans tous les sens du terme, est à la une (qu’elle n’a en fait jamais quittée).

Cela va des joies de l’autostop aux charmes de « l’architecture spontanée ». On lit dans un guide que « l’autostop est un sport complet, source d’économie, apprend à être patient, à vaincre sa timidité, à quitter son confort douillet »[2]. Ah ! faire soi-même sa nourriture (non souillée), ses vêtements (non standardisés), et même sa maison et ses meubles : « Aux USA on construit de plus en plus sa maison de ses propres mains avec des matériaux de récupération » (Elle).

Si les hippies ignorent ostensiblement le supermarché, le supermarché ne les ignore pas, s’en sert. Indispensables dans les conseils municipaux en Hollande, ils vont devenir nécessaires pour renouveler le « milieu » (politique).

La France semble spécialisée dans l’idéologie anti-étudiant, qui va souvent de pair avec l’idéologie anti-militant. La fameuse brochure « De la misère en milieu étudiant » en est directement responsable, bien que son auteur ait toujours voulu garder le point de vue de la totalité, il s’est quand même placé sur le terrain de la pensée dominante en en décrivant une partie[3] à la différence des autres écrivains situationnistes.

A l’idéologie anti-mec, anti-militariste, anti-pollution, anti-mites, anti-normes (folie, drogue, délinquance, etc.) correspondent autant de boutiques spécialisées pourvues de stands ambulants juxtaposés en particulier lors de fêtes organisées de temps en temps[4]. Quant à l’idéologie anti-groupe, anti-couple, elle semble être soit le fait de néo-stirnériens, soit de lecteurs ayant mal assimilé certains écrits sur les groupes.

A suivre….



[1] Tout ce qui tend à dégonfler la mythologie du clandestin est salutaire ; par exemple les livres de recettes montrant que désormais tout est à la portée de tous, les confessions non truquées d’anciens terroristes, etc. D’autre part, la légalité est relative, variable d’un pays à l’autre, d’une année à l’autre.

[2] A quand un brevet de 1000 heures d’autostop pour entrer à l’ENA ?

[3] C’était déjà le problème des derniers écrits « économiques » de Marx.

[4] Est-ce un hasard si Bakounine, dans ses lettres plus ou moins codées (à A.Richard, 1870) utilise le terme de « système commercial » pour désigner les organisations révolutionnaires ? (sectes blanquistes)