PAGES PROLETARIENNES

samedi 27 octobre 2007

NICOLAS S'EST MOQUE DE GUY

Le sénile maréchal Pétain faisait chanter en son temps dans toutes les écoles de la « zone libre » une ode à sa gloire : « Maréchal nous voilà ! ». Le dictateur au petit pied qui fait office de nouveau Président de la République ne pouvait pas graisser la patte à Doc Gynéco pour que ce pauvre rappeur lèche-botte blues concocte un « Nicolas youp là boum » pour faire danser nos enfants de maternelle ! La lecture de la dernière lettre (la lecture obligée, pas le contenu) du jeune Guy Môquet à ses parents avant d’être fusillé par la soldatesque nazie est pourtant autrement navrante et falsificatrice que la chanson pour le pépé massacreur de 14-18. Pas seulement parce que ce pauvre Guy Môquet croyait combattre pour le communisme aux ordres du maréchal Staline.
Cette lettre imposée comme lecture civique dans toutes les écoles de la France libérée de toute honte, pour aussi émouvante qu’elle soit, ne permet pas de gagner les matchs de rugby. Elle fût lue dans les vestiaires avant le premier match de l’équipe de France à ces grands enfants bourrus et musclés comme antidote à leur élimination annoncée, par un sous-fifre nommé Bernard Laporte. Le ridicule ne permit pas de remporter la coupe du monde du ballon ovale.

L’obligation élyséenne nécrophage de lire la lettre souleva une intense polémique parmi le brave milieu enseignant, choqué à bon droit d’une telle démarche incongrue, nauséabonde et odieuse. Pour ceux qui connaissent l’histoire, la guerre et de la résistance, cette démarche propagandiste est ignominieuse et ne sert pas seulement à rappeler des vérités gênantes dans la continuité de l’ordre établi, mais inaugure une nouvelle politique nationale comme on le déduira en conclusion de cet article.
En lieu et place de la dénonciation du maquillage concernant la lutte contre l’occupant nazi chargé de tous les péchés rétroactifs du monde, un tremplin a été dressé pour le PCF et ses souteneurs, dont les résidus se sont mis à hurler : « ne touchez pas aux martyrs de Chateaubriant ! » parmi les soit-disant 75.000 fusillés du parti de Maurice Thorez. Encore un coup de la droite pour s’emparer des mythes de la gauche, après le ralliement des transfuges « socialistes » !

Il s’agit bien d’un mythe (peu glorieux) de la gauche capitaliste en effet. Le PCF ne reconnut sa responsabilité dans l’attentat de Nantes qu’en 1950, mais non comme un crime. La résistance avait été enterrée depuis longtemps par la reprise en mains des rênes de l’Etat bourgeois et des corps militaires. Les résistants ne faisaient plus figure que de rigolos utopistes quand les anciens fonctionnaires pétainistes, Papon et Cie, avaient repris leurs fonctions dans l’appareil d’Etat. Lors d’une commémoration, devant 15.000 perosnnes, le 20 octobre 1991, le dernier membre du commando qui avait exécuté le lieutenant-colonel Karl Hotz à Nantes, entrainant les représailles contre les otages de Chateaubriant, Gilbert Brustlein avait exhibé un panneau « Marchais n’a pas sa place ici ! » et avait été expulsé manu militari par les officiels gaullistes et le SO du PCF. Désordre.
Comme Guévara pour les trostskiens, Guy Môquet avait jusque là longtemps servi de vitrine à l’histoire maquillée du PCF pendant la guerre. Aragon avait été chargé d’écrire un long pensum à la gloire involontaire des martyres (dont deux trotskistes) précisant qu’il avait fallu fusiller le petit Guy Môquet évanoui. Aragon se permettait de tirer dans la foulée un coup de chapeau à Gabriel Péri, lui-même vraisemblablement livré par le PCF à la Gestapo pour son hostilité à la pratique terroriste de la résistance FTP, qui s’inscrivait dans la lignée discontinue de tous ceux qui croyaient « préparer des lendemains qui chantent ».

Résumé des courses par Wikipédia :
« Le 20 octobre 1941, le lieutenant-colonel Karl Hotz à Nantes (…) est abattu rue du Roi-Albert à Nantes par trois résistants : Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et un ancien officier des Brigades internationales d'origine italienne (naturalisé Français en 1932) Spartaco Guisco, tous trois venus de Paris, envoyés par Jules Dumont et Albert Ouzoulias responsables des Bataillons de la Jeunesse. Tandis que le pistolet de Guisco s'enraye, Brustlein tire deux balles dans le dos de l'officier à proximité de la cathédrale. Les deux hommes qui ont cherché en vain une cible la veille, ignorent qui sont leurs victimes ce matin là. Ils réussissent à prendre la fuite. Les autorités nazies décident une répression exemplaire de cet acte qu'elles qualifient de terroriste. Le lendemain, une proclamation indique qu’au moins 50 otages seront fusillés si les tireurs ne se livrent pas. Deux jours plus tard, 48 personnes sont abattues en représailles. L'arrestation à Paris, quelques jours plus tard, des auteurs de l'attentat par la police française diffère celle de cinquante autres otages dont Hitler réclamait l'exécution. Parmi les 48 otages fusillés, 27 sont des internés du Camp de Châteaubriant, supposés communistes, et ils sont exécutés sur place, à la carrière de la Sablière, 17 sont de la région nantaise et sont exécutés à Nantes et 4 sont exécutés à Paris. Le ministre de l'intérieur Pierre Pucheu a tout fait pour que soient désignés des communistes plutôt que des « bons Français ». Au Camp de Châteaubriant, 27 otages seront fusillés, parmi eux figure Guy Môquet. Il s'agit du plus jeune des fusillés (17 ans). Il refuse que ses camarades intercèdent en sa faveur. « Je suis communiste autant que toi » déclare-t-il au dentiste Ténine. Les plus connus des autres fusillés étaient Charles Michels, député communiste du XVe arrondissement de Paris et Jean-Pierre Timbaud, secrétaire de la fédération des métaux CGT de la région parisienne. Il y avait également deux trotskistes : Marc Bourhis et un communiste qui avait rompu avec le PCF à la suite du pacte germano-soviétique, le maire de Concarneau Pierre Guéguin. Cette exécution, en même temps que d'autres à Nantes et à Bordeaux, suscita une énorme émotion dans le pays, et une grève symbolique de cinq minutes est organisée à travers toute la France le 30 octobre.


Les Allemands, et la politique des otages:

À partir du 19 juin 1941, les autorités d'occupation allemandes de Nantes garantissent la sécurité des troupes d'occupation en prélevant à tour de rôles des notables — élus, présidents d'association, etc. — consignés en un lieu physique pour quelques heures ou simplement d'astreinte à leur domicile. Après novembre 1941, cette pratique tombe en désuétude sans qu'aucun otage n'ait été passé par les armes. La vague d'attentats initiée le 21 août 1941 par Fabien à la station de métro parisienne Barbès-Rochechouart, va amener les Allemands à modifier leur politique d'otages en privilégiant pour tout attentat la piste « judéo-bolchevique » , même en l'absence de toute revendication. Cette politique sera parfaitement formulée par l'ambassadeur allemand à Paris Otto Abetz en décembre 1941 :
« Même lorsqu'il est clairement prouvé que les auteurs d'attentats sont des Français, il est bon de ne pas mettre cette constatation en relief, mais de tenir compte de nos intérêts politiques et de prétendre qu'il s'agit exclusivement de juifs et des agents à la solde des services de renseignements anglo-saxons et russes. »
Du 22 juin au 22 octobre 1941, seulement quatre Allemands ont été tués par la Résistance mais d'autres attentats, matériels, même s'ils ont un faible impact, montrent qu'il ne s'agit pas d'actes isolés, mais bien d'une vague d'attentats. La première attitude du commandant militaire de la Wehrmacht en France (Militärbefelshaber in Frankreich, MBF), Otto von Stülpnagel consiste à demander au gouvernement de Vichy d'exercer lui-même la répression. C'est ainsi que le nouveau ministre de l'intérieur Pierre Pucheu va créer des tribunaux d'exception : les « Sections spéciales » qui envoient à la guillotine, après jugements sommaires, une poignée d'internés plus ou moins communistes.
Les Allemands prennent ensuite eux-mêmes en charge l'exécution d'otages. Les trois premiers sont fusillés le 6 septembre, les dix suivants le seront le 16 septembre. Cette répression apparait trop douce à Hitler qui trouve Stülpnagel trop mou et lui envoie la directive d'exécuter au moins cent otages par Allemand tué. Stülpnagel, arguant que les troupes allemandes ne sont pas menacées, ne se hâte pas d'engager une politique de représailles. Il ne tient pas à se mettre à dos une population qui travaille pour le plus grand bénéfice de la puissance occupante. Il ne veut pas non plus mettre en porte-à-faux le gouvernement de Vichy qui collabore de façon satisfaisante. « Des exécutions massives ne sont pas encore justifiées par la situation. Elles pourraient entraîner la résistance de toute la population française, ce qui pour des raisons politiques, militaires et économiques, pourrait conduire à d'importantes difficultés [...] » écrit-il le 11 septembre au haut-commandement de l'armée de terre. »

Tous les noms des martyres ornent des rues de la plupart des grandes villes françaises. Tout notre respect va à leur statut de victimes de guerre, non aux charognards gaullistes et staliniens qui s’en sont servi de cache-sexe. Leur rendre un véritable hommage passera ici par la restitution des causes de leur massacre.
La politique d’attentats contre les officiers allemands décidée par le PCF dans la clandestinité est destinée à frapper fort, d’autant plus fort que la direction du parti nationaliste stalinien avec Duclos venait de se compromettre dangereusement avec une demande de reparution de leur journal auprès des autorités allemandes dans la foulée du pacte amical coco-naze (cf. PU 148). La stratégie terroriste avait donc été inaugurée par le meurtre de l’aspirant Moser au métro Barbès le 21 août 1941 par celui qui sera qualifié de colonel Fabien et dont le nom est une tâche de bêtise encore dans maints lieux publics, suivi des inévitables représailles d’innocents.
Le commando envoyé de Paris à Nantes a improvisé un peu au hasard comme on l’a vu. L’attentat de Barbès avait déjà soulevé l’indignation de membres du comité central, offusqué par le pacte germano-soviétique. Gabriel Péri, si bien chloroformé pour l’histoire bc bg antifasciste, n’était plus en odeur de sainteté, il avait essayé de contacter Paul Nizan qui avait déchiré sa carte du parti. Péri s’opposait à la nouvelle tactique terroriste du parti pour son inutilité politique et surtout pour son pouvoir de nuisance sur les populations otages. L’historien Courtois a raconté comment le PCF l’avait laissé tomber aux mains de la Gestapo. Un autre gêneur avait fait apposer des affiches dans le métro dénonçant les pratiques terroristes parallèles des membres de son parti, Marcel Cachin. Il était parti en Bretagne. Une escouade fût lancée à sa recherche et le ramena à l’ordre à Paris. En 1989, un de mes interviewés, Diran Voshguiridjian, membre du groupe Manouchian, en 1989 rappelle avoir vu ces affiches dans le métro.
La mystification atteint son comble avec la légende du Colonel Fabien qui fût amené à chapeauter les divers groupes terroristes avec Ouzoulias. Un jeune docteur, Raymond Boutroy qui, avec le professeur Milliez, s’est trouvé aux côtés des combattants FTP en France puis en Allemagne, témoigne du mode de vie d’aventuriers de la camarilla terroriste du PCF. Il explique comment était le colonel Fabien et réduit à néant cette autre mensonge du front national stalinien selon lequel Fabien aurait été victime d’un attentat :
« Oui, Fabien était un pur, les autres beaucoup moins. C’était un héros dans son système à lui. Il allait jusqu’au bout. « Tête brûlée » mais pour ceux qui ne sont pas de son avis. J’ai tout de même un certain respect pour lui. Comprenez qu’on peut avoir aussi un certain respect pour Hitler qui a été jusqu’au bout de ses idées, et qui est mort dans son système. Je n’approuve pas ses idées, mais… Les explosifs étaient une des passions de Fabien. Dans les cantines du régiment, il traînait des mines diverses. Il collectionnait les explosifs comme on collectionne des timbres. Je me souviens d’une de ses démonstrations dans l’école d’Etange-Grande devant tous les officiers. Son grand gag était d’étaler devant lui des mines anti-personnelles dites « à cisaillement » qui projetaient des lames de métal. Alors que nous lui faisions face, il sortait soudainement un marteau et tapait sur le poussoir supérieur de la mine… (…) la mine était toujours chargée. On avait tous un mouvement de recul. Il nous répondait sereinement : « voilà, ça résiste à 70 kilos, un coup de marteau n’équivaut qu’à 35 kilos. Inutile de vous dire que c’était tout de même un personnage assez curieux. (…) On a beaucoup reproché la perversité des allemands. Mais j’ai eu l’occasion de vérifier que cela existe aussi chez nous. Il y a des gens qui éprouvent un certain plaisir à dégringoler leur prochain. (…) Fabien et son équipe dont une secrétaire que j’aimais bien sont morts dans l’école d’Apsheim. (…) Ce n’était pas un attentat. Le colonel Fabien qui était un maniaque des explosifs a voulu dévisser, dans le local de son PC (il ne lisait pas les notes de service des « naphtalinars » qui informaient d’un nouveau type de mine) une taylor-mine à laquelle les allemands avaient joint un mécanisme pour qu’elle explose quand on la dévissait. La fenêtre du PC qui était carrée est devenue ronde, et tout l’état-major du premier régiment de Paris est passé en bouillie par la fenêtre. Fabien n’avait plus le haut de son corps…
P।H। : la presse du PCF et ses éditions Messidor ont soutenu que Fabien avait été victime des « naphtalinars » (c à d les officiers de l’armée régulière)…
R.B. : C’est faux. J’ai été témoin de cette obsession de Fabien. Cyrille Koupernik peut aussi vous le confirmer. Un autre docteur aussi. Que voulez-vous, Fabien était un maniaque des mines. A l’époque tout le monde a dit dans le régiment « il était en train de dévisser ce nouveau type de mine ». Personne ne l’a vu bricoler. Les témoins sont partis eux aussi en bouillie. De toute façon, Fabien avait toujours avec lui tout un assortiment de mines. L’accident ne fit pas l’ombre d’un doute dans le régiment. (…) Cinoche du PCF lors de l’enterrement national ».
(cf। entretiens annexes, A bas la guerre, 1989, le docteur R.B. m’avait assuré qu’il avait confié son témoignage à des historiens de métier, apparemment les historiens « de métier » laissent des vérités aux oubliettes de leurs archives selon leurs employeurs étatiques du moment, car je n’ai retrouvé nulle trace répercutant ce témoignage dont je republierai bientôt l’intégralité, d’autant que le docteur R.B. est décédé).



POURQUOI UNE NOUVELLE REMISE EN VEDETTE DE LA RESISTANCE NATIONALE ?
Nombre d’anciens terroristes en Israël comme dans les pays arabes sont devenus chefs d’Etat. Jusqu’à la fin du XXe siècle, à la suite de ses guerres de rapine ou de conquête, la bourgeoisie a placé ses hommes de main au rang de héros et les a récompensé au rang de chefs suprêmes de la « nation libérée ». Les chefs de l’ombre stalinien ont connu leur heure de gloire immédiatement après la Libération pour leur participation à la lutte nationale avec toutes les falsifications nécessaires pour évacuer toute possibilité de révolution communiste autre qu’une éventuelle soumission aux chars russes.
Puis dans le cadre de la stratégie qui a présidé au forcing pour faire écrouler de multiples façons le bloc russe, nous avons connu toute une période de réduction du rôle du PCF et à la remise au musée des antiquités des actions désordonnées de la Résistance. Des années 1980 à la veille de l’an 2000 il n’y avait plus place que pour la Shoah. Les martyres juifs n’étaient plus que les seules victimes de la guerre. Cette exagération convenait tout à fait à la mainmise américaine appuyée sur l’Europe, pour modérer ses ambitions hégémoniques en culpabilisant ses deux principaux empêcheurs de mondialiser en rond, la France et l’Allemagne. Les gouvernements Chirac s’étaient plus ou moins pliés à cette vogue exclusiviste et contraignante pour « l’honneur national » ; ce qui n’empêchait pas les vieux grognards gaullistes (et les républicains de Marianne) de râler devant une trop grande place éditoriale consacrée au massacre des juifs et à l’accommodement coupable de la population terrorisée.
Avec les nouvelles données internationales, lourdes de futures guerres, face à l’Iran en particulier, la nouvelle stratégie du pouvoir en place, oblige à flatter à nouveau les vertus nationales. De ci de là on entend stupidement des récriminations contre le gouvernement Sarkozy avec ses quotas et une politique agressive à l’encontre des immigrés. On va même jusqu’à dire qu’il reprend le programme de Le Pen ! Douce plaisanterie.
Sur le fond, pour toutes les fractions bourgeoises, seule importe l’union nationale, disons de favoriser le sentiment d’appartenir avant tout à une « communauté nationale » avec ses Valmy et ses Guy Môquet. Dans la guerre économique féroce que se livrent les grandes puissances, l’heure est au nationalisme. Un nationalisme certes nimbé de démocratisme, d’écologisme et de sport de masse. Mais en Chine, comme aux Etats-Unis, comme en Algérie ou en France – et même en Belgique - il est désormais nécessaire d’utiliser tout ce qui peut flatter le sentiment national. « L’étranger » est redevenu l’ennemi intérieur. En ce sens, la lettre du pauvre Guy Môquet, non pour son pathos, mais pour son symbole de lutte « contre l’occupant » et « jusqu’à la mort » est de bon augure pour la bourgeoisie affairiste et aux abois face au krach économique permanent qui lui pend au nez. L’idéologie nationale, qui peut aussi bien se bercer avec les confusions de Jaurès, Blum ou Charles Maurras, reste la principale antidote à la lutte des classes dans la mesure où celle-ci reste dépourvue de toute alternative d’avenir.

L’avenir bourgeois n’est pas destiné à durer longtemps si l’Etat continue à criminaliser non seulement les prolétaires qui apportent leur soutien aux migrants démunis, mais aussi les employés d’Air France qui ont jeté l’effroi chez le ministre du rang par leur forte mobilisation, plus significative que la JA bidon sur la réforme des retraites (le patron porte plainte contre les syndicats qui n’y sont pour rien….), mais aussi par les pantalonnades du blaireau président. Ce comique troupier s’est rendu impromptu au centre de maintenance SNCF de Saint Denis, protégé par une caserne de CRS pour provoquer les ouvriers : « je ne peux pas croire que vous soyiez à ce point inconscient de la réalité ». Phrase sonore non pour culpabiliser les cheminots mais pour les faire passer pour des cons au niveau national. Réponse d’une employée, non répercutée par Libé : « … j’ai du mal à joindre les deux bouts, alors qu’il ne vienne pas me dire que je suis inconsciente de la réalité ! » PAF !

Sarkozy signifie bien évidemment que la classe ouvrière devrait accepter de se serrer la ceinture au profit de la bourgeoisie nationale. Il en est pour ses frais, et à chaque fois il a tellement la trouille des réactions violentes des ouvriers, qu’il s’amène avec une armada de flics en côtes de maille.

Après "à chacun son boche", "à chacun de sa poche"?



CINEMA : LE BRAHMANE DU KOMINTERN de Wladimir Leon.

Pour une rarissime fois qu’un film à l’affiche sur un seul grand boulevard de Paris semblait faire un clin d’œil amical à notre bonne vieille révolution russe avec son affiche sympa, il n’était pas possible d’hésiter à entrer dans la salle obscure. L’obscurité historique est pourtant ce qui caractérise cette enquête d’amateur superficiel.

La photo, peu connue du grand public des peu nombreux participants au IIe congrès de l’Internationale communiste, reflète une gageure (lire sur le web, dans la Bibliothèque de la Gauche communiste : Le IIe congrès de l’I.C. un sommet et une croisée des chemins, par Bordiga). Il n’existe pas encore d’autres partis communistes hors de la Russie en 1920. Les bolcheviks ont invité des personnalités individuelles qui ne représentent encore qu’elles-mêmes ou des tendances de gauche radicale des partis socialistes qui ont trahis. Lénine, dans une posture familière, mains dans les poches est au premier plan. On croirait presque qu’il s’agit d’un tableau de Renoir, après un dîner à la campagne. Le grand Gorki tout chauve se tient en retrait et fait encore partie des amis intimes, lui qui a si généreusement financé jusque là le parti bolchevik avec ses droits d’auteur. Zinoviev, mains derrière le dos ressemble à un pacifiste instituteur de la IVe République. Une femme avec son sac à main figure entre le grand N.M.Roy et un petit barbu qui finira pendu avec Mussolini, sourit. Ce grand gaillard à tête de gentleman on le verra défiler derrière le catafalque de Djerzinski porté par Trotsky, Kamenev et les autres, dans la cohue des petits hommes bolcheviks.

Le mal nommé « brahmane du Komintern » (mauvais jeu de mot gauchiste) Manabendra Nath Roy (1887-1954) méritait mieux comme exhumation. A la fin de l’adolescence il milite dans le mouvement pour l’indépendance de l’Inde. Amené à s’exiler puis à voyager, il atterrit au Mexique où il est gagné aux positions communistes par Borodine en 1919. M.N.Roy vient d’abandonner les thèses de la libération nationale, c’est sans doute pour cela qu’il se ralliera aux positions de Rosa Luxemburg et défendra ses thèses contre Lénine au IIe congrès de l’I.C. où il est immédiatement invité. Au cours du documentaire on entend que Lénine aurait jeté son dévolu sur Roy non parce qu’il se tenait à part des milieux nationalistes indiens mais parce qu’il aurait été un individualiste plus facile à manipuler. Dans toute personnalité il y a toujours de forts traits individuels, ce qui n’est pas négatif en soi ; donc, si tel était le cas, manque de pot, Lénine eût affaire à forte partie même s’il réussit à mettre de l’eau dans les thèses sur la question nationale de Roy. Lénine conclut le congrès par un salut à N.M.Roy comme « symbole de la révolution orientale »

Le CCI par le passé a rappelé contre les errements politiques de Battaglia qu’on ne pouvait pas insulter la rectitude du communiste Roy (cf. Rint 42, 1985). Roy joue un rôle indéniable dans la fondation du premier parti communiste hors Russie au Mexique où ils ne sont que sept membres initialement (on nous montre même, SVP, une carte de membre). Le réalisateur amateur laisse dire aux vieux caciques du PC stalinien interviewés (ils sont apparemment bourrés et se marrent) que le rôle de Roy a été mineur. Ce PC produira quelques années plus tard, face à la dégénérescence de l’IC, une des fractions de gauche les plus claires aux côtés des communistes hollandais et de Bilan, la Gauche mexicaine dont les textes republiés par le CCI restent lumineux sur une foule de questions (nationalisations, libérations nationales, etc.).

En 1926, âgé de 39 ans, Roy (de son vrai nom Narendranath Bhattacharya) est membre élu des quatre organes officiels de l’IC : présidium, secrétariat politique, comité exécutif et congrès mondial). Il est envoyé partout en Europe mais aussi à Tashkent.

Roy agit à cette époque avant tout comme représentant de l’IC et non du parti russe. Ses fréquents voyages en Allemagne (où existe une importante colonie de prolétaires indiens) lui font cotoyer les communistes allemands. Il est donc très clair politiquement sur les questions principales même si, avec la dégénérescence il tend à s’orienter sur l’aile droite des Brandler et Thalheimer. Il dirige la délégation de l’IC en Chine en 1927 où il défend face à Mao et Borodine une stratégie basée sur une révolution paysanne, qui sera reprise plus tard par le célèbre dictateur chinois. Il ne comprend pas le danger de la théorie antifasciste comme nouvelle union nationale et peu à peu revient à ses croyances nationalistes de jeunesse et abandonne le marxisme au cours des années 1930 pour des conceptions rationalistes humanistes proches de l’Ecole de Francfort qu’il fréquente. Il revient en Inde où il est emprisonné plusieurs années. Son manque de clarté sur l’antifascisme le conduit à sa perte. En 1940, approché par les renseignements britanniques, il se solidarise des Alliés et reçoit une énorme somme d’argent qui lui permet de fonder son Radical Democratic Parti. Les Anglais font immédiatement connaître l’objet de la transaction et coulent ainsi le personnage et son parti qui essuient un lamentable échec électoral en 1945 face au parti de Gandhi libérateur de l’Inde colonisée par ces mêmes britanniques.

Le film documentaire de très mauvaise qualité visuelle ne nous donne pas les éléments pour reconstituer ainsi le rébus de la trajectoire de Roy. Il est constamment déplaisant, du début où il faut supporter les ricanements des vieux politiciens mexicains jusqu’à l’auto-exhibition du réalisateur qui se met sans cesse en scène, quand le propre d’un documentaire est d’être impersonnel. On y trouve des pépites cependant. Entendre la voix grasseyante de Lénine est assez surprenant et intemporel. On est déçu et énervé que la caméra qui survole les documents rédigés en français dans les archives au Mexique, en Russie et en Inde, ne nous laissent pas le temps de lire ces joyaux (lettre de protestation contre Staline de Roy, balancée par Piatniski, courriers des Trotsky, Rosmer, etc. effeuillés à la va vite). Une série de documents du plus haut intérêt et non encore photocopiés dans les archives occidentales défilent donc puis sont rejetés dans l’oubli d’armoires en ferraille gardées par d’imbéciles grosses contractuelles du régime russe. C’est à la fin de l’enquête qu’on trouve cependant des interviews de personnages passionnants, des types âgés de près de 100 ans, qui ont connu Roy, et dont la tête reste complètement lucide. Ces vieillards sont des dieux vivants. Laissons la conclusion à l’un d’eux :

« Roy était un type intègre. Le gandhisme est mort. Nous vivons dans un monde déraisonnable ».

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