PAGES PROLETARIENNES

vendredi 9 novembre 2007

L’ARGENT DES RICHES

ET LE CREPUSCULE

DE LA PETITE BOURGEOISIE

« La bourgeoisie n’est autre que l’intérêt parvenu à satisfaction »

Victor Hugo

« Les riches et les filous sont les deux faces d’une même médaille ; ce sont les deux catégories principales de parasites nourris par le capitalisme ; ce sont les principaux ennemis du socialisme, des ennemis qu’il faut placer sous la surveillance particulière de toute la population… »

Lénine (Comment organiser l’émulation ? 27 décembre 1917)

19331 euros par mois. La nouvelle paye du Président a affolé brièvement les gazettistes et flanqué des boutons aux petits bourgeois. Rien de bien extraordinaire pourtant. Comme avec le coup du Fouquet’s au soir de son élection ou le séjour en Méditerranée avec Madame Ex à bord du rafiot d’une star patronale. Sarkozy montre encore une fois que l’exemple de la richesse sociale qui commence par soi-même. Il peut toujours arguer qu’il s’agit d’un réajustement plus clair que les rémunérations obscures de bouche ou de cul de son prédécesseur. Croyez-vous que Chirac se laissait rétribuer trois fois moins que ses premiers ministres ?

Chirac touchait bien les officiels 6700 euros brut pour l’Elysée, mais on lui ajoutait 13 000 euros de pensions diverses, ce qui lui rapportait 20 000 euros au total, sans payer non plus de loyer ni les banquets et avions républicains ; mais le parasite en chef de la nation puise en vérité ce qu’il veut dans les caisses noires de l’Elysée ; çà déborde même des armoires et menace de s’envoler comme dans l’ultime razzia de Kubrick. Le seul problème qui devrait intéresser les journaux people (mais ils n'ont pas osé) est de savoir si la pension alimentaire de Cécilia-Antoinette sera calculée sur l'ancien ou le nouveau salaire du blaireau.

LA DEMOCRATIE DES MILLIARDAIRES RIEURS

Les députés, qui ont votés pour le passage du budget de l’Elysée à 100 millions d’euros, sont eux-mêmes épaulés par des pensions diverses dont la plus scandaleuse est la retraite cumulable : une mandature = 1500 euros, deux = 3000 euros, cinq = 1500 X 5, etc. Les députés sont eux-mêmes membres des conseils d’administration ou des mêmes « loges » que les patrons, et ils se tiennent tous par la barbichette. Les élections sont les clés de la tirelire luxueuse.

Le gagnant-gagnant dans les payes princières reste Strauss-Kahn ; ce bourgeois recevra comme directeur du FMI, 295 000 euros net d’impôts, et une allocation forfaitaire de 75 000 dollars. Le blaireau Sarko fait perdant avec ses 231 972 euros par an, même s’il ne paye pas de loyer non plus.

Pour les bouffons Zemmour et Domenach qui se pavanent sur i-télé, c’est normal que « Nicolas » soit devenu fou du fric. Regardez, dirent-ils, lors de la soirée au Fouquet’s la liste des invités ne comportait que des membres du CAC 40… il y avait de quoi avoir des complexes face à des stars patronales qui émargent à plus de 3 millions d’euros par an !

L’un des pitres confia comprendre les réajustements en cours :

- les salaires patronaux ont explosé, avant il y avait parité entre revenus des politiques et des entrepreneurs, il est normal qu’il y ait un certain rattrapage, même si les disparités sont sans commune mesure avec ce que gagnent les animateurs de télé, les patrons du CAC 40 et les grands journalistes…

La gauche caviar et ses syndicalistes payés deux fois le SMIC poussent des cris d’orfraie. Le SMIC était à 1280 euros en juillet dernier et s’il avait dû bénéficier de la même hausse de 140% pour le blaireau, il serait de 3010 euros/mois, c'est-à-dire un salaire de cadre inférieur.

Ils nous font rire tous ces jaloux car ils défendent au fond la même hiérarchie sociale et politique et se battent pour les mêmes places à chaque élection !

Sus aux patrons ! Or la plupart des patrons de PME ne dépassent pas les 3973 euros/mois, c’est-à-dire la moyenne des salaires des cadres supérieurs planqués dans les grandes entreprises publiques et des chefs des partis de gauche. Certains petits patrons privés ne gagnent longtemps que le SMIC, certains sont moins rémunérés que leurs employés.

Donc un patron du CAC 40 gagne 100 fois plus qu’un patron de PME, tant mieux pour lui. Les « retraites chapeau », les « parachutes dorés », les « primes de performance » n’ont plus de limites bien qu’un cabinet, Proxinvest, ait fixé à 240 fois le SMIC « la limite socialement acceptable des revenus de dirigeants ». Les disparités sont encore pires au Royaume Uni et aux Etats-Unis….

Evidemment les grands patrons réinvestissent mais le plus souvent, de plus en plus, dans la mafia financière des banques, pas pour créer des emplois…

Evidemment nous les prolétaires on n’en a que foutre de ces salaires faramineux, on n’a pas besoin d’avoir quinze voitures au lieu d’une, quatre bifteck au lieu d’un, etc. Cette minorité de richards n’est pas un problème : les 50 dirigeants du CAC 40 + Sarkozy + les généraux et syndicalistes les mieux payés, pourront tous tenir dans les murs de la prison de la Santé.

Le problème politique principal n’est pas constitué par cette poignée de magnats et de radars de la finance gangstériste officielle, mais par les centaines de milliers de petits profiteurs des PME à 3973 euros/mois, leurs collègues cadres supérieurs des TGE (très grandes entreprises), les milliers de syndicalistes rétribués en sous-main, et les flics et magistrats parrainés, etc.

Il n’y a pas que les revenus des big stars patronales qui ont explosés. Il suffit de voir sur les routes l’explosion du nombre de big 4X4 et dans la campagne ou à la neige des résidences secondaires… Des milliers et des milliers de petits bourgeois profiteurs dans la banque, dans le commerce, dans les corps armés et humanitaires (ce néo-colonialisme impérialiste si bien éventé par l’Arche de Zoé) sont avides d’accumuler, prêts à toute prostitution pour s’enrichir toujours plus, avec comme exemple, certes lointain, la poignée de magnats qui les méprisent.

Ma mère disait toujours « il y a ceux qui en ont trop et d’autres pas assez ». Mais, on ne peut pas partir de là pour remettre en cause l’ordre capitaliste. A ses électeurs gauchistes et aux imbéciles de la secte LO, le politicien véreux Rocard répondait justement il y a des lustres : « il n’y aurait de toute façon pas de solution en répartissant l’argent mieux, car ce que gagnent au total la minorité des magnats, ne représente qu’une infime partie de la valeur du travail ».

Le mode de vie des couches moyennes friquées tend hélas à modeler la consommation de ceux d’en bas, et bien sûr la classe ouvrière qui reste pourtant la seule classe à montrer qu’il est plus important d’être que d’avoir et dont les éléments les plus conscients savent bien qu’il ne s’agit pas de réformer la hiérarchie extrême des salaires ni de mieux distribuer l’argent mais de l’abolir avec le salariat et l’Etat.

LA PETITE BOURGEOISIE NE VEUT PLUS TOMBER DANS LE PROLETARIAT

La petite bourgeoisie est une classe anxieuse par nature, qui est stressée dès qu’elle se rapproche des 1850 euros médians. Il est loin le temps où les enfants des couches moyennes s’imaginèrent « jouir sans entraves ». Mai 68, personne ne l’a dit clairement, avait vu les enfants de la petite bourgeoisie tomber (fugacement) dans le prolétariat, mais en s’imaginant à la tête des prolétaires, pas à leur traîne. Cette chute dans le bassin prolétarien n’avait pas entrainé une purification des corps et des âmes, ni un adoubement par les damnés de la terre industrialisée. Les progénitures petites bourgeoises gardèrent leurs tics d’éducation extérieure. Ils se devaient de conserver leur rang social comme leurs pères et ne se conçurent que comme donneurs de leçons aux bases salariales. Leur culture politique limitée à un survol de Bakounine, Staline, Lénine et Trotskine conféra à leurs discours d’AG estudiantines un efficace training à leur future carrière de managers du PS, de professeurs d’Université et de cadres de services publics. La plupart entrent désormais dans la catégorie des retraités salariés les plus aisés, grands bénéficiaires de la révolution mitterrandienne et jospiniste. En Angleterre et en France on trouve en général les hôtels pleins de ces têtes chenues de rentiers de la révolution qui s’étendit du boul Mich’ aux résidences en Méditerranée et qui végètent dans l’espoir d’un loisir rentier infini. La petite bourgeoisie s’affole face à la crise des caisses de retraite et y voit une remise en cause de son confort en fin de carrière. Peu de caisses de retraite sont nées d’initiatives ouvrières. Aux beaux jours du syndicalisme révolutionnaire, les militants ouvriers étaient hostiles à l’idéologie de prévoyance sociale, très vite récupérée par le patronat, car détournant les travailleurs du projet révolutionnaire en favorisant le repli sur la vie familiale.

Je partage avec N.Sarkozy ce dégoût pour cette population bobo (pas pour les mêmes raisons certes), qui, occupant les deux tiers des grandes cités, empêche la droite caviar de rafler la mise. Les pires ne sont pas souvent ceux qui occupent le haut de la galerie mais cette couche moyenne inférieure composée des intellectuels ratés des cryptes trotskiennes et de l’ultra-gauche qui, piteusement, se revendiquent encore d’une vague révolution. Ils restent mécontents, non pas que la révolution n’ait pas eu lieu, mais d’être remisés au rang des couches inférieures de la société, sans pouvoir prétendre dicter leurs conditions aux ouvriers et à leurs progénitures émeutières.

Ce milieu hétéroclite d’échoués intermédiaires du système a cru brièvement en un changement radical et rapide à leur profit en supposant prendre la tête de la classe ouvrière (aux deux sens du terme). Face à l’apathie méfiante de la classe ouvrière, le rêve de pouvoir a viré au cauchemar mitterrandien : ils s’affirmèrent encore comme un tampon amortisseur entre bourgeoisie et prolétariat, sous couleur verte et bio. Le syndicalisme, sponsorisé ou gratuit, leur sert à marginaliser les ouvriers dans leurs luttes et à prétendre disparue l’identité prolétarienne au profit d’une citoyenneté de pacotille.

Cette petite bourgeoisie politique intellectuelle sent désormais le rance aux côtés de la petite bourgeoisie artisanale archaïque et raciste. Elle est assez représentative de l’aspiration vers le haut de la hiérarchie sociale d’une masse importante de la population autochtone qui a entrainé un appel d’air pour une immigration peu qualifiée, permettant même à une mince couche de la classe ouvrière de se prendre pour une « aristocratie ouvrière » syndicaliste et enseignante, soluble dans les couches moyennes inférieures.

Les jeunes des couches moyennes ont cessé d’être des acteurs politiques de premier plan des sixties, puisqu’ils ont vieilli. Dès les années 1980, l’âge moyen du représentant syndical et politique était de 45 ans, puis de 59 ans en 2000. Malgré quelques leaders des mouvements étudiants petits bourgeois successifs jusqu’au CPE, voués à un avenir de caciques du parti bourgeois PS, et excepté le pâle Besancenot, la vie politique reste rythmée par des « vieux » politicards. Les jeunes prolétaires ou étudiants ne retrouvent leur voix subversive qu’en temps d’émeutes et de révolutions.

Le déclassement social qui frappe à la fois les enfants de la classe ouvrière et ceux des couches petites bourgeoises ne les montre pas encore prêts à remettre en cause l’ordre politique et social bourgeois. Le suicide ou la prostitution restent l’horizon partagé.

Depuis le XIXe siècle, la petite bourgeoisie, malgré son hétérogénéité et son opportunisme politique, avait toujours prétendu incarner l’idée de progrès. Historiquement la petite bourgeoisie n’est plus qu’une figurante dans la dérisoire révolution sociétale. Elle ne peut plus prétendre être une élite de rechange dans la mesure même où elle ne peut se défaire de l’idéologie de la hiérarchie. Elle veut bien commander mais ne plus être commandée. Elle regarde le prolétariat comme une classe en dessous qui oublie son histoire, qui vote mal, qui a une hygiène de vie déplorable, qui est raciste et homophobe, qui se contente de son pouvoir d’achat dans les supermarchés.

Dans la crise économique qui avance inéluctablement en aggravant le chômage de masse et en paupérisant des couches de plus en plus larges des intermédiaires, la petite bourgeoisie politique intellectuelle rêve de reprendre son rôle d’élite de rechange et réoccuper ce terrain perdu de la contestation politique des sixties. Hélas leur immaturité politique, ce mépris hiérarchique pour la classe ouvrière inférieure, et leur impuissance à proposer un avenir réellement révolutionnaire, les rendent inaptes à prétendre redevenir la tête du prolétariat. Le savoir qui était la prérogative principale de la petite bourgeoisie en milieu ouvrier est caduque. Plus personne n’a besoin de leur savoir aliéné. La crise morale et politique qui marque le quarantième anniversaire de mai 68 confirme, non le déclin de la classe ouvrière, mais le déclassement politique de la petite bourgeoisie, érodée entre gauchismes et PS. Les discours incantatoires et très conservatoires de l’idéologie démocratique bourgeoise ne sont que les chrysanthèmes du cimetière de la petite bourgeoisie comme classe poreuse et évanescente.

JLR

1917’s Old Birthday :

LES COMMERES HYSTERIQUES

CONTRE LA REVOLUTION

Qui eût cru que le 90ème anniversaire de la révolution d’Octobre 1917 entraînerait autant de cris et de fureurs contre toute exemplarité de son souvenir ?

Il est vrai que ce 90ème anniversaire coïncide pratiquement avec le 40ème de cet autre événement dérangeant pour l’ordre dominant, Mai 68 (que les mêmes hystériques intellectuels de gouvernement tentent de rabaisser à une simple révolution sexuelle…).

Les médias bourgeois mettent le paquet. Surtout les médias financés par l’industrie de l’armement comme la chaîne Arte et Le Monde, sans oublier les maisons d’édition contrôlées toutes par les magnats corrompus de l’industrie et du pouvoir. On va vérifier ici que la hargne anti-bolchevik est de type perverse narcissique bourgeoise…

La presse bourgeoise est en crise et le livre aussi, c'est-à-dire qu’elle ne vit plus à partir des sous des lecteurs, lesquels n’y voient plus que mensonges. La presse bourgeoise est tenue à bout de bras par la finance capitaliste (cf. débat sur i-télé le 8 novembre), du Figaro à l’Huma et aux Echos.

Commençons par l’édition moins people et qui instille son venin dans la durée. Un épais livre est balancé aux meilleures places des étals de libraires depuis trois mois : « La révolution russe 1891-1924, la tragédie d’un peuple » d’Orlando Figes, universitaire britannique, au penchant sociologue et ignorantin volontaire de l’histoire et des débats des révolutionnaires, persécutés par le stalinisme, roulés dans la boue par les actuels laquais intellectuels de la bourgeoisie arrogante. On ne mord pas la main qui vous nourrit.

VERSION GUTENBERG

L’introduction de Marc Ferro résume tout à fait le néant structuraliste et anarchiste de l’épais livre. On ne pouvait souhaiter pire pour commémorer les 90 ans de l’inquiétante révolution d’Octobre 1917. Le propos central de Figes est de dénier tout rôle aux bolcheviks. Ce brave universitaire cite à plusieurs reprises l’assertion de Lénine : « pour que s’accomplisse une révolution, il n’est pas besoin de révolutionnaires, il suffit de laisser agir les dirigeants ». A partir de cette assertion naturellement évidente pour nous aussi, l’universitaire et son sponsor de France 3, peuvent valider une énième version anarchiste de la révolution russe.

On nous assure que le vrai révolutionnaire est le petit paysan indigné par la longue humiliation subie sous le régime tsariste. Foin des « textes sacrés de la tradition socialiste, marxiste ou non », pour comprendre « l’accomplissement des événements de 1917 » ! Ce qui est déjà de la pure bêtise de la part de l’auteur et de son présentateur. Car prétendre « irriter tous ceux » qui y ont vu « l’effet de l’action des révolutionnaires » avec du vent et une description à la petite semaine ne risque pas d’ébranler les solides piliers qui ont fait qu’Octobre 1917 demeure une révolution prolétarienne dérangeante, même 90 ans après. Se passer de l’histoire du mouvement ouvrier et de ses débats théoriques est comme boire à la bouteille avec un contenu vide. A la trappe le « monde ouvrier » qui, selon Figes « n’occupe pas le devant de la scène » ! A la fosse les Rosa Luxemburg, Trotski, Pannekoek, Bordiga, etc. ! Place aux paysans et aux soldats mais pour dénoncer leur violence primaire !

Orlando Figes est bombardé par le chevrotant Ferro « metteur en scène de talent » pour sa description de la lente décomposition du régime jusqu’à sa chute qui « n’est pas un putsch accompli par une minorité de gardes rouges », mais… (dans la même phrase pour mieux couler l’histoire du mouvement ouvrier) « mais une épreuve de force entre un gouvernement qui a perdu toute autorité et un réseau d’organisations dont le parti a su prendre la tête ».

L’appel à la paix fait le succès des bolcheviks, comme n’importe quel bédouin est obligé de le reconnaître, mais le petit paysan n’attend pas le décret sur la terre pour s’en emparer tout comme il lui apparaitra naturel d’affamer les villes…

Ferro prend le parti des anarchistes après Figes en estimant que la décision de construire le socialisme dans un seul pays débute avec la concession de la paix de Brest-Litovsk, ce qui est une imbécillité dénoncée depuis lors par tous les éléments conscients de la Gauche communiste, et non par la « tradition trotskiste et maoïste ».

Ferro se gausse que « les pouvoirs des nouveaux tyrans n’avaient pas de prise sur la société », ce qui est vrai (aux ministères des affaires étrangères tout le monde se rit du nouveau ministre Trotsky) ; au début en tout cas, dans le chaos…

Au lieu de prendre du recul et d’examiner ce qui était possible ou pas, et surtout de placer en parallèle les immenses massacres de la guerre mondiale, Ferro et son compère Figes nous entraînent dans les méandres de la Tcheka sans expliquer les raisons de son apparition et de la participation en son sein des anarchistes ou d’autres socialistes non membres du parti de Lénine. C’est de l’histoire sélective et people, avec photos, descriptions de bains de sangs et tortures garanties. Oubliées les tortures dans les tranchées, les yeux crevés au front, les corps décapités par les rafales. Dans la guerre civile voulue par la bourgeoisie, la « fureur populaire », comme en 1793, dépasse les politiques qui sont obligés (Lénine comme Robespierre) de surenchérir pour maîtriser la situation. Et, contrairement à ce qu’affirme Ferro, Figes ne se tient pas à équidistance des adulateurs et des pourfendeurs, il se joint totalement à ces derniers pour affirmer que les « leaders les plus déterminés » de Lénine à Staline « ont assumé tous les excès et même y ont contribué ». Qu’ils aillent dire cela à leurs maîtres anti-terroristes Blair et Cie dans leur façon d’assumer tous les excès de l’armée US en Irak !

Le mensonge anarchiste si répandu qui assure que le parti a absorbé toutes les institutions sociales et ouvrières fait mine d’oublier que l’aspirateur principal fût l’Etat, Etat remis en état pour la survie d’une nation enclavée, et donc n’explique en rien pourquoi au final la plupart des leaders bolcheviks furent exterminés.

On se répand sur les atrocités dont sont victimes les paysans, sans rappeler celles dont sont aussi victimes certains commissaires politiques envoyés à la campagne.

Ferro cite les avis de Staline et du prince Lvov mais cela ne parvient qu’à conforter l’osmose entre la population exploitée et le nouveau régime fragile, heureux d’être débarrassés du tsarisme responsable cynique d’une immense misère et de millions de massacres sans nom.

Les remarques de Ferro sont enfin d’une nullité crasse, du niveau de l’odieuxvisuel et si canichement rassurantes pour ceux qui le rétribue ; le monde n’est qu’un bout de poumon qui pourrit sur place : « la société apparaît ainsi comme une fourmilière désordonnée et le déroulement de l’histoire perd toute signification » (ouf !). La « description » du nommé Figes « prend le pas sur celle des doctrines et des débats théoriques sur le socialisme ». Et ta sœur, elle prend le pas sur ton père ?

En tout cas pas par votre porte-monnaie : inutile de claquer près de 40 euros pour cette étude au ras des foins de la fourmilière des pauvres. Il vaut mieux encore relire Anna Karénine ou le dernier Harry Potter.

VERSION PRESSE CORROMPUE

Incontestablement, c’est autour le la commémoration audiovisuelle par Arte que des intellectuels de second ordre sont lancés en meute pour non seulement ridiculiser mais aussi diaboliser les bolcheviks pire que les nazis, pour jeter l’effroi sur toute perspective (« rêverie » disent ces cuistres) de mise à bas du régime capitaliste.

L’hebdo bobo des cadres supérieurs de gôche, Le Nouvel Obs, dans son supplément TV avait déjà envoyé au front des poubelles à papier, son préposé Burguière. Ce premier plumitif brode et puise au même stock de structuralisme anarchiste que tous ses compères contractuels poussiéreux de la presse dépendante des magnats de l’industrie et de l’armement. Tous, on le verra, tentent de minimiser que la révolution communiste a été enfantée par la guerre capitaliste. Le petit obligé du Nouvel Obs écrit : « La Russie tsariste ne s’est pas effondrée sous le poids de sa misère et de son arriération, comme l’a prétendu longtemps l’historiographie soviétique, mais sous l’effet d’une brutale modernisation économique et culturelle qui contrastait avec l’immobilisme politique ». Puis le rôle des ouvriers est dénié, à l’unisson du patchwork d’Arte, ce sont les comités de soldats qui se sont mutinés ! Imbécile, les soldats n’étaient tous que des paysans et des ouvriers sous l’uniforme ! Lénine, dit le contractuel larbin du trust Perdriel « ne faisait confiance qu’à l’action putschiste de révolutionnaires à plein temps », alors que comme les compères au prurit anti-bolchevik de la version Gutenberg en librairie il a reconnu qu’il n’y avait pas besoin de ces soit disant professionnels pour pousser les masses à renverser le régime de misère et de guerre !

Autre commérage commun à toutes ces commères de l’ordre dominant, il faut à tout prix faire apparaître masses et parti bolcheviks comme différents. Il salue le « remarquable film » d’Arte pour sa palette d’historiens (tous aussi réacs et superficiels les uns et les autres, du vieux Ferro à l’historien militaire russe) et son « métissage obscur des habitudes » fondu dans la Russie éternelle!?

L’agression de concierge de l’ordre dominant est plus hargneuse, violente et perverse avec un certain Jan Krauze qui est chargé par un journal douteux, probablement le plus complaisant pour la bourgeoisie actuelle, et fort implanté en milieu intellectuel petit-bourgeois. Puisqu’il s’agit de Le Monde, il faut convenir qu’il justifie par cette éructation totalitaire toutes les répressions depuis bientôt un siècle contre les prolétaires opprimés.

Au nom de qui et en vertu de quoi ce monsieur Krauze s’autorise-t-il une telle morgue face à une expérience historique fondamentale ? Une commande obligée d’un des financiers de ce journal imbitable ? Pourquoi Le Monde n’a-t-il pas laissé la plume à des historiens d’envergure, pas si impartiaux ni hystériques ? Il suffit de lire sur le net les réactions indignées pour voir que ce journal bourgeois n’a pas fini de perdre des lecteurs depuis la révélation (incomplète) de sa face cachée. Vivement la faillite complète de ce torchon de larbins qui écrivent sur commande pour détruire l’histoire qui gêne !

Comme les organes de propagande les plus simplistes et racoleurs de la vieille bourgeoisie, tel « Je suis partout » de l’an 40, tel « Le parisien » de l’an 70, la série des trois articles – « Un étrange coup d’Etat », « La griffe de Lénine » et « Tout est permis » - évite de rappeler les conditions historiques, la lutte des classes et l’espoir formidable soulevé pour les centaines de millions de travailleurs du monde entier. Il suffit d’emblée d’instiller le doute et par des descriptions grotesques et dévalorisantes en criminalisant la trajectoire des militants socialistes. Les termes utilisés proviennent d’une haine pathologique de la révolution… sale. Le flic qui sommeille sous Jan Krauze déplore que les poils rasés de Lénine fassent mentir sa carte d’identité, sans compter des allures d’ivrogne d’un homme de l’ombre, qui se faufile pour entrer à Smolny sans laisser-passer.

Troubles sont aussi ces soldats déserteurs qui « craignent d’être envoyés au front ». Trouble les Trotski et Dzejinski qui organisent l’insurrection en faisant baisser les ponts qui permettent de s’emparer du centre de Pétrograd. Salaud de Lénine qui menace de faire fusiller ceux qui n’obéissent pas ! Et les généraux au front ils offraient un thé aux soldats qui refusaient de se jeter au-devant des balles ?

La révolution pue : « à l’institut Smolny… les délégués s’entassent… dans une puissante odeur de tabac et d’urine… ». Le décret « Tout le pouvoir aux soviets » est « purement tactique »… bien sûr, bien sûr avec un maraudeur comme Lénine il faut s’attendre à tout !

Comme Le Figaro de 1967 lors du 50ème anniversaire : « Lénine a fait faillite ».

Deuxième série : Lénine a des griffes. Le diable aussi. Le caniche Krauze se rue à nouveau pour minimiser l’impact de la guerre. Jamais il ne dénonce la guerre capitaliste. Ce n’est qu’une « terrible saignée » qui « a miné le tsarisme et révélé l’incapacité des élites » ! L’incapacité des élites à mobiliser pour la saignée ? Et qui remettent une couche d’offensive en juin 1917 alors que les milliers de soldats désertent. Les bolcheviks, pouah… « ils se sont contentés de prendre le train en marche » ; oubliés Zimmerwald et Kienthal !

Krauze montre qu’il regrette que les Romanov n’aient pas eu plus de poigne et Kerenski plus de capacité de répression contre les bolcheviks. Un caniche choisit toujours le camp qui le nourrit. Ce type doit être petit-fils de russe blanc. Les descriptions qui suivent révèlent une verve célinienne, avec ces bolcheviks assoiffés de sang et cet « illuminé » de Lénine à la « nuque grasse d’un bourgeois » mais aussi « l’air d’un notaire de province du Second Empire ».

Dans la diatribe haineuse il y a une large place pour le mensonge et la déformation malhonnête. Le petit Krauze point du doigt avec rage un texte de décembre 1917 « joliment intitulé » : « Comment organiser l’émulation ? ». Il distille l’interprétation avec une suavité toute d’hypocrisie : « on peut lire un appel « à débarrasser la terre russe de tous les insectes nuisibles », on mettra en prison riches et filous et « on les munira d’une carte jaune… pour pouvoir mieux les surveiller »… Krauze toujours !

Vous ne voyez pas là une allusion à une certaine extermination qui sert de credo à tous les magnats capitalistes et à la gauche caviar ? Malin le petit Krauze, mérite de l’avancement à Noël ou une invitation dans un yacht de Lagardère !

Le texte de Lénine, misérablement caviardé et faussé, est tout simplement génial et encore subversif (vous pouvez le lire intégral sur Internet). Dans l’improvisation du moment et face au chaos, Lénine fait confiance encore à la classe ouvrière pour gérer la société et croit à la possibilité d’un Etat prolétarien : « Il faut détruire à tout prix ce vieux préjugé absurde, barbare, infâme et odieux, selon lequel seules les prétendues « classes supérieures », seuls les riches ou ceux qui sont passés par l’école des classes riches, peuvent administrer l’Etat, organiser l’édification de la société capitaliste ». Et contre ce pauvre petit Krauze, Lénine ajoutait par avant : « C’est là un préjugé. Il est entretenu par une routine pourrie, par l’encroûtement, par l’habitude de l’esclave, et plus encore par la cupidité sordide des capitalistes, qui ont intérêt à administrer en pillant et à piller en administrant ». En résumé Lénine ne parle jamais d’exterminer quiconque mais d’envoyer les riches nettoyer les chiottes. Je suis, moi, encore tout à fait d’accord avec lui, mais à condition d’y adjoindre Krauze.

Enfin, en troisième lieu, le petit Krauze se lance au pas de charge contre la répression des ouvriers par le parti bolchevik, il évite soigneusement de parler d’Etat, car tout Etat (y compris celui, sarkozyste, dont il se réclame) aurait fait pire.

Les bolcheviks, « à peine parvenus aux commandes », se retournent avec une brutalité « inouïe » contre toutes les catégories sociales. Voilà bien la définition communément admise depuis le maccarthysme de « l’Etat totalitaire », parodie grossière de l’Etat démocratique bourgeois ! Alors que les ouvriers se fichent de la dissolution de l’Assemblée potiche et postiche, Krauze déplore une manif de protestation en janvier 1918 où les gardes rouges auraient fait une dizaine de morts (on n’en sait trop rien, l’anarchiste Berthier prétend dans son pamphlet libéral anti-bolchevik qu’il y en eût une centaine). Hélas. Hélas, mais chiffrage des morts ou bavures regrettables sont des épiphénomènes par rapport à la grandiose révolution.

Il est facile d’extraire les cas successifs de répression contre les ouvriers puis les paysans et de les égrener mais cela ne constitue pas une analyse objective de la révolution, tout au plus une pleurnicherie de propagandiste comme le triste sire Melgounov. La critique des erreurs ou des fautes de la révolution russe, on n’a jamais eu besoin des journalistes caniches pour la mener. Nous disposons d’un trésor de contributions théoriques de Pannekoek à Bordiga, et incluant aussi Lénine et Trotsky pour mesurer sereinement apports et erreurs.

Les journalistes accrédités à l’époque ne se soucièrent pas plus des ouvriers des usines de Poutilov que le sieur Krauze ne se soucie des chômeurs aujourd’hui ! Entre 1917 et 1921 il se passe d’autres événements qui interfèrent ou justifient mesures de terreur et répression : attentats terroristes anarchistes, incursions des armées blanches, refus des paysans d’alimenter les villes… Il est trop simpliste de présenter les bolcheviks comme des buveurs de sang, mais c’est bien au creuset des Dénikine (qu’il cite aimablement), Hitler et la bourgeoisie bc bg que puise notre petit Krauze. Les mots qui caractérisent la coercition nazie sont insidieusement glissés partout : pendaison d’otages, camp de concentration, villages gazés, lyrisme sadique, de la revanche sociale au pur banditisme, criminels pervers de la Tcheka, immenses bordels, tueries de masse…

Sur Internet l’article a rallié nombre de bourgeois outrecuidants comme celui-ci : « les bolcheviks sont indéfendables, ne les défendez pas, ces gens-là étaient des voyous, c’est tout ». A information de caniche réaction de caniche. Nous les prolétaires insurgés, quand on se lève pour renverser l’oppression capitaliste, on trouve toujours des laquais, pour nous traiter comme des voyous, pour nous traîner dans la boue, comme vous le fîtes, tas de lâches, devant les colonnes de Communards enchaînés à Satory !

Je tiens cependant à répondre ici à deux accusations infâmantes concernant le massacre des ouvriers à Astrakhan et sur le train de vie des dirigeants de l’Etat prolétarien. Nous qui sommes encore fiers de la révolution en Russie, nous ne la défendons pas cyniquement à la manière de la réaction stalinienne ou trotskienne, nous n’avons jamais accepté de fermer les yeux face à la réalité des révélations successives d’atrocités, même si cette vérité devait être dure et amère pour nous. Beaucoup de jeunes gauchistes, devenus léninistes, et aussi la plupart des militants radicaux ultra-gauches, n’ont eu qu’une connaissance tardive en Occident du massacre inouï de la grève de mars 1919 à Astrakhan ; deux à quatre mille ouvriers auraient été fusillés et noyés ! Deux ans avant Kronstadt, le nouvel Etat avait donc déjà massacré en masse les ouvriers. Cela ne détruit pourtant pas à nos yeux la révolution russe. Chaque révolution peut avoir sa Vendée, ses victimes innocentes, dans un cycle pas toujours clair des deux côtés de provocation-répression ; si cela est regrettable, encore faut-il le placer en comparaison des grandes « Vendées » du capitalisme : le massacre des Juifs en 39-45 et Hiroshima par exemple.

Il y a toujours, en 1919 comme en 1793, une certaine paranoïa révolutionnaire. Comme à Kronstadt plus tard, il semble bien, comme le déduit Nicolas Werth, que la violence de « l’Etat prolétarien » ait résulté de l’affolement dû à la situation géostratégique d’Astrakhan. Près de l’embouchure de la Volga, cette ville était le dernier verrou empêchant la jonction des troupes de l’amiral Koltchak et celles de Dénikine. La grève eût une telle ampleur qu’elle avait même entrainée l’insubordination d’un régiment entier et des soldats tuèrent une quarantaine de responsables bolcheviks. Situation dangereuse du point de vue du nouvel Etat près d’une frontière de la guerre civile. Kirov, futur enfant chéri de Staline, y joua le même sinistre rôle d’organisateur des représailles que Carrier lors de la révolution française.

Concernant le train de vie des dirigeants bolcheviks, le petit Krauze véhicule n’importe quoi, et mélange les privilèges que s’accordèrent les successeurs staliniens avec la relative simplicité du mode de vie des « vieux bolcheviks » plus dévoués jour et nuit à la cause de la révolution qu’à l’accumulation personnelle. Le concierge Krauze peut jeter ses commérages comme il sort les poubelles de ses maîtres. Il y aurait eu ceux qui s’étaient réservés les anciennes datchas des nobles (Trotsky celle de Ioussoupov) et un Zinoviev qui « traîne partout une ribambelles de prostituées ». Or, les datchas accaparées par l’Etat au début de la révolution, furent plus souvent louées ou attribuées provisoirement aux nouveaux responsables et aux employés justifiant d’ancienneté comme centre de vacances pour déstresser.

Cette chute du dernier papier graisseux du journaliste correspond à son titre « tout est permis » qui n’est qu’un détournement d’un commentaire dans le film d’Arte concernant la liberté de création artistique. « Tout est permis » signifie dans la bouche du petit Krauze illustré que les révolutionnaires étaient des pourris qui n’avaient accrochés leur ceinture au bar de la révolution que pour leur jouissance personnelle.

Pour ce concierge de la presse corrompue toutes les insultes contre les révolutionnaires sont douces aux oreilles de ses maîtres, et comme il y ajoute beaucoup d’hémoglobine – les bolcheviks ayant fait couler plus de sang que les généraux tzaristes selon lui – il sera beaucoup récompensé.

Je suggère qu’il remplace, à l’Académie française, Mme Hélène Carrère d’Encausse, lorsque celle-ci ira retrouver son dieu orthodoxe, car la dame qui a si bien analysé l’irruption de la canaille bolchevik du point de vue tzariste, est elle aussi petite fille d’une noble famille ukrainienne fidèle aux idéaux de la Russie éternelle.

VERSION TELE POUBELLE DE MONSIEUR OFF

La chaîne Arte passe pour une chaîne cultivée mais en général elle est de ce niveau culturel et objectif qui était si bien caractérisé par Jean Yanne : « quand j’entends le mot culture, je sors mon transistor ». La chaîne franco-allemande est même d’un esprit plus étroit que ses consoeurs people et les débats y sont zoigneusement enkadrés. Ses journalistes sont recrutés pour leur absence d’humour et d’esprit. Les sujets historiques sont soigneusement aseptisés et les sujets de société parqués par des spécialistes qui ont toujours un manche à balai dans le cul. On espère toujours malgré cela que la chaîne idéologique rigide va nous distraire par des images moins sottes qu’ailleurs.

Hélas avec la révolution russe, les cadrages sont de travers et les personnes interviewées dans des positions intenables, en coin sur un banc, sur un fauteuil penché et on ne voit qu’un bras ou un bout du torse. Cela reflète bien le patchwork imbuvable qui sert à évacuer les questions de fond. L’émission précédente avait été conclue par un commentaire crétin : « Trotsky est mort victime d’un système qu’il avait mis en place ». Merci encore Staline !

Annoncé à grands renforts de commérages hystériques comme on l’a vu, la version franco-allemande de la révolution russe nous laissait présager le pire. Si le Nouvel Obs nous avait presque annoncé une merveilleuse synthèse, on découvrit un bazar hétéroclite où surnageait la volonté obstinée de nuire. On nous annonça qu’on allait traiter de la révolution la plus importante du XXe siècle, pour préciser aussitôt que c’était celle, démocratique et va-t-en guerre de février 1917 qui avait été toujours négligée. Le petit Krauze qui sommeille en nous pouvait être rassuré, on n’allait pas glorifier les sanglants bolcheviks, d’autant précisait Monsieur Off que le grand mythe d’Octobre relevait d’une réécriture de l’histoire. En effet, les bolcheviks à peine au pouvoir n’avaient-ils pas réécrit l’histoire ? Surtout avec leur petit coup d’Etat de minorité qu’ils ont fait passer pour une insurrection des masses qui n’y ont vu que pouic au jour dit, et que si elles avaient eu la télé, elles seraient restées devant l’écran numérique.

Bonne pomme, Monsieur Off, avec sa voix virile et grasse de vendeur de margarine, compatit avec les naïfs qui ont en tête un côté positif de la révolution, car, ou plutôt et pourtant. Et pourtant c’est dans la nature des révolutionnaires de promettre ce que les révolutions ne peuvent pas réaliser.

En tête des historiens d’aujourd’hui, car ceux d’hier sont morts, avance l’élégante fille de l’aristocratie tsariste, académicienne et spécialiste de la révolution mieux que des pues-la- sueur, Hélène Carrère d’Encausse. Nicolas II n’était pas un mauvais bougre et la révolte est venue de la société non des révolutionnaires. De Marc Ferro à d’Encausse cette insistance pour faire cas à part des révolutionnaires sent le mépris bourgeois. Comme le tsar ces commères d’histoire pensent que le peuple est un enfant sauvage qu’il ne faut pas laisser dévier par d’autres bergers. Ces derniers sont tous issus de la bourgeoisie précise aussitôt Monsieur Off. Papy Ferro revient à l’écran pour nous expliquer que Lénine était un jeune homme frustré… enrichissement historique au niveau d’un Max Gallo !

Comme dans la version Gutenberg et presse corrompue, la chaîne franco-prussienne passe rapidement sur la guerre et sur la signification de 1905, plus importante que février 1917. On apprend que de 1906 à 1909 il y a des milliers de condamnations à mort dont ont oublié de nous parler la tzarinette d’Encausse et le contractuel de FR3 Ferro. Monsieur Off reprend le dessus pour empêcher toute déduction insurrectionnaliste du spectateur et préciser que le militant bolchevik type avait cette caractéristique de l’intellectuel qui possède tout, de culpabiliser mais d’avoir toujours raison. On se sent pourtant diablement proche de l’intellectuel bolchevik lorsque défilent les images des paysans sous le servage et des ouvriers traités comme des chiens dans les mines de la Russie tzariste.

La tzarinette d’Encausse est l’invitée perpétuelle pour venir gerber sur les bolcheviks, au nom de la pluralité et diversité qui enchantent Burguière. L’amie de feu le tsar, nominée historienne officielle, ne tient visiblement pas à ce que ce salopard de Nicolas II, qui passe la plupart de son temps en loisirs, soit mis en cause pour l’envoi au casse-pipe de millions d’ouvriers et de paysans russes, aussi s’en prend-elle à Lénine qui en 1913 n’aurait pas eu une analyse différente de celles des … terroristes des années 1890 ! Or Lénine se fichait de tuer le tsar mais avait compris l’opportunité historique de liquider le capitalisme et de faire laver les latrines aux misses d’Encausse, ce qui est tout différent.

Si la rigide chaîne prusso-francophile lâche une ou deux vérités - par exemple début 1914 on compte déjà un million de grévistes et qu’en février 1917 pour la journée de la femme des milliers de compagnes d’ouvriers et de soldats lancent la lutte pour la paix et le pain - aussitôt apparaît à l’image une vieille raclure d’historien militaire (cette espèce existe) pour nous conter que les mutineries ou fraternisation au front ont été organisées par le contre-espionnage allemand pour affaiblir l’armée russe. C’est démocratique de donner la parole même aux menteurs les plus minables. La répression des manifs à Petrograd par le gouvernement de février coûte quand même 1500 morts et là, la vision de leur enterrement est saisissante et nous fait comprendre, malgré la marmelade d’Arte, que le peuple va violemment mettre fin au cauchemar.

Le fameux intermède de février que Monsieur Off disait regrettablement oublié réapparaît avec la dérisoire obstination du gouvernement Kérensky à continuer la guerre, lequel est ridiculisé non par les bolcheviks mais par le conseil central du soviet qui casse la hiérarchie militaire et donne tous les droits aux soldats. Monsieur Off en a la voix off d’ailleurs et a du mal à respirer face à cet affront à la hiérarchie séculaire bcbg. Il se reprend, la paix voulue allait être fatale au peuple qui se livrait ainsi aux ogres bolcheviks : « la paix allait être le principal instrument de recrutement des bolcheviks » omettant d’ajouter que la guerre avait été le principal instrument de recrutement obligatoire de l’autocratie capitaliste.

Flash-back sur le retour en wagon plombé de Lénine. Monsieur Off fait croire que Lénine était déjà connu comme un personnage important et que sa position défaitiste était de bon augure pour l’Etat-major prussien, d’où l’intérêt de le ramener en Russie. Or, si l’Etat allemand avait affrété ce wagon plombé, c’était pour toutes les fractions politiques radicales indistinctes, dans l’espoir d’affaiblir intérieurement un ennemi, pas pour favoriser une révolution bolcheviste ! Contredisant une nouvelle criminalisation de Lénine, Monsieur Off, qui n’en est pas à une contradiction près, nous apprend que le gouvernement Kérensky avait fait savoir secrètement aux autorités allemandes sa volonté de poursuivre la guerre, ce qui est autrement plus confondant que les éternelles supputations sur le wagon plombé.

On insiste toujours lourdement sur la permissivité qui règne au début de la révolution ; une personne peut être membre de plusieurs partis (monsieur Off le dit en passant pour encore désigner les bolcheviks comme une secte).

Lénine apparaît avec une casquette d’ouvrier, c’est le seul chef d’Etat à avoir adopté ce couvre-chef et à avoir abandonné le chapeau cloche. Trotsky est décrit comme le principal organisateur de la révolution et il apparaît même plus populaire que Lénine.

Le meilleur du venin de Monsieur Off est pour la fin. Les bourgeois balancent toujours la peau de banane en fin de discours. Le parti « ne va pas échapper à la guerre civile » (bien fait !). Lénine « a inventé le goulag avant Staline et inspiré Hitler et les dictateurs du XXe siècle ».
Tout est dit. La révolution ce fût pire que la guerre et le tsar ! Puisqu’on vous le dit en franco-prussien, par l’organe cultuel des deux principaux pays qui ont armés les troupes des blancs, c’est que c’est vrai !

Certains en tremblent encore. Vive la révolution bolchevik !